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Ecuries du quartier, Rue Barbette, Paris,

Anne s'éveilla doucement dans la paille de l'écurie où elle s'était endormie la veille. Elle se souvint de la brutalité qui avait envahie la demeure la nuit dernière. Après s'être installée dans le carrosse avec ses sœurs, Anne avait été prise d'affolement. Juste après que Frosine eut quitté la calèche dans un fervent espoir de retrouver le marquis et sa femme, Anne s'était glissée hors de l'habitacle. Elle s'était aperçut qu'il lui manquait quelque chose, et que partir sans lui, serait inimaginable. Alors elle s'était éclipsée, avait prit le chemin inverse et avait courut vers sa chambre en évitant les hommes qui s'étaient aventurés dans la maison. Son médaillon. Elle ne pouvait quitter tout ce qu'elle chérissait sans lui. Il était la preuve même qu'elle existait. Anne l'avait toujours connu, alors elle ne pouvait mourir sans sa présence autour de son cou. Le jour, elle le dissimulait sous son édredon et la nuit elle le portait, comme pour la protéger des ténèbres de ses rêves. Elle souleva ses draps et s'en saisit. Chose faite, alors qu'elle allait regagner ses sœurs, elle entendit une voix qui lui était familière et distingua quelques phrases :

- Vous n'avez que ce mot à la bouche !

- Voyez ce que père m'a fait subir et vous le défendez aujourd'hui !

Elle s'approcha de la source du litige. Et à mesure qu'elle progressait, son esprit entier cogitait. Cela ne pouvait être la voix de son père, elle l'aurait reconnu. Soudain, elle s'immobilisa. C'était celle de son oncle. Elle avait courut cette fois-ci, vers le petit salon, d'où semblait provenir la discussion. Elle avait serré fermement son médaillon comme pour lui porter chance. C'est alors qu'elle avait entendu la voix de son père :

- Vous étiez perdu, père croyait bien faire !

Avait suivis, le glissement cinglant d'une lame. Anne se figea. Le médaillon se mit à pendouiller sous sa main.

- Calme toi Charles, tu es mon frère !

Et cette fois-ci la lame émit un bruit sec et se planta dans la chaire tendre du cou de Louis. Louis, le père d'Anne, la petite fille qui avait assistée malgré elle à la scène. Louis, le frère de l'homme qui avait voulu tout ça. Anne avait comprit simplement. La simple réalité était là, derrière cette porte. Elle était restée tétanisée. Seule. Quelques bruits avaient suivit mais elle resta sourde. Charles avait transporté le corps à travers la pièce et avait retourné des objets de ça et là, pour faire croire à l'assassinat d'un noble par le peuple. Un simple noble.

Puis l'oncle ouvrit la porte et vit la jeune fille, face à lui. Elle avait tout entendu. Elle savait. Il ne pouvait laisser le témoignage de son crime dans son sillage. Et tandis qu'elle l'avait regardé hébétée, il remarqua le médaillon qu'elle tenait dans sa main droite. Un médaillon argenté, finement agrémenté d'une pierre d'émeraude, dont les reflets verts étaient comparables à la couleur des yeux de sa nièce.

Une explosion avait secoué l'entendement de la jeune fille. Elle s'était mise à courir en sens inverse, poursuivie par ce qu'elle croyait être son modèle, son oncle qu'elle avait toujours vanté. « Il était brave, fort et rusé », c'était ce qu'elle pensait avant cet événement tragique. Elle avait toujours cru être comme lui, le même sang coulait dans leurs veines. Alors elle avait voulu s'étriper d'avoir oser penser ça.

Désormais, elle allait bientôt subir le même sort que son père. Et la vérité allait sombrer avec elle. Anne courut aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Il fallait qu'elle soit vive. Elle s'était dirigée vers le jardin, en espérant le perdre dans les allées. Il fallait qu'elle soit rusée. Rapidement, elle planifia son évasion, tout comme son père l'avait fait pour elle. Alors elle prit à droite au premier chemin et s'enfonça jusqu'au bout de la propriété. Là, se trouvait le pommier dans lequel elle avait l'habitude de faire la sieste. À grandes enjambées, elle atteignit une hauteur considérable et de cette hauteur, elle avait vu Paris en feu, Paris ensanglanté. Elle se hissa sur une branche qui franchissait le mur de la propriété et qui s'étendait au dessus de la rue. Son médaillon pendouillait toujours en dessous de sa main. En équilibre sur la fine branche, au dessus de la rue pavée, elle sauta dans les ténèbres de la ville. Elle avait atterri comme par miracle sur ses pieds. Une fois dehors, elle s'était précipitée vers les écuries du quartier. C'était sans doute, ce qu'elle croyait être la meilleure cachette. C'était la raison pour laquelle, elle s'était réveillée là.

Ses cheveux sales et sa robe de chambre en lambeau la faisait presque passer pour une mendiante. Elle contempla ses mains, écorchées tout comme son visage. Elle accrocha ensuite son médaillon autour de son cou et le serra de toute la force qu'il lui eu était donné de posséder. Crier. C'était tout ce qu'elle pouvait faire à présent. Mais comme si cela était possible ; hurler pour avoir perdu tout ce qu'elle possédait : un toit, une famille. Hurler pour dénoncer l'injustice. Mais qui l'a croirait ? Une enfant dissipée et rebelle qui ne pouvait pas même obtenir la confiance d'un chien, une femme qui plus est. Et comment dénoncer un oncle ayant servi la France lors de plusieurs batailles ? À la lumière du beau monde, il était tout ce qu'il y avait de plus admirable : un défenseur du royaume. Dans l'ombre, avait-il tué son propre frère ? Avait-il eu des regrets à faire cela ? Avait-il voulu faire de même avec sa nièce ? Tout cela était fort probable. Toutes les raisons la poussaient à croire qu'il avait choisi l'instant propice ; qu'il avait profité d'une nuit de tourment et d'agitation où un coup d'épée se confondrait aisément dans les massacres qui avaient ensanglantés la capitale.

Dans l'ombre de la lumière (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant