~ Chapitre 47

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Victoria : 

Lorsque mon réveil sonne, je le laisse sonner, je ne l'éteins pas.

Je reste là dans mon lit, étendue sur le dos, à fixer le plafond. Je ne parviens pas à décrypter la myriade de sentiments qui se déverse en moi. Je crois malgré tout que le sentiment qui prédomine le plus est la peur.

La peur de tout perdre, de perdre cette sécurité que j'ai réussi à bâtir ici, la sécurité de Nate, de ses bras autour de moi, de sa bouche sur ma peau, la peur de perdre la chaleur de June, la peur de ne plus jamais voir Seattle, mystérieuse, regorgeant de possibilités à mes pieds, la peur de couler de nouveau, de redevenir l'ombre de moi-même.

Mais d'un côté, paradoxalement, je suis aussi plus forte. Ces derniers mois j'ai tellement appris sur moi : sur ma capacité à aimer, à tolérer, à me battre. Et je sais que mon départ de Seattle ne signifie pas la fin de tout ; je veux le prendre comme un renouveau. Le moyen pour moi d'être plus forte.

Je finis par me lever et pars me laver, puis j'enfile une tenue confortable que je porterai dans l'avion ce soir. J'ai déjà 4 SMS de ma mère, qui me dit qu'elle est excitée de me voir, mais je ne réponds pas.

Je commence à réunir quelques affaires sur mon lit, mes cours eux sont déjà classés et rangés, mais le cœur n'y est pas. Mon cœur est déjà pris. La vérité est que la dernière chose que je souhaite au monde c'est de retourner à Paris. J'aime la jeune femme amusante et épanouie que je suis devenue ici. Et j'aime Nate. Je déglutis avec difficulté et chasse les larmes qui menacent.

Dans la cuisine je retrouve June, qui semble éteinte, comme moi la veille. Elle observe les quelques cartons qui sont dans le salon. De toute évidence, l'idée que je parte la déprime. Elle me sert un café et je m'allume une cigarette. June est démaquillée et ses cheveux sont en bataille.

– Comment tu te sens ? Me demande-elle.

– Je ne sais pas trop, je réponds sincèrement en prenant une gorgée de café. La sensation que j'éprouve en ce moment est douce-amère. Je ne veux pas partir d'ici mais ma mère me manque terriblement, même si elle m'agace profondément.

June m'adresse un sourire indulgent et s'allume à son tour une cigarette.

– Tu sais tu pourras revenir pour les vacances de Pâques, voire même avant si tu t'organises bien.

Je ne réponds rien mais lui souris à mon tour.

– D'ailleurs, je suis assez gênée de te demander ça mais je me demandais si tu étais d'accord avec le fait que May et Darwyn viennent vivre ici après ton départ ? May se sent trop à l'étroit dans l'appartement actuel et je pensais ... enfin je ne veux pas que tu aies l'impression que ...

– Je comprends, dis-je en la coupant. Je suis contente que cet appartement reste en de bonnes mains.

Je le balaie du regard tout en disant ça. C'est dans cet appartement que j'ai rencontré June pour la première fois, que Nate et moi nous sommes embrassés pour la première fois, que nous avons couché ensemble, c'est ici qu'il a appris que j'étais malade. A la fin, le temps passe, mais les souvenirs restent.

– Il faut que je finisse mes affaires, je dis d'une voix blanche.

– Je vais t'aider.

La présence de June m'apaise, elle me fait rire et nous parlons de tout et de rien tout en faisant mes affaires. Je sais que Nate doit passer en fin de journée, et je sais que lui aussi appréhende ce moment ; il ne sait pas comment réagir, comment se comporter. Je croise les doigts pour que ce moment se passe bien.

Manibus RetortaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant