Chapitre 2 : Éléanore

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Lundi 10 Octobre, Lycée privé Sainte-Émilianne.

- Encore en retard ! On dirait que tu le fais exprès.
- Bonjour à toi aussi, je te signale que ça n'a pas encore so...

DriiingDriiing

- Qu'allais-tu dire ?
Sacré Romain, même la sonnerie du lycée ne le respecte pas. Oh mince, qu'est-ce qu'il se passe encore ? D'habitude Alisée pique une crise quand quelqu'un prend sa place à côté de son chéri Romain mais là, elle vient de s'asseoir à côté de Mathéo.
- Ohé RoRo !
- Carfante ? me répond-il avec le nom de cette créature que nous avions vu dans un livre le mois dernier.
- Arrête avec ce surnom idiot. Rentre toi bien ça dans ta petite tête : Me llamo Éléanore. Bon sinon, tu peux me dire pourquoi l'autre n'est pas à côté de toi ?
- Elle a un prénom... Écoute, on peut en parler plus tard ? Je veux dire, E-E-Elle est juste derrière nous.
- Non mais t'es sérieux ? Elle est à l'opposé de la classe !
- S'il te plaît, essaie de comprendre ...
- De quoi tu p...
- Bonjour à tous vous pouvez vous asseoir ! Aujourd'hui nous allons parler « Catharsis »...
Je ne sais pas ce qui se passe mais d'habitude, il inonde le cours de Français de questions tout en clamant à qui veut l'entendre son opinion sur telle ou telle scène de la pièce de théâtre qu'on étudie. Alors qu'aujourd'hui il est muet comme une carpe et il tire une tête d'enterrement.
- Je vous annonce que vous avez Étude l'heure suivante car votre professeur de Mathématiques sera absente jusqu'à la semaine prochaine.
RoRo aurait normalement dû sauter au plafond en apprenant que l'on n'aurait pas maths pendant une semaine, surtout que son heure de colle samedi n'aura sûrement pas lieu si la prof est absente. Mais non, au lieu de ça, il regarde la table d'Alisée d'un air pensif et dépité. Il se passe quelque chose d'étrange et j'ai comme l'impression que l'autre cruche y est pour quelque chose. Si jamais, elle lui a fait du mal, je la tuerais.
- Oh là là ! On s'ennuie avec vous, déclare Max nous tirant de notre rêverie. Avant c'était cool et joyeux sur cet îlot - même quand il y avait Alisée et pourtant ce n'était pas gagné. Mais maintenant c'est dépressif. Allez RoRo fait nous un sourire quoi ! Tu as la tête qu'un mec qui se serait fait lar... Oh. Que s'est-il passé avec la Bouffonne ?
- Elle. A. Un. Prénom. lance-t-il à Max d'un ton saccadé qui ne présage rien de bon.
- Du calme vous deux ! dis-je en essayant de temporiser un peu. Romain, Max n'a pas voulu être méchante. Tu sais comment elle est. Et toi Max, visiblement RoRo a eu un week-end horrible. Par contre je suis d'accord avec toi sur un point : ce serait cool si il nous disait ce qui lui arrive car on voit bien qu'il y a un truc qui cloche.
- Je vais bien et j'ai passé la meilleure fin de semaine de ma vie entière ! Vous êtes contentes ? annonce-t-il, sa voix montant crescendo.
- Punaise, mais fichez lui la paix ! s'énerve Énola, la dernière fille de notre îlot. Vous m'empêchez d'écouter le cours.
- Merci Énola mais je peux me défendre seul, je n'ai pas besoin de ton aide, cria-t-il autant que puisse permettre un chuchotement avant d'ajouter : De toutes façons, le cours est bientôt fini.
Mais mince à la fin ! Qu'est-ce qui lui prend ? En quatre ans qu'on se connaît, je ne l'ai jamais vu comme ça. À bien y réfléchir, je crois bien que ce doit être la première fois qu'il se met en colère car les traits de son visage se transforment en un rictus mauvais. Ça ne lui va pas du tout. Ses joues ne sont pas habituées à former une telle expression. Je commence à paniquer même si c'est ridicule.
- Romain, tu passeras à mon bureau à la fin du cours, demande Madame Varna, la professeure de français.
Dieu merci, je ne suis pas la seule à remarquer qu'un détail cloche. Suite à cette annonce, les minutes deviennent de plus en plus longues... Je croyais qu'il ne restait plus que deux minutes !

Cent vingt secondes. Peut-être qu'il acceptera de se révéler à une enseignante.

Cent quinze. Qu'est ce que la prof en a à faire des histoires de cœur de ses élèves.

Quatre-vingt seize. Ou alors, le couple essaie de berner le reste de la classe ; non impossible ils s'aiment (aient ?) trop pour faire un coup tordu.

Soixante dix-sept. Max et moi on se fait des films car si ça se trouve la prof va juste lui réexpliquer encore une fois pourquoi cette pièce est importante dans l'histoire du théâtre.

Soixante. Je me suis juste imaginée sa colère ; j'en ai encore des frissons tellement c'était horrible.

Quarante-sept. Dépêche-toi petite trotteuse !

Trente-deux. C'est si dur que ça de faire un tour complet d'horloge ? Non je ne crois pas.

Douze. Je parle à une aiguille, ça montre bien à quel point la situation est pathétique. Quatre.

Trois.

Deux.

Un.

Enfin !

Driiing Driiing

- Venez on va à la cafeteria rejoindre Zoé et Bastien, propose Max. Je suis trop contente hier ils se sont embrassés grâce à moi.
- Ça va les chevilles ? je préfère lui demander car Max à l'air convaincue de sa réussite.
- Elles tiennent encore dans mes chaussettes, me répond-t-elle du tac au tac.
- Ouah le monde qu'il y a à la cafet ! Laissez tomber : on n'aura jamais de place, j'affirme d'un air solennel qui fait rire Max.
- Les filles, nous appelle Romain qui n'a pas décroché un mot depuis notre conversation en français il y a une heure, notre table habituelle est libre.
Le vaurien ! Il a pris la dernière chaise. C'est pas la galanterie qui l'étouffe. Et en plus il sourit cet idiot. Hé mais je rêve ou il rigole ? Cela me soulage de savoir que la moindre esquisse de sourire balaye ses mauvais traits. L'occasion est trop belle alors je me lance :
- Qu'est-ce qui passe depuis ce matin avec l'autre ?
- Bon OK, se résigne-t-il. Je vous dois bien ça. Vous vous souvenez du cours de Maths où Lis' et moi nous étions fait virer car elle s'était énervée? Et bien, j-j-j'ai rompu avec elle...
- Qu-Quoi ? parvient à dire sans trop de mal Max. Mais pourquoi ne pas nous l'avoir dit plutôt ? Pourquoi as-tu fait ça ? Je veux dire, je suis super contente car tu n'es plus avec elle mais c'est trop triste car vous formiez un couple singulier, malgré tout.
- Max, s'il te plaît Max, je l'implore. Laisse-le s'expliquer.
- J'aurais dû vous le dire mais j'avais besoin d'être seul pour réfléchir un instant.
- Tu as commis la pire erreur de ta vie, déclare Max d'une voix solennelle que je ne lui connaissais pas. L'année dernière en troisième, j'étais dans sa classe et elle a pourri la réputation d'un mec qui l'avait larguée.
- Je m'en fiche de ce que les autres pensent de moi, lui rappelle-t-il. De toutes façons, les autres me prennent déjà pour un psychopathe asocial donc voilà. Et puis Alisée ne me ferait jamais de crasses derrière mon dos.
- Tu ne tiendras pas longtemps le même discours, l'avertit Max.

« Tu ne sais pas ce que m'a écrit Alisée sur la conversation de groupe de sa classe ? Romain, son ex, serait gay ! »

ROMÉOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant