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2 aout 1789 au soir,

Rue vieille du Temple, Paris,

La nuit confond bien les visages. S'il suffit d'étouffer la flamme de la lanterne pour y être plongés, il est plus difficile d'éclairer ce qui a longtemps était obscurcis. Il semble que sous la lumière du divin, l'homme paraît être ce qu'il est. Mais tôt ou tard, la nuit gagne le jour comme la noirceur gagne la pureté.

C'est sous les traits de l'innocence que Charles-Antoine de Gontaut vint frapper à la porte du manoir de Louis-Antoine, son frère. Avec lui, il avait emmené une lanterne qui l'avait guidée jusque là. Frosine qui s'était questionnée sur la raison de ce tapage nocturne, ouvrit la porte, reconnu l'homme et le fit entrer. Sa surprise fut démente. De joie, elle se mit à sourire à la vue de celui qu'elle considérait jadis comme un fils. Mais ce dernier n'y réagit pas. Il la toisa de la manière dont il l'a vit : une simple domestique. Dans le vestibule, elle lui ôta en silence sa cape, avec l'envie de se réfugier, de partir et de déverser toutes les larmes de son corps. Il rejoignit le salon familial chaleureusement éclairé. Charles vit son frère assis dans son fauteuil, imperturbable.

L'air ambiant se rafraîchissait à mesure que Charles progressait à travers la salle principale du manoir. Pourtant, près de lui, le feu gisait dans l'immense cheminée et non loin de là, son frère l'attendait assis dans un fauteuil. Il lui fit un geste chaleureux, l'incitant à faire de même. Dans un râle presque inaudible, Charles prit place dans le fauteuil cramoisie du salon. Louis commença : « que me vaut l'honneur de cette soudaine visite mon cher frère ? Il semble que la dernière fois que vous soyez venu, c'était pour discuter de l'héritage des terres de Biron.

- C'est de cela même dont je venais vous parler.

- Mais n'avons-nous pas d'autres sujets sur lesquels nous quereller ? Comment réagirait notre père, s'il apprenait qu'avant même son départ pour les cieux, nous nous partageons ses terres ? Souhaitez-vous réellement en arriver là, mon frère ?

- Il le faut Louis. Le notaire est venu me rendre visite, ce matin même. Et il me court de vous faire entendre les raisons de sa visite. Cependant, ce que je m'apprête à vous apprendre risque de fort vous peiner. Pourtant il le faut, oui, il faut bien que je vous le dise.

- Et bien, vas-y !

- Père est mort. Il y a de cela une semaine. Les médecins n'ont rien pu faire. Après la saigner du soir, il s'est éteint. »

Louis se leva et emporta son verre de vin. Il en bu une gorgé avant de reposer le verre de cristal sur le plat de la cheminé. Dans son fatalisme, il laissa son regard glisser vers les flammes. Où était son père à présent ? Dans le ciel car c'était un homme pieux ou dans les flammes pour son irrémédiable irrévérence. À tout cela, il riposta : « Charles, je ne connais que trop bien vos abominables intentions. Comme saurais-je si vous ne m'avez point menti sur les véritables raisons de la mort de notre père ? Comment saurais-je si vous n'êtes point, vous même l'auteur de ce crime dans l'unique but d'accélérer les lois juridique de la descendance.

- Vous ne pouvez m'accuser d'une telle ignominie ! Jamais je n'aurais osé ! »

Et tandis que les deux hommes se querellaient tant et si fort, Catherine entra, vêtue d'une robe parfaitement blanche à ourlets de dentelle, aussi douce et légère qu'une plume dont les cheveux roux glissaient en tresses sur ses épaules. Elle rejoignit son père qui s'était assis à nouveau. Charles se tue à l'approche de l'innocence, la véritable. Elle s'assit sur les genoux de son père et l'emporta dans une intense sérénité. Louis ne put s'empêcher de laisser couler quelques larmes, la petite chuchota alors : « Pourquoi pleurez-vous père ? Es-ce Monsieur mon oncle qui est à l'origine de votre tristesse ?

- Je crains fort que oui.

- Si vous pleurez, alors je pleur aussi, de cette manière vous ne serez plus seul. Mais pourquoi Monsieur mon oncle ne pleurs t-il point ? »

Louis plongea son regard larmoyant dans celui de son frère. Il n'y vit aucune forme de tristesse, seulement l'orgueil d'un homme qui se tenait droit. Il reprit à l'intention de sa fille : « Catherine, va rejoindre Frosine, elle serait morte d'inquiétude si elle ne te trouvait point plongée dans tes draps. Embrasse tes sœurs et ton frère pour moi. »

La petite quitta la pièce aussi délicatement qu'elle était venue. La douceur prit la porte avec elle. Charles renchérit : « il faut bien que l'on en parle de cet héritage. La demeure de notre père se vide peu à peu et nous ne pouvons la laisser sombrer. Elle fait partie de notre enfance.

- Que veux-tu réellement ? dit-il violemment.

- La même chose que vous mon cher frère, je cherche à finir mes jours dans les meilleurs conditions ...

- Et les meilleures conditions sont pour vous la luxure !

- C'est faux !

- Je ne vous connais que trop bien ! Et je regrette cela. Je sais ce que représente pour vous le domaine de notre père. Et Biron ne semble point vous faire rappeler les souvenirs de notre enfance mais surtout le profit que vous pourriez en faire ! Je connais bien comment évolue le marché du vin avec les Anglais. Je sais quelle fortune vous pourriez amasser avec cette entreprise. Mais père n'aurait jamais cédé son patrimoine aux Anglais ! Pour sa mémoire je t'empêcherais de mener à bien tes actions.

- En ces temps de malheurs, ne songeriez-vous point à vous enfuir à Biron, la campagne est plus sure.

- Ne me dites point ce qui est bon de faire ou de ne pas faire !

- Mais Louis, songez à ce que nous pourrions faire.

- J'y ai tout à fait songé ! Jamais, moi vivant, jamais vous ne dégraderez l'honneur de notre famille ! »

À la violence des paroles de son frère, Charles quitta à grands pas le salon, qui s'était déjà bien refroidi depuis son arrivée.

* * *

« Pourquoi ne m'avez-point prévenu ? » lâcha la marquise à travers la salle à manger. Sa fureur était perceptible mais n'atteignait pas son mari situé à l'extrémité de la pièce. Elle s'énerva un peu plus face à son désintérêt. Le dossier de la chaise auquel elle s'agrippait frémis. Comment pouvait-il ne pas réagir ? Elle reprit : « cela fait cinq ans que nous ne l'avons plus vu ...

- Et cela eut mieux valu pour vous ! »

La marquise resta stupéfaite. Le regard de son mari n'avait jamais été aussi sombre. Avait-il deviné le secret au combien précieux qui unissait sa femme à son frère ? La chaise grinça et la marquise resta figée. Son mari enchaina : « Et ne cherchez point à mentir, car comme toutes les autres fois, je finirais par apprendre la vérité. »

Il savait songea Françoise-Paule.

Dans l'ombre de la lumière (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant