Chapitre IX : Sombre connard

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Mark

L'ignorance qu'elle me porte me blesse, cependant elle ne m'étonne pas outre mesure. Léa prend le bon chemin, celui qui va l'amener à me détester. Tel était mon but en restant muet tout à l'heure. Effectivement, elle a beaucoup subi ce soir. Difficile mission pour moi que de rester de marbre face à elle et lui faire croire que tout ce qu'il lui arrive m'est complètement égal. En plus, je me doute bien qu'elle doit penser être responsable de tout ça et se remettre en question. J'aimerais pouvoir lui dire qu'elle n'y est pour rien, mais cela m'est impossible. Et en même temps, je ne comprends pas pourquoi je me préoccupe tant de ce qu'elle peut penser de moi. Je sais bien qu'elle croit qu'à mes yeux elle est une allumeuse. Et je dois impérativement garder cette distance qui s'est instaurée entre elle et moi à cause de ce malentendu. Même si elle me croit borné et stupide.

Je décide de m'installer, au moins pour cette nuit, dans la chambre voisine de celle des filles afin de garder un œil sur elles. On frappe à ma porte, c'est probablement Jack qui vient aux nouvelles.

— Entre Jack, c'est ouvert, dis-je sans me retourner.

La porte claque. Je me dis que mon flegme n'est plus le même, je n'ai plus le nez aussi précis qu'avant, depuis mon arrivée à Miami. Lorsque je fais face à mon visiteur, ou devrais-je dire ma visiteuse, je reste bouche bée devant cette apparition presque divine. Elle est sublime dans sa robe blanche, fine et légère, qui laisse suggérer ses formes si harmonieuses... La même que celle qu'elle portait l'autre soir lorsqu'elle chantait devant le piano du bar. Il faut que je reprenne une contenance.

— Ça va, pauvre con ? m'agresse-t-elle, semblant être devenue une autre femme que tout à l'heure.

— Léa... Écoute, je..., tenté-je d'intervenir.

— Non, non, non ! Je ne t'écouterai pas ! Laisse-moi parler, me coupe-t-elle, en colère. Dorénavant, lorsqu'on sera seuls (ce qui, crois-moi, n'arrivera que très rarement), je t'appellerai « sombre connard » ! Je trouve que ça te va parfaitement bien et tu n'y trouveras rien à redire, entendu ?

Elle ne me laisse ni le choix ni le temps de lui répondre. Et de poursuivre :

— Je ne suis pas un objet qu'on prend et qu'on jette à sa guise. Je ne suis pas une marionnette non plus. Je me répète, mais il ne s'est rien passé entre Kaleb et moi. Je ne suis pas le genre de fille que tu fréquentes d'habitude, qui se donne à n'importe qui ! Bref, je ne suis pas là pour me justifier, mais pour vous notifier que vos réactions sont puériles et que je ne suis pas dupe, Monsieur le Directeur de pacotille ! J'aurais dû écouter Nyna et croire en ta réputation de Casanova des bacs à sable ! Dis-moi, Mark, comment tu arrives à vivre correctement en traitant les gens ainsi ? Tu réussis à te regarder dans un miroir le matin ? Mais bien sûr que oui, quelle question ! Narcissique que tu es, ce n'est pas un problème pour toi ! Mais finalement, tu n'es qu'un lâche qui, dès que ça devient un peu trop sérieux avec une femme, cherche le moindre prétexte pour s'en séparer en gardant la face ! Toi qui me répétais de te faire confiance et de ne pas penser que tu voulais quelque chose en échange de ta protection, j'ai bien fait de ne pas t'écouter finalement, ou en tout cas pas complètement !

Je sais exactement à quoi elle fait allusion quand elle prononce sa dernière phrase. Elle est en train de s'en vouloir d'avoir presque succombé à mes avances, qui étaient également les siennes par la même occasion. Nous étions deux. Mais je comprends sa réaction, elle préfère dénigrer les moments que l'on a passés ensemble plutôt que de les assumer. De cette manière, la culpabilité la ronge beaucoup moins. Ce n'est pas simple de penser que l'on vient de se faire avoir par une personne à qui on commençait à accorder sa confiance. En revanche, elle a réussi à me cerner et à comprendre mes lacunes en termes d'émotions et de ressentis. Elle a mis à jour qui je suis réellement, et elle est la seule à être parvenue à percer mon armure. Mais je n'ai pas le choix, je dois la laisser partir.

LITTLE RUSK (Petite Biscotte)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant