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30 juillet 1789,

Rue vieille du temple, Paris

« Résolvez-moi, je vous prie, le problème suivant : Dans une auberge, il y a quatre tables comptant chacune deux chaises. Un groupe de cinq personnes va entrer et s'installer puis un groupe de trois et enfin une personne seule. Entre temps, deux personnes auront quitté l'auberge et seraient remplacés par une tierce personne. Y aura t'il assez de place pour accueillir tous les visiteurs ? Inscrivez le résultat dans votre cahier. » Avait prononcé avec une grande intelligibilité le père Tarrain qui se chargeait de l'éducation des enfants de la famille depuis leur plus jeune âge. Eléonore s'était empressée de griffonner des calculs et des dessins comme le lui avait appris le père. Celui-ci remarquait l'intelligence de cette petite tête blonde installée le dos droit au bord de sa chaise, qui faisait sa fierté. Elle avait su lire avant sa sœur qui été de deux ans son ainée. Aujourd'hui elle lisait et jouait avec une immense facilité les pièces de Corneille et de Racine. Le père Tarrain se souvenait de la scène finale de Sophonisbe qu'elle avait jouée à merveille, comme elle s'était jetée avec témérité dans le corps du protagoniste et l'avait fait vivre et mourir. Aujourd'hui, elle apprenait les calculs et elle progressait à vive allure. Quant à sa sœur, assise à l'autre extrémité de la table rectangulaire, elle contemplait le paysage visible depuis la fenêtre. Les branches des arbres s'agitaient dans le vent avec violence et l'entremêlement des feuilles émettait un bruit continu et rythmé. Elle s'imagina ailleurs, vagabondant dans le jardin, goutant aux myrtilles qui arboraient les chemins et les rendaient délicieux. Rien que le fait d'y penser, lui mit l'eau à la bouche.

« Où en êtes-vous mademoiselle ? » l'interrompit le père. Il quitta sa petite protégée pour rejoindre l'indisciplinée, la redoutable Anne, l'ennemie de l'arithmétique. Cette dernière sursauta et se redressa dans son siège quand il s'approcha d'elle dans son habit noir, la croix blanche pendant sur son torse. Cette tâche blanche s'avança vers elle comme pour l'hypnotiser, tanguant de droite à gauche. Mais Anne ne se laissa pas prendre et improvisa : « Je me disais, mon père, que si un chêne mesurait 25 toises de haut alors qu'il ne serait âgé que de cent ans. Combien lui faudrait-il de temps pour atteindre les cieux ? » Le père hésita et sourit bêtement : « Reste-il à connaître combien de lieux séparent la cime du chêne de celle du royaume de Dieu.

- Vous ne le savez point mon père ? fit-elle presque incrédule, mais je croyais que vous saviez tout. »

Cette fois-ci, un sourire gêné naquit sur ses lèvres : « Dieu semble vouloir que personne n'atteigne son royaume. S'il nous en donnait les mesures, nous serions plus à même de l'accéder et alors il serait possible de transformer le paradis en enfer.

- Alors pourquoi construire les églises sur les plus hauts monts de la terre ? Pourquoi hisser les sommets jusqu'aux nuages ?

- L'homme doit se sentir près et soutenu par le tout puissant, mais seulement près. Aujourd'hui, il pourrait contaminer le royaume des maladies qui pestent dans ce monde.

Dans l'ombre de la lumière (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant