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5 aout 1789, au matin,

Près de la forêt de Fontainebleau,

Le carrosse s'était arrêté brusquement sur un sentier peu emprunté par les brigands ou quelque autre jacques qui puissent parcourir les chemins à cette heure si proche de la nuit. Frosine réveilla doucement les enfants et leur expliqua la situation :

« Mes enfants, vos parents avaient prévu votre évasion. Et ils avaient eu raison. Je ne sais point par quels moyens ils avaient pu pressentir le danger, mais quoi qu'il en soit, vous êtes sains et saufs et c'est grâce à eux et à Dieu. Cependant, leurs ordres ont été très clairs, et quand bien même il m'est difficile de les exécuter, il le faut. Pour votre sécurité, vos parents ont décidés de vous séparer de moi. Ils ont aussi décidé de vous séparer les uns des autres. Eléonore tu resteras avec Louis. Plus tard, tu lui expliqueras qui il est quand le moment sera venu.

- Mais nourrice, pourquoi faut-il nous séparer ? Personne ne nous cherchera » s'enquit Eléonore en regardant sa sœur.

Il est vrai que Frosine n'y avait pas songé, ils ne semblaient pas être poursuivis. Le peuple avait simplement besoin de verser le sang de quelques nobles pour se soulager de trop longues années d'abus de pouvoir. De plus, les roturiers qui s'étaient introduis chez les De Gontaut n'auraient surement pas les moyens de pourchasser la famille. Un détail lui échappait. La nourrice reprit : « si vos parents l'ont voulu ainsi, alors je dois m'en tenir à leurs ordres ... »

À ces paroles accablantes, Eléonore étouffa un cri de douleur. Alors Frosine expliqua : « là, dehors, des calèches vous attendent. Eléonore, je vous ai confié votre frère. Promettez-moi, je vous en conjure, que vous vous occuperez de lui comme je l'ai fait avec vous. Catherine, ma chère Catherine, prenez bien soin de vous et surtout, n'oubliez pas d'où vous venez, ni qui vous êtes. Nous nous reverrons dans un petit moment. Rassurez-vous et soyez sans crainte. Quand à Anne, je retourne la chercher. »

Les yeux de la gouvernante se plongèrent tristement dans le vide, puis elle ne put se résigner à ne pas leur dire au revoir comme l'aurait fait une mère. Elle les enveloppa de ses bras, les serras très fort, tout en les embrassant tendrement. Eléonore n'avait pas lâché une seule larme, contrairement à sa sœur qui pourrait remplir un tonneau entier de désespoir.

Tous se persuadèrent qu'il ne s'agirait que d'un simple au revoir : « bientôt nous nous retrouverons et nous serons heureux de pouvoir nous aimer tendrement. » soupira Frosine.

S'ils prendraient des destinations différentes pendant quelques temps, cela était certainement prévu pour rendre leurs retrouvailles plus intenses. Chacune avait le profond sentiment qu'un jour ou l'autre, tout redeviendrait comme avant. Mais cet au revoir pourrait bien s'éterniser jusqu'à devenir un adieu.

Eléonore sortit la première du carrosse. D'une démarche élégante, elle franchit le marchepied et évita prudemment les flaques de boue. Catherine la suivit de près accompagnée de Frosine portant dans ses bras le petit Louis. La pâleur du visage de la vieille femme était comparable aux nuages qui emplissaient le ciel. Droit devant eux attendaient trois diligences. Devant chacune d'elle, une gouvernante attendait sagement, les mains croisées sur ses jupons. Une pour chacune des filles. Les trois calèches menaient vers des destinations bien différentes, celles qui les conduiraient à la sureté, loin des massacres et des horreurs. « Où vont toute ces calèches ? » demanda Eléonore tandis qu'ils s'en approchaient.

« Bonjour » prononça distinctement un homme qui venait de descendre de son cheval, il continua : « Je suis le colonel Mercier, un très grands ami de votre père mesdemoiselles. C'est lui qui m'a commandé de mener à bien cette mission. Pourquoi le marquis et la marquise ne sont-ils point avec vous ?

- Notre maison a été prise d'assaut mon colonel, répondit Frosine, je crains fort qu'ils n'aient point survécu.

- Et où est l'ainée ?

- Nous avons rencontré quelques péripéties. Je retourne à Paris la chercher, si l'une de vos calèches pouvait bien attendre deux jours, le temps que je la ramène.

- Je vous accorde une journée. Le coin n'est pas sûr et nous sommes souvent attaqués. Vous devrez faire vite. Si toutefois vous la retrouvait, déposez-la à l'auberge de la Fontaine à une lieue d'ici. Je retourne à la capitale également, le roi m'a fait venir, je vous suis.

- Très bien mon colonel. »

Elle s'accroupit et embrassa une fois de plus les deux petites filles. Quand elle se releva, deux femmes s'étaient rassemblées à la discussion. La première commença : « Bonjour, je suis Albertille, c'est moi qui vais m'occuper du petit Louis et de sa grande sœur. »

Elle se mit à la hauteur d'Eléonore qui s'était reculée d'un pas. Elle reprit : « Ne t'inquiètes point, tout va bien se passer. Tu ne risques rien. »

Frosine étouffa un sanglot. Elle ne pouvait pas lâcher ses propres enfants dans la nature. Mais ils n'étaient pas ses enfants, et elle devait obéir aux ordres car elle était payée pour cela. Cependant, elle les aimait tellement, si fort, comme une mère ; « laisse les partir » se dit-elle, « pour leur sécurité ».

C'est alors qu'Albertille, de sa voix douce, emporta les deux enfants. Ils étaient sous le charme de la douceur elle-même. La deuxième nourrice prit alors le relais « moi je suis Marie et c'est moi qui vais m'occuper de toi Catherine. Tu es contente ? » La petite acquiesça timidement et lâcha sa nourrice.

Les enfants avaient une nouvelle famille, Frosine s'abandonna à penser qu'il s'agissait d'un Adieu. Elle monta dans son carrosse et soupira.

Dans l'ombre de la lumière (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant