Chapitre 18 : Mathéo

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Vendredi 21 Août, Domicile des Storm-Huxley.

La nuit a été courte, je le nie pas. Avec les révélations sur le meurtre d'Éléanore et le suicide tard dans la nuit de cette jeune inconnue, j'avoue ne pas vraiment avoir dormi. Ce qui me fait penser qu'il faut que j'appelle Maud après la cérémonie pour voir si le corps a été identifié. C'est incroyable ; dans moins de deux heures je serais à la mairie pour me marier et je n'ai que des histoires de meurtres sordides en tête. Si seulement je pouvais juste me concentrer sur ce nœud de cravate de pacotille !

- Mathéo ? Je ne veux pas te presser mais il serait peut-être temps qu'on y aille, non ?

- Oui désolé Alisée, c'est juste ce nœud qui ne veut pas se positionner correctement.

- Ah Mathéo, qu'est-ce que nous allons faire de toi, mon pauvre ? Viens ici que je te le fasse.

- Je n'arrive pas à croire que je vais me marier.

- C'est peut-être difficile à comprendre pour la plupart des gens, mais cela s'appelle "grandir".

- Comment peut-on épouser quelqu'un et ressentir de la joie dans un monde où pousser des gens d'un pont est une monnaie courante ?

- Pourquoi tu parles de pousser des gens d'un pont d'un coup ? La police est au courant de quelque chose pour hier soir ?

- Hein, quoi ? Non, c'est un suicide. Je te parle du meurtre d'Éléanore !

- Les enquêteurs ont conclu à un suicide ? Bon, quoi qu'il en soit, je ne suis pas sûre que ce soit très judicieux de remuer les événements d'il y a trois ans ou même de cette nuit.


Driiing Driiing

- Tu peux me passer mon portable s'il te plaît ? Ce doit être Maud pour l'identifi...

- Maud... ta patronne ? Mathéo enfin ! Tu te maries aujourd'hui. Décroche un peu de ton travail et de tes enquêtes sordides et va épouser ton fiancé ! Ton Roméo t'attends ! D'ailleurs vos deux prénoms mélangés donnent "Roméo".

- La seule chose que je dois décrocher c'est cet appel !

- Non, je te l'interdis. Maintenant, mets tes chaussures car nous allons être en retard à l'hôtel de ville.

- Bon, parfait.

J'attends qu'elle ait quitté la salle de bain pour m'emparer de mon téléphone mais il n'est plus là. C'est sûrement Alisée qui l'a embarqué sachant que je n'aurais pas résisté à l'envie de répondre à mon capitaine.

- Si tu cherches ton smartphone, c'est moi qui l'ai ! me crie Alisée du bas de l'escalier. Perdi ! Tanguy ! Vous êtes où, là ? Il n'y a que moi pour m'inquiéter d'arriver dans les temps ou bien ?

- Je suis en train d'habiller Perdican mais il a encore vomi sur son costume.

- Je lui avais pourtant dit qu'il ne pouvait pas manger de miel avec son intolérance ! Vous m'exaspérez. Sachez toutefois que je ne serais pas en retard au mariage de mon meilleur ami ! Alors qui m'aime me suit.

- Tu sais que si je ne suis pas là, il n'y a pas de mariage, dis-je en courant vers la voiture.

Dix minutes plus tard, après que Perdican ait été changé une énième fois, nous nous élançons à toutes vitesses sur la route en direction de la mairie. Mais soudainement, Alisée freine d'un mouvement et fait demi-tour brusquement en hurlant de toutes ses forces qu'elle a oublié les alliances. Heureusement que Tanguy avait pensé à tout et qu'il les avait pris. D'un coup, Alisée refait un demi-tour et dérape sur cent mètres pour reprendre le bon sens de circulation. Mon cœur bat de toutes ses forces dans ma cage thoracique et je m'accroche tant bien que mal à la poignée de maintien au dessus de ma tête dans l'éventualité où Alisée voudrait rejouer les pilotes de formule 1.

Nous arrivons finalement dans le bureau de cérémonie du maire. Tandis qu'Alisée va se placer à droite de la salle, je reste à côté de la porte pour dire bonjour aux invités, Romain en face de moi, faisant de même. Je vois bien qu'il fuit mon regard mais je suis sûr que c'est à cause du stress. Une fois que toutes les gens endimanchées se soient assises dans la salle, nous nous mettons côte à côte devant la porte à attendre que le maire nous fasse signe d'entrer. Je cherche la main de Romain mais quand je la trouve, je la sens hésitante. Le pauvre est tellement angoissé qu'il tremble comme une feuille.

- Ne t'inquiète pas Romain, tout va bien se passer.

- Je sais... Écoute Mat', il faut que je te dise un truc très important qui ne peut vraiment pas attendre.

- Oui, tout ce que tu veux.

- J-j'ai, panique-t-il. C'est moi qui ai t...

Il est interrompu par l'appel du maire et je vois bien qu'il est vraiment très mal.

- Tu disais ? je l'encourage.

- J'ai oublié. Viens, il faut que nous entrions.

Nous nous dirigeons donc, main dans la main, le pas imperceptiblement gauche. Une fois arrivés devant le maire, nous nous détachons pour s'installer de par et d'autre du bureau. Et commence la litanie. Oui je le veux, oui il le veut. Oui je le chérirai jusqu'à ce que la mort nous sépare, oui il me chérira jusqu'à ce que la mort nous sépare. Non, personne ne s'oppose à cette union. Oui tout le monde se tait à ja...

- Désolée de devoir interrompre ce mariage, déclare ma cheffe en entrant tandis que mon cœur rate un battement.

- Je suis désolé monsieur le Maire, j'ai tout fait pour l'empêcher d'entrer mais elle est de la Police.

Je sens Romain défaillir à côté de moi au fur et à mesure que Maud s'approche. Plus elle avance, plus il se tasse sur lui-même. Mais au dernier moment, ma capitaine se détourne et fond sur ma demoiselle d'honneur.

- Alisée Storm, je vous arrête pour le double meurtre d'Éléanore Sun et de Camille Musset. Tout ce que vous direz pourra et sera retenu contre vous. Si vous n'avez pas d'avocat, il vous en sera assigné un d'office.

- Mathéo... Romain, je suis tellement désolée.

- Non ! je hurle d'incompréhension. Maud, vous ne pouvez pas l'emmener.

- Je vous déconseille de vous interposer si vous ne voulez pas que je vous inculpe pour outrage à agent.

- ALISÉE !

ROMÉOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant