Le temps est compté...

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Je reprend mon calme, je dois finir ma journée comme si de rien n'était. Après j'irai le voir. J'espère qu'il acceptera de me recevoir. Valencia est aussi gentille avec moi que d'habitude. Mais j'ai toujours peur qu'elle sorte un couteau ou qu'elle me fasse boire un poison. Je lave sa fenêtre lorsqu'un garde arrive. J'affiche l'air le plus naturel possible, mais j'ai déjà des sueurs froides. Paranoïaque peut-être, mais avec raison. Il y a quand même une tueuse dans la même pièce que moi. Celle-ci va ouvrir, elle semble contente. La traîtresse dit en fermant la porte:

-Ton grand-père est arrivé! Il t'attend dans l'entrée secondaire. Vas-y, je vais m'occuper de moi toute seule.

-Merci beaucoup!

Je suis soulagée de m'éloigner d'elle. J'arrive au point de rencontre. C'est bien lui, le grand-père joyeux et énergique que j'aimais rendre visite, avant la guerre. Il a un peu vieilli, mais pas tant. Je lui saute au coup comme autrefois. Je pleure de joie.

- Grand-père!

On se serre. Il prend mon visage dans ses mains et il me fait une autre accolade.Puis Keya arrive à son tour. Elle n'a jamais semblé aussi heureuse. Je me rappelle qu'elle et mes parents n'en savaient rien. Je lui explique avec excitation. Elle est aussi contente que moi. Mon grand-père ajoute:

- Elle a vraiment un grand cœur cette Valencia. J'ai essayé de vous retrouver mais je n'avais pas accès aux informations nécessaires. À vrai dire, je ne savais même pas si vous étiez encore vivantes., dit-il les larmes aux yeux.
Vos parents et votre petit frère Kalari vont arriver bientôt. Comme j'ai hâte de les voir!

Je regarde Keya. Évidemment, il ne sait pas que son petit-fils est mort. Je crois que je vais laisser mes parents lui annoncer la mauvaise nouvelle. Je ne saurais comment lui dire avec "douceur" ou sans faire de gaffes.

Trop tard, mon grand-père a remarqué le changement d'émotion sur mon visage. Il devine qu'il n'y aura plus jamais toute sa famille présente. Il s'assoit sur un siège.

-Oh... J'espérais que tout le monde ait survécu. Ça a dû être difficile pour vous ce voyage... J'aurais dû m'en douter, mais ça me fendait le cœur de penser que vous pourriez tous être morts. Bon... C'est si difficile à demander, mais... qui n'est plus là?

- C'est... c'est.. Ka... Kalari, marmonne Keya avec difficulté. Je ne la blâme pas, je n'aurais pas fait mieux. Il est... mort... en Iran, pendant notre fuite.

Grand-papa verse une larme. Il n'aura jamais l'occasion de voir son petit-fils grandir. Je le comprends. Il m'arrive encore parfois le soir de penser à mon petit frère et de pleurer silencieusement dans ma chambre le soir.

- Mes pauvres petites-filles! Ça a dû être tellement difficile pour vous. Et vos parents... ma fille et... mon gendre...

- Ils sont très contents de te revoir!, dis ma maman en arrivant en courant, les bras grands ouverts, accompagnée de papa qui sourit à pleines dents. C'est fantastique de te revoir!

-Ah ma fille! Venez tous me coller mes chéris!

Ce fut de merveilleuses retrouvailles. Tout cela n'aurait jamais été possible sans... Valencia, malheureusement. Je ne peux toujours pas croire qu'elle a fait ça! Il me reste encore 8h30 avant d'aller le voir. Pourvu qu'il me laisse au moins lui expliquer.

Avant le souper, je revois Valencia. Je m'occupe de refaire sa toilette avant qu'elle n'aille se présenter à table. Je reste muette, de peur de dire des bêtises.

Après notre  fuite en EspagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant