Chapitre 12 : Alisée

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Dimanche 20 Novembre, Domicile des Storm.

Une porte claque et je sursaute de mon lit. Prise de vertige, je tente de m'asseoir sur mes draps. Et là, je remarque que Mathéo n'est plus là. Après sa tentative de suicide d'hier soir, je me mets à imaginer toutes sortes de scenarii : Mathéo au bout d'une corde, les poignets striés de rouge pourpre, entouré de médicaments, son corps flottant dans le fleuve...

Non mais c'est pas vrai ! En fait il peut aller crever, j'en ai rien à foutre. Ce petit con a écrit une lettre d'insulte sur ma descente de lit avec mon nouveau rouge à lèvres marron maté. Ce n'est pas possible ! Est-ce que ce mec sait combien coûte un bâton de rouge à lèvres ? Je ne pense pas, sinon il en aurait utilisé avec parcimonie voire pas du tout, en fait.

On peut dire qu'il sait réussir ses sorties. Si je le croises, je le tue. En plus il m'a fait tout un roman cet imbécile. Bon voyons quand même ce qu'il a à dire de si important qu'il n'ait pas le temps de prendre un stylo et du brouillon pour écrire: c'est certainement trop demandé de laisser un message sur un post-it avec un crayon bic. Alors, où est-ce que ça commence ?

Alisée, je ne sais par où commencer. Je te remercie d'abord de m'avoir aidé hier soir sur le pont. Je te dois quelque chose, ou plutôt je te devais quelque chose. Car tu as perdu ce privilège au moment où je t'ai démasquée : tu devais me séduire pendant qu'Éléanore faisait de même avec Romain pour que nous rompions. Malheureusement, tu t'es prise au jeu et tu as développé des sentiments ; alors quand Éléanore t'a demandé de coucher avec moi, tu as accepté sans trop de soucis. Bien sûr, tu ne savais pas que son plan était que je les surprenne elle et Romain, pour que je souffre. Alors, te sentant abandonner, elle t'a fait des rappels : Camille. Ce n'était pas pour me surveiller moi mais pour toi, qu'elle est venue. Je change de rouge à lèvres car il me semble que le orange écrit mieux ;-). Bref, maintenant que tu as eu ce que tu voulais, ne viens plus me parler et prie pour que ton chemin ne croise jamais le mien. Bisous my Beauty Girl !

Nom de Dieu ! Comment je vais faire pour arranger ça ? Je me sens tellement honteuse que je n'ose pas me relever. Mais vite j'entends ma sempiternelle gouvernante anglaise qui arrive, alors je prends un chiffon et j'essaie de nettoyer mon rouge à lèvres sur le tissu. Oh non ! Je l'étale plus qu'autre chose. Il va me le payer.

Rha mais que vais-je faire de lui ? Eurêka : je vais l'incendier par message. Alors voyons, où ai-je mis mon portable ?

- Nanny, Nanny! je m'époumone dans la cage d'escalier. As-tu pris mon téléphone quand tu as fait mon lit ?

- Plaît-il ? répond une voix mielleuse à l'accent nordique prononcé.

- Je te demandais si tu avais vu mon portable ce matin quand tu récurais mes toilettes.

- Insinuerais-tu donc que moi, pauvre femme que je suis, croulante sous le poids des corvées, serait une voleuse ? Commence-t-elle d'une voix de victime. Mais enfin ! Qu'ai-je donc fait mon seigneur pour mériter de telles offenses ? Oh ! Mon pauvre cœur semble faillir devant de telles accusations ! Non, en vrai je sais pas : tu n'as qu'à faire plus attention à tes affaires, petite impertinente.

Mince! Where is my phone ? Je l'ai à tous les coups oublié chez Marjorie lors de son ignoble fête ! Mais je n'ai pas le temps de penser à tout ça que déjà me monte à la gorge de la bile. N'ayant pas le temps de courir aux toilettes, je déverse tout sur le marches en marbre de l'escalier. Il faut à tout prix que je mange car cela doit bien faire une douzaine d'heure que je n'ai pas mangé. Quelle heure est-il au fait ? Comment ? Quatre heure ! Bon je vais finalement aller me coucher.

– Tout va comme tu veux Alisée ? Voudrais-tu que je te prépare un potage ?

– Tout mais pas ça : évite de me parler de nourriture ou je vais rendre à nouveau.

– Bien, retourne te coucher, je vais prendre rendez-vous chez le médecin tout de suite.

– Je peux prendre une douche d'abord ?

– Tu peux même prendre un bain pour te détendre.

Je fonce dans la salle de bain, me déshabille et comme toujours je frissonne de dégoût : je déteste mon corps, ou plutôt ce qu'il est devenu. J'ai tellement honte. Je me sens sale et impropre. Pourquoi ai-je offert ma virginité à Mathéo ?

Une fois que l'eau a atteint la moitié de la baignoire, je verse des sels de bains qui apportent une mousse violette et bleue claire qui sent une vague odeur d'hortensias mes fleurs préférées.

Je m'allonge et essaye de faire le vide dans ma tête. Les effluves de l'eau brûlante m'enivrent et je commence à partir très loin.

En ouvrant les yeux, je me retrouve dans un champs bordé par des buissons d'hortensias. En faisant un tour sur moi-même, je m'aperçois que je ne suis pas seule : une fille de ma taille qui me ressemble tant. Il s'agit de ma mère à mon âge. Mais ce n'est pas possible puisqu'elle est décédée. Et pourtant ! Elle se trouve là, en face de moi, trente mètres plus loin et elle tient un paquet dans ses bras ... Non, il s'agit d'un nouveau-né. Il me ressemble lui aussi.

Alors que je m'avance, elle se recule et je sens quelque chose sur mon épaule : c'est une branche d'hortensias. Je m'en débarrasse et je continue en courant et criant mais Maman se retourne et part en courant à toute vitesse. Bientôt ce sont des dizaines de fleurs d'hortensias qui s'agrippent à mon cou et entreprennent de m'étrangler. Je me débats tant bien que mal mais je commence à perdre pied. Tout tourne autour de moi et il commence à pleuvoir malgré la chaleur étouffante.

– ALISÉE ! Il suffit maintenant ! Réveille-toi tout de suite.

J'ouvre les yeux et me rends compte que je suis entièrement nue et allongée sur le carrelage froid de la salle de bain, les mains autour du cou et du sang s'écoulant goutte-à-goutte sur la mosaïque en damier du sol.

– Peux-tu m'expliquer pourquoi tu te grattais le cou jusqu'au sang ?

– Ce sont les hortensias qui m'ont fait ça !

– Je te demande pardon ? Que dis-tu ? Les hortensias ! La pauvre fille perd la tête. Combien de fois ne t'ai-je pas dit de calmer les doses des sels de bain ?

– Je veux ... dormir.

ROMÉOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant