Chapitre 13 : Éléanore

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Mercredi 21 Décembre, Cabinet médical du Docteur Franz

- Il est un peu tôt pour se prononcer mais il semblerait que tu soies enceinte, Alisée.

BAM

Je sens une douleur cuisante naître à l'endroit où Alisée - que je n'avais pas vu depuis quelques jours hormis une ou deux fois dans les corridors - vient de m'accoler une gifle dont ma peau se souviendra quelques temps, à n'en point douter. C'est d'autant plus dur à supporter que sa gouvernante est virée pour incompétence en matière d'éducation et j'ai comme l'impression que tout est de ma faute. Depuis la soirée des jumeaux, le mois dernier, les choses ont été de mal en pis : la relation toujours plus forte entre Mathéo et Romain, l'opération de Camille qu'elle a abandonné à cause de tout ce que j'ai dit d'horrible sur elle, et maintenant la grossesse surprise d'Alisée ! Il ne pouvait pas se la garder dans le pantalon, celui-ci.

De toutes façons, on ne me la fait pas à moi : je sais que je dors et que tout ceci n'est pas réel. Je vais me réveiller aux côtés de Camille, avec les oiseaux qui chanteront la fin de l'hiver. Mais malheureusement, le coup de fil que j'ai reçu la semaine dernière d'Alisée me prouve que tout ceci est vraiment en train d'arriver. Après un test de grossesse qui s'est révélé être positif, la pauvre enfant m'a appelée pour que je l'emmène faire des examens plus poussés. Cependant, les signes ne trompent pas : les nausées qu'elle a avoué avoir ressenties toute cette semaine et l'odeur horripilante de vomi dans son escalier. - Je sais que ça ne peut pas être vrai ! pleure Alisée. Comment est-ce possible Docteur Franz, comment peut-on tomber enceinte alors qu'on n'a jamais ... ? Enfin vous savez.

- Je suis formel Alisée : tu vas avoir un enfant, dans environ sept à huit mois si mes calculs sont bons. Essaye de te souvenir : n'as-tu vraiment eu aucune partie de sexe ces derniers temps ?

- Quoi ? Bien sûre que non, voyons !

- En fait si, j'interviens. C'était lors de la soirée chez Tanguy quand Mathéo nous a surpris Romain et moi ...

- Tais-toi ! Tu mens. Par pitié, tout sauf ça ! Je ne l'ai fait qu'une fois avec Mathéo, c'est tout bonnement impossible, et puis je lui ai donné un préservatif donc logiquement, c'est une erreur de diagnostic, Docteur !

- N'oublie pas que c'est moi qui te l'ai gentiment donné. Je ne sais pas si tu te souviens mais il était obligatoire que tu « concrétises » avec Mathéo. Alors, je l'ai percé avant de te la remettre.

- Punaise : je n'y avais pas pensé. Jamais je n'aurais imaginé que tu irais jusque là. Ainsi, tu es parvenue à tes fins et nous voilà tous pris au piège. Va-t-en, je t'en conjure.

- Mais Alisée, je suis désolée.

- Va-t-en ! Ne me parle plus jamais. Je te déteste ! Dieu que je te déteste tellement !

Je crois qu'il faut mieux que je parte, effectivement. Mais pour aller où ? Je n'ai plus rien, plus personne. Peut-être que c'est Camille qui avait raison quand elle m'a dit que je semais le chaos, peu importe où j'allais. Je fais donc quelque chose qui met à mal ma fierté : je décide de l'appeler pour me faire pardonner.

Quatre tonalités, bientôt cinq, elle décroche :

- Que me veux-tu Éléanore, tu reviens pour m'insulter ?

- Non, je tenais juste à te faire des excuses sincères et franches. Est-ce qu'on peut se rejoindre quelque part ?

- Je ne veux pas entendre ce que tu as à me dire. J'en ai ras-le-bol de tout ça.

- Je t'en prie, Camille.

- Au fond que veux-tu Éléanore ?

- J-J-Je ne sais pas, je m'effondre pour la première fois depuis bien longtemps.

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