ROMÉO

Chapitre 9 : Romain

Lundi 14 Novembre, Cours de récréation du Lycée privé Sainte-Émilianne

Je vais finir par mal le prendre ! Depuis une semaine, Mat' m'évite et j'en ai marre. Aurais-je dit ou fait quelque chose qui aurait pu le vexer ? Non pas que je sache. Cependant, il semblait troubler que je lui en veuille de m'avoir dissimulé ce qu'il s'est passé avec ses parents. Il faut que je tire tout cela au clair avant que la situation n'empire de trop.

Eh ! Qui est l'idiot qui s'amuse à refléter le soleil dans mes yeux ? Oh non pas elle. Qu'est-ce qu'elle me veut encore ? Je crois qu'elle essaye d'attirer mon attention mais si je continue à l'ignorer, elle se lassera sans doute.

Non toujours pas ... Bon, allons voir ce qu'Éléanore a à me dire.

– Hey, Romain, commence-t-elle hésitante. Je ... enfin c'est juste que ...

– Fais-vite, tu devrais déjà t'estimer heureuse que je t'accorde une parcelle de mon temps libre pour toi, je lui crache violemment.

– Ne joue pas à l'enfant supérieur avec moi ! Et arrête de me brusquer, tu sais que je ne le supporte pas. Et sois gentil s'il te plaît : ne m'interromps pas sinon je n'aboutirais pas à ce que je veux te dire. Enfin bref, je tenais sincèrement à m'excuser de mon comportement des plus odieux envers toi, l'autre jour à l'hôpital.

- On ne s'excuse pas soi-même : c'est impoli.

- Pas plus que de couper la parole. En tout cas je voulais que tu saches que je ne recommencerai plus : dire des choses discriminantes et agir sur le coup de la colère ... C'est vrai quoi ! De quel droit ai-je pu être blessante et détruire une amitié qui a résisté aux coups-bas les plus sombres ? Je ne peux pas répondre à cette question. En revanche, je suis sûre d'une chose et cela depuis très longtemps : j'aime te voir au lycée, j'aime croiser ton regard lors des cours, j'aime entendre ton rire léger, j'aime sentir ton parfum aux douces notes de pommes des bois, j'aime être en ta présence, j'aime ta présence, je t'aime. Et le fait que tu partages déjà cette partie de ta vie avec Mathéo me consume de l'intérieur. Je t'en prie, dis quelque chose.

Il me faut un certain moment avant de bien comprendre ce qu'elle me dit : elle est désolée et je me doutais bien qu'elle était trop différente de la Éléanore qui m'a parlé à l'hôpital. Enfin je retrouve ma Éléanore. Cette fille bien trop gentille et adorable.

Mais qu'a-t-elle dit ? Ma meilleure amie m'aime ? Cette fille avec qui j'ai grandi est folle amoureuse de moi ! Ma meilleure amie, que je considère comme ma sœur jumelle ? Je ne sais vraiment pas quoi en penser. Vite, je dois parler, dire quelque chose, n'importe quoi :

– Tu sais, avec Mathéo, on ne se parle plus trop et puis il commence à être lassant, je réponds simplement tout en voyant son visage s'éclaircir nettement.

– Cela veut dire que vous n'êtes plus ensemble ? s'empresse-t-elle de me demander.

– Ce n'est pas ce que j'ai dit, je rectifie. Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que cette idée te fais frémir de joie ?

– Peut-être parce que c'est le cas ? assume-t-elle tout en se rapprochant de moi dangereusement. Donne moi ta main.

– Non Éléanore, je ne le ferai pas : je suis en c...

– Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te sauter au cou ! Allez : tends ta main. Voilà, maintenant regarde moi dans les yeux et respire lentement. Doucement, voilà.

Je me sens peu à peu rentrer en transe. Mes doutes, mes peurs et mes questions se volatilisent et je sens un vent chaud sur mes joues.

– Réponds honnêtement, me demande Éléanore d'une voix sensuelle que je ne lui connaissais pas. Que ressens-tu pour moi ? Non ! Attends reste calme et dis moi la vérité : je peux tout entendre.