3. La colle

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Il est dix-sept heures, il me reste encore une heure à tenir.
Quel bouffon!
M'enfermer ici, c'est vraiment et totalement pitoyable. Le pire c'est que l'autre sorcière n'a rien eu...

Je l'avoue, j'ai manqué de respect à un surveillant, et alors? Vous avez vu comment il m'a causé?

Le pire dans tout ça, c'est que je suis obligée de faire des maths et que la personne qui me surveille est une surveillante qui mange des gâteaux devant mes yeux.
Non, mais quelle cruauté! Dans quel monde je viens d'atterrir?
L'autre crétin de surveillant sexy, mais arrogant n'est pas venu de toute mon heure de colle.
Normalement c'était à lui de me "surveiller".
Mais non, Monsieur me balance deux foutues heures de perm' sans prendre la peine de vérifier que je sois là.

Je vais exploser. Je le sens. Je vais exploser de rage.

Je lance mon stylo par terre puisque je ne comprends en rien à ce qu'il est écrit sur cette foutue feuille d'exercice.
Je le regarde atterrir au sol, contre les pieds de quelqu'un.
Mon regard se relève tout le long de se corps humain et le découvre, le regard plissé, le sourire en coin et cette même corpulence qui me fait fondre.
Saleté de désir. Pourquoi être aussi séduisant, mais aussi con à la fois ?

C'est bête. Il vient de gâcher une opportunité de fous :
M'avoir.
Ouais, je suis légèrement narcissique, mais si je ne le suis pas avec moi-même qui va l'être?
Et bien, personne.

— Viens ramasser ton stylo.

Quel comique.
Il est à ses pieds, il n'a qu'à se baisser et me le rendre, lui.

Tiens, qu'il fasse un peu de squatte, je rêverais de le contempler en pleine séance de sport...

— Même pas dans tes plus beaux rêves, je finis par affirmer.

Il sourit.

— Merci Monica, je vais prendre le relais, annonce-t-il en s'adressant à celle qui ne cesse de se goinfrer.

Ah! Monsieur s'est décidé à rester.

Tu parles, il a que ça à faire.
Couillon va.

Mon cerveau est en effervescence, j'ai envie de me lever et de l'étriper autant que j'ai envie de l'embrasser à pleine bouche.
C'est mon surveillant et alors? Personne n'a jamais rêvé ou même imaginé, une seule seconde, être en relation avec l'un de ses enseignants?
Et bien, que votre réponse soit oui ou non, ça ne change en rien à ce que je pense.
Il est baisable.

— Je te parle idiote!

— T'as dit quoi là? criai-je comme une furie.

— Calme ta joie déjà, je ne suis pas ton copain, moi.

— Et tu crois que je suis ta copine peut-être? D'où tu m'insultes?

Il rigole en passant sa main sur sa fine barbe. Sexy...

— Ne me dis pas que tu vas te mettre à pleurer, si?

Je lui fais un droit d'honneur. Il le mérite amplement.

— Bon assez discuté. Remets-toi rapidement au travail.

J'ai envie de hurler. Putain qu'est-ce qu'il a le don de m'énerver.

Pendant le reste du temps, je fais semblant de travail.
En vrai, je gribouille et dessine des têtes de chiens un peu partout sur les rebords.
Ne me juger pas encore une fois, c'est la seule chose dont je suis capable de faire correctement.
Je me lasse rapidement et relève les yeux en face de moi où Monsieur-l'idiot est au bureau.
Il me regarde.
Il me regarde dans le blanc des yeux, sérieux et déterminé.
Putain pas ça!
Je me sens chauffer des joues. Non, non et non!
Je contemple de nouveau ma feuille, prise par surprise. 

Pourquoi, moi? Pourquoi, nous?

Son stylo ne cesse de taper la surface rigide et c'est comme un tic-tac dans ma tête qui ne fait que redoubler de volume et de vitesse.
Je respire profondément et relève une seconde fois les yeux en sa direction.
Il me fixe toujours, un sourire satisfait collé aux lèvres. Et c'est à mon tour de redoubler de couleurs.
Je sens mon visage bouillonner, comme si de la vapeur sortait par chaque port de ma peau.
J'en suis sûr que je suis désormais cramoisie.

— Bon ça suffit, dit-il en reculant sa chaise et en se levant. Sors d'ici.

Je fronce les sourcils d'incompréhension.

— Tes heures de colle sont terminées. Allez sors d'ici avant que je ne change d'avis.

Je remballe mes affaires à la hâte et m'en vais sans me retourner.

Je rentre directement à la maison.
Par contre, je n'ai pas annoncé à ma mère que j'avais bénéficié de deux heures de perm' le premier jour.
J'ai menti. Je lui ai affirmé que j'allais passer du temps avec mes nouveaux amis.
Hors, je ne m'en suis pas faits. Pas encore.
Après mon altercation avec la sorcière, je crois que j'ai attiré le regard de certains.
Des bons ou des mauvais ?
Peu importe. Dans peu de temps, je sens que ses ennemies vont faire surface et m'acclamer de reconnaissance.

En attendant, je monte dans ma chambre et m'affale sur mon lit.

— AAAHHH!

— HA HA HA! rit quelqu'un derrière ma porte.

— Jimmy, je vais te bousiller! hurlai-je trempée ainsi que mes draps.

Ce salopard à imbiber mes draps... d'eau.
Non, mais il est toujours dans l'excès!

— Ça t'apprendra pour ce matin, annonce-t-il en partant en courant dans sa chambre, ses saletés de pieds cognant contre le sol.

Je me relève et fonce dans le couloir en route pour sa chambre, mais je me fais subitement arrêté par une main puissant contre mon torse.

— Où comptes-tu aller comme ça, sœurette?

— Va te faire foutre, Jimmy!

Il rit à pleins poumons en m'analysant de la tête jusqu'aux pieds.

— En fait, t'étais où?

Je lève les yeux au ciel l'air de rien, mais Jimmy me connait si bien.

— Alyson, ne me dis pas que tu as bécoté le premier jour. 

Mais qu'il est bête! Quoi que, si j'avais pu, je l'aurais fait. Hors j'étais coincée dans une salle avec une mangeuse de beignet. 

— J'ai été collé.

Il fait les gros yeux, son expression change immédiatement.

— T'es pas croyable toi!

Je souris toute contente, et hausse les épaules l'air de rien.

Surveillant devenu AmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant