69 - Anaïs

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Papa choisit un restaurant sur le port. C'était magnifique : des escaliers avec des oliviers de chaque côté, des bougies le long du chemin vers l'intérieur,un vent agréable... Ce que j'aurai adoré passer ma vie ici, et pas seulement mes vacances...

– Alors, ma chérie, comment ça se passent les cours ? Confiante pour le bac ?

– Je suis encore en vacances, papa, tu le sais, ça ?

– Bien sûr que je le sais, mais si je ne peux pas parler de ton copain, ou de ta mère, de quoi est-ce que tu veux qu'on parle d'autre ?

Je dus l'avouer, il m'a cloué le bec. Je ne savais plus quoi répondre.

– OK, tu m'as eu. Mais pourquoi tu viens jamais me voir ?

Il y eu un gros blanc. Je voyais presque mon père chercher une parade à cette demande. Je lui posais la question depuis tellement de temps, et depuis tellement de temps,il esquivait... Quelque part, je lui en voulais. J'en étais arrivé à la conclusion que c'était soit parce qu'il l'avait trompé et se sentait coupable mais jamais Maman ne l'avait sous-entendu, soit c'était elle qui l'avait trompé. Mais comme aucun des deux ne voulait me dire ce qu'il s'était passé, ben, je continuais à me faire mes films. Et j'en avais vraiment marre. J'ai dix-ans ans bordel, je suis assez âgée pour qu'on me dise qu'un de mes parents avaient fait une connerie. J'en fais, j'en ferais, je sais bien qu'ils sont humains.

– Alors ? C'est parce que Maman t'a trompé et que tu ne l'as jamais accepté ?

Je le vis pâlir et je regrettai aussitôt d'avoir été aussi cru.

– Qui est-ce qui t'a raconté ça ?

– C'est vrai ?

Je trépignais, je le sentais près de lâcher le morceau. Jamais il n'avais été aussi proche.

– On en parlera une autrefois. Avec ta mère, quand elle sera sortie. Demain, tiens, si tu le veux.

– Alors, c'est vrai... Je pensais pas.

– C'était une erreur de sa part, elle l'a reconnu après. Mais ça n'a plus collé entre nous, à partir de là.

– Et c'est pour ça que vous avez attendu tout ce temps pour me le dire ? Enfin, pour l'avouer, puisque si je ne t'avais pas posé la question... Tu te rends compte quand même que j'ai pensé sérieusement que c'était ma faute ? Pendant presque un an, pour être précis.

Et tout à coup, je lui en voulais à mort. De m'avoir menti, et rien dit. Et de m'avoir laissé avec elle.

– Cela va te sembler bateau ce que je vais te dire... Mais tu es ma plus belle rencontre et la femme que j'aime le plus au monde. Toi, ma fille. Et ma plus belle fierté. Forte. Belle. Tenace.

J'avais une boule d'émotion coincée dans la gorge, mélange d'amertume et d'amour, ainsi que plein d'autres choses indéfinissable. Quand votre papa vous dit des choses pareilles, les yeux dans les yeux, ça vous fait quelque chose.

– Si c'était elle la fautive, pourquoi tu ne m'as pas prise avec toi ?

– Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, tu es une fille, ma chérie. Et au moment de notre séparation, nous avions, ta mère et moi, vu que tu grandissais. On en a parlé et on a conclu qu'une jeune fille devait être auprès de sa mère pour tout ça...

– Et vous pouviez pas me le dire, simplement.

– Tu avais onze ans, et tu refusais déjà l'idée qu'on se sépare... Il a fallu faire ce qu'on croyait le mieux.

Ça, par contre, c'était bateau. Comme argument, ça ne tenait pas pour moi.

– Bon, maintenant, on fait quoi, demandais-je, un peu tendue après un long silence.

– On demande la carte et on commande.

Amours d'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant