Chapitre VIII : Häagen-dazs et Nutella - Partie 2.

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Léa

J'y ai cru un moment, lorsque j'ai pensé déceler une infime lueur de tendresse dans ses yeux, ou en tous les cas, un tout autre sentiment que le désir bestial que Mark éprouve en fait pour moi. Je me suis trompée, je n'aurais jamais dû penser que je serais la femme qui pourrait le faire changer. On n'est pas dans un film, Léa, ressaisis-toi ! Ce qui m'énerve, c'est qu'il ne cherche pas à me comprendre. Il a vu et maintenant il n'en démord pas.

En entrant dans ma chambre, je claque la porte derrière moi et je me dis que finalement, c'est un mal pour un bien. Mark vient de dévoiler son vrai visage, celui d'un mec narcissique qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Pour lui, je suis uniquement un hors-d'œuvre appétissant qu'il jette quand il en a marre ou plus envie. Une proie de plus. Je suis une employée à son goût. Pas tout le temps, juste quand il le décide. Les hommes de pouvoir sont ainsi, ils aiment tout contrôler, mais lorsqu'il s'agit de prendre parti ou de soutenir leur petit amuse-gueule, il n'y a plus personne. Connards ! Oui, j'ai le droit de le dire une nouvelle fois ! Et au pluriel en plus !

J'ai fréquenté, avant de devoir partir de chez Pierre et Caroline, de jeunes garçons blindés de fric qui se croyaient plus forts et au-dessus du monde juste parce qu'ils possédaient les plus grosses fortunes de France. Honnêtement, ces gens ne m'intéressaient pas, trop imbus d'eux-mêmes pour avoir ne serait-ce qu'une conversation vraie et sincère. Je suis sortie avec l'un d'eux pensant qu'il était différent. Au final, découvrir à dix-sept que je n'étais que le fruit d'un pari de cinquante mille euros entre deux petits cons des beaux quartiers, ça m'a refroidie instantanément. J'ai fini par m'isoler et ne penser qu'à mon avenir.

Ce genre d'homme ne sait plus ce que signifie le mot « respect ». Dès qu'ils n'ont pas ce qu'ils souhaitent ou désirent, ils prennent le droit de se jeter sur nous. Comme si on allait leur dire : « Mais vas-y mon grand, sers-toi, prends ce que tu veux, je t'appartiens ! »

Pff... Je suis en colère contre moi-même finalement. Il faut que je me tire de cet hôtel de malheur. Depuis quelque temps, rien ne va plus ! J'ai eu le temps de prendre une douche froide et de ressortir de ma chambre avec l'envie de voir Jim. Au moins, lui, il ne posera pas de questions.

— Léa ? !

Je reconnais la voix de Jack. Je n'ai pas du tout envie de lui parler. Il me rattrape sans difficulté.

— Comment te sens-tu ?

— Heu... Je vais bien, lui réponds-je, surprise qu'il s'intéresse à moi.

— Tu es sûre ? reprend-il. Écoute, je ne sais pas ce qu'il s'est exactement passé et ça ne me regarde pas, mais je voulais que tu saches que nous sommes là pour toi et pour te protéger. Tu es en sécurité ici.

— Merci, Jack, je sais que vous faites tout votre possible pour que je me sente bien depuis mon arrivée, lui réponds-je, attendrie par le fait qu'il s'inquiète autant pour moi.

Au moins, il n'est pas au courant de tout le reste, c'est déjà ça. Je me sens faible, je suis fatiguée. J'aperçois Kaleb au loin, en grande discussion avec Nyna. Il semble sur le départ. Je n'ai même pas la force de me demander pourquoi il s'en va. En guise d'au revoir, elle lui assène une gifle digne des plus beaux films d'action hollywoodiens, avec une force que je ne lui connaissais pas. Kaleb relève la tête et je croise son regard un court instant. Je suis abasourdie d'assister à ce genre de scène entre ces deux-là ! Qu'ont-ils bien pu se dire pour qu'ils en arrivent là ? J'ai le sentiment qu'il se passe quelque chose de dur entre eux, si ça se trouve Nyna a fait ça pour me défendre alors que ça n'a pas lieu d'être. Je vais devoir m'expliquer avec elle. Tout ça devient intolérable.

Je reprends mes esprits au moment où elle nous rejoint, toujours rouge de colère.

— Nyna a émis le souhait d'habiter de nouveau avec toi, Léa, m'annonce Jack sans relever l'altercation entre ses enfants. Comme ta suite est trop petite pour vous deux, je vous en ai fait préparer une plus spacieuse et plus sécurisée, termine-t-il en nous confiant la clé.

Il n'a pas l'air au courant que sa fille a déjà investi ma chambre, cependant je n'ai pas la force de lui en faire la remarque et le laisse organiser à sa guise la suite des événements.

Je suis tellement épuisée qu'une petite place sur l'un des canapés du hall de l'hôtel m'aurait amplement suffi. Je n'ai ni la force ni le cœur de contredire qui que ce soit, alors j'obtempère. Dans l'ascenseur, je constate que ma meilleure amie n'ose même plus me regarder en face.

— Ce n'est pas ta faute Nyna, ne te torture pas, brisé-je le silence trop pesant.

Elle tourne violemment la tête vers moi, en larmes.

— Oui... (snif), Mais... (snif). Si je...

— Oh tu sais avec des « Si », le monde serait bien différent, tu connais l'expression. Ne t'en fais pas je m'en remettrai. Les hommes sont des pauvres trous du cul, c'est bien connu !

— Je lui ai foutu une baffe mémorable à ce petit con, il ne l'a pas volée ! crie-t-elle entre ses larmes. Non, mais tu te rends compte ? Heu... Oui, quelle question, bien sûr que tu te rends compte ! Je ne suis qu'une idiote, excuse-moi. Mais quand même ! Kaleb qui te drague et t'embrasse alors qu'il sait très bien que son propre meilleur ami est amoureux de toi ! ! Je chiale de colère depuis que j'ai appris ça, je ne reconnais plus mon frère, son respect pour les autres et pour lui-même a foutu le camp. Cette soirée est juste aberrante ! Et forcément, à force de pleurer comme une madeleine, je ressemble encore à un panda ! J'ai dépensé une fortune dans mon make-up et voilà comment ça se termine, tu as vu ma tête sérieusement ? finit-elle en se regardant dans le miroir de l'ascenseur, constatant les coulures de son mascara.

Nous partons dans un fou rire nerveux, incontrôlable. Nyna a le don de me faire retrouver le sourire rapidement c'est incroyable. Effectivement, elle a résumé en quelques secondes ce que tout le monde pense de ma relation actuelle avec Kaleb.

Elle remet la faute sur son frère alors que lui non plus n'en est pas responsable. Ses agissements ont juste été mal interprétés, et personne ne lui laisse le bénéfice du doute, c'est fou ! Je ne sais pas comment je vais parvenir à remettre les idées en place de tout le monde, mais pour ce soir, j'abandonne. Je n'ai même pas envie de réagir lorsque mon amie affirme que Mark est amoureux de moi. J'ai bien compris que ce n'était pas le cas et que tout ce qu'il vient de se passer a été monté en épingle juste à cause de suppositions bidon. Je n'ai pas envie non plus de me justifier auprès de Nyna et de lui raconter mon fiasco alors que je venais tout juste de succomber aux charmes de mon directeur. C'en est trop, il faut que je me remette de tout ça, et ça implique de me murer dans le silence.

Nous sortons de l'ascenseur, un homme de dos est posté devant notre suite. Je reconnais cette carrure imposante, mon cœur trépigne.

— Salut Mark, tu nous chaperonnes ce soir ? lui demande Nyna, étonnée comme moi de le voir ici.

— J'ai vérifié votre chambre, tout va bien dit celui-ci en cherchant mon regard.

Il ne le trouvera pas.

— Merci, lui répond Nyna. Bonne nuit Mark.

— Bonne nuit à toutes les deux.

Sans un mot, je passe devant lui, même si ça me coûte. Je me force à ne pas croiser ses yeux bruns. À ne pas me lover dans ses bras. C'était lui ma sécurité. Et ça me fait mal de ne m'en apercevoir que maintenant. Cependant, même si mes sentiments évoluent à une vitesse fulgurante, je ne peux plus me laisser aller à penser du bien de cet homme.

Mark... Un doux rêve qui se termine aujourd'hui, cette nuit. Un rêve qui reprend le chemin de la réalité et se transforme en cauchemar... Comme le vent qui vous frappe brutalement le visage lorsque vous sortez de chez vous à six heures du matin, un jour de grand froid.


LITTLE RUSK (Petite Biscotte)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant