Chapitre 1 🔫

2.2K 86 22
                                    

𝔻 𝕆 𝕍 𝔼

A peine l'aube éveillée, nous avions entamé une nouvelle journée de marche intensive, à la recherche d'on ne sait quoi. Enfin si, nous cherchons désespérément un abris qui saura nous protéger un minimum de l'extérieur et ses incontournables dangers. Mais puisque nous semblons tourner en rond dans cette sinistre forêt, il nous est impossible de trouver un endroit assez convenable pour se reposer. Au moins le temps que je reprenne les forces qui ont quitté mon corps depuis fort longtemps à présent. Sam, lui, dort sur ses deux oreilles, sachant que je le surveille et le laisse à l'écart des dangers.

Sam. Ce petit bout d'homme que j'ai rencontré cinq ans avant le début de cette toride apocalypse. Maintenant, je ne connais même pas mon propre âge, à cause de ma perte du temps. Celui-ci m'a échappé au bout des neuf premiers mois. Dépassé ce délai, j'ai cessé de compter, de retenir et d'attendre. J'avance, ma main tremblante et inondée de sang dans celle innocente et incroyablement pâle de mon chieur de petit frère.

C'est purement affectif.

A la mort de notre mère, seulement quelques semaines suivant le commencement de la révolution des zombies, je me suis promise de veiller sur lui, de rattraper le temps perdu. Même si nous avions toujours été proche, Sam et moi, je ne peux m'empêcher de penser à ses premiers jours dans notre monde et à tout ce qui m'a traversé la tête le jour où je suis allé le voir à la maternité. A ce moment là, ma vie était déjà brisée. Ainsi que notre famille décadente. Alors, en tenant cette promesse à jour, non-seulement j'assure son avenir ( même s'il ne ressemblera pratiquement à rien ) mais c'est comme si j'épongeais également mes tords envers lui. Mais je le fais aussi pour nous deux, parce qu'il est ma dernière famille. Il est comme mon âme sur. Je ne saurais quoi faire si je venais à la perdre. Cette petite bouille qui me casse actuellement les pieds parce qu'il a faim.

« Ta gueule. » ai-je horriblement envie de lui dire.

Mais je me tais et le laisse se plaindre dans le vent.

Je suis épuisée. Mentalement, physiquement. J'ai cette désagréable sensation d'avoir inconsciemment allumer un feu dans ma gorge et que celui-ci semble parfaitement s'y plaire. Je n'ai pas bu depuis des siècles, autorisant à Sam de finir notre dernière bouteille d'eau. Lui aussi, d'ailleurs, semble au point mort. Même s'il dort plus que moi, qu'il est moins effrayé quand il ne se passe rien. Je suis tout le temps aux aguets, apeurée par l'apparition d'une soudaine horde de zombies ou d'un groupe de personnes mal-intentionnées. Choses que Sam a encore du mal à comprendre. Il ferait confiance à l'une de ces bêtes s'il venait à lui sourire. Il croit que toutes maladies se guérissent. Si ce n'est pas affligeant...

Pendant un instant, j'hésite à faire cavaler mon sac le long de mes bras meurtris sous une brusque douleur musculaire. Il tomberait par terre, casserait sûrement quelque chose là-dedans, mais sans aucune importance. Au moins, je serais libérée. Mais je me ravise. Je pourrais le faire, évidemment, mais le doudou de Sam s'y trouve, et il refuse de le porter, croyant qu'en restant dans le sac à dos son ourson sera protégé « du sort maléfique que les méchants nous ont envoyé » m'a-t-il certifié.

J'ai immédiatement regretté de lui avoir montré les classiques en cassettes de mon enfance. Ces génies filmographiques sortit d'un temps où on savait apprécier les vraies films qui en valaient la peine.

La voix de Sam me berce dans notre marche, ses plaintes s'accuentuant de plus en plus au fil du temps. Je me demande bien de qui il peut tenir cette longue langue qui ne semble pas avoir de fin et depuis quand cette histoire d'amour entre lui et la parole existe. Nos parents n'étaient pas du genre bavards, sauf dans quelques occasions mais rien de plus. Quant à moi, je ne crois pas avoir été aussi pipelette fût un temps. J'étais plutôt du genre à la fermer et à écouter, c'était peut-être pour cela que les gens aimaient me conter leurs vies et tout ce qui s'en suit : les problèmes. L'amitié, l'amour, la finance, la solitude, c'étaient des catégories qui revenaient le plus souvent lorsque j'acceptais d'écouter ceux qui en avaient besoins, généralement parce que je m'ennuyais et que je trouvais un certain réconfort à entendre les problèmes des autres. Je n'ai jamais très bien compris pourquoi ces personnes venaient me parler à moi, alors que je n'avais que douze ans la première fois qu'on m'en a raconté une. C'était principalement des adultes, épuisés par leurs familles, leurs boulots et autres, des voisins de quartier qui refusaient de se confier à des proches et demandaient alors à une adolescente de quinze ans si elle avait l'oreille attentive et, surtout, si elle n'avait rien d'autres à foutre de ses journées. Ce qui n'était qu'un quart vrai.

Carl, I'm Afraid || TWD    [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant