LITTLE RUSK (Petite Biscotte)

Chapitre VI : Nick Smith - Partie 1

Mark

— Vous avez vingt minutes de retard, Smith, vous ne nous aviez pas habitué à ça.

Je fronce les sourcils et enfonce les mains dans mes poches. Je n'arrive que partiellement à chasser Léa et son corps de rêve de mes pensées, pourtant je dois me concentrer. Il faut que je rentre dans mon personnage, que je donne l'illusion. Mon nom d'emprunt, Nick Smith, est celui que je préfère de tous ceux qui m'ont déjà été affublé par le passé.

José Torres m'a à l'œil depuis un petit moment. Je me dois de faire mes preuves au sein de son équipe, il en va de ma couverture. Sa villa est démesurée et sent le fric à plein nez.

— Je vous rappelle que je suis censé bosser dans un hôtel, j'ai des horaires à respecter, dis-je posément.

— C'est un paramètre dont j'ai du mal à me souvenir, Smith. Mais je dois avouer que vous êtes malin. Jouer au petit directeur propre sur lui le jour et au trafiquant de drogue la nuit, c'est une bonne technique pour ne pas se faire choper. Pourtant, je ne sais toujours pas si je peux vous faire réellement confiance.

— Pourquoi devriez-vous me faire confiance ? Vous n'êtes pas mêlé à ce genre d'affaires, si je ne m'abuse ? réponds-je du tac au tac avec conviction.

Torres arbore un sourire en coin. J'ai marqué un point en lui rappelant qu'il ne serait en aucun cas impliqué s'il s'avérait que ça tourne mal. Maintenant, il s'agit de faire les choses dans l'ordre, avec minutie.

— Je vous aime bien vous, dit-il, vous avez l'intelligence que la plupart de mes hommes n'ont pas. Ça me plaît.

Je marque une pause avant de répliquer. Je remarque au sourire toujours présent sur son visage tuméfié de cicatrices, qu'il croit vraiment à mon identité. Première victoire. Ça fait deux ans que je réussis à éviter une confrontation avec lui, mais j'ai dû déroger à ma règle, je n'avais plus le choix avec l'échéance des événements à venir qui arrive à grands pas.

— Je ne suis pas là pour que vous « m'aimiez bien ». Je suis ici pour qu'on travaille ensemble, point final. Je n'en ai rien à faire d'être dans vos bonnes grâces.

Cette fois, il éclate de rire complètement. Je suis parvenu, au cours de ces deux dernières années, à me rendre indispensable à ses yeux en l'aidant à préparer le plus gros coup auquel il n'aurait même jamais pensé participer. Aujourd'hui, après vingt-quatre mois de travail acharné, je le rencontre, certes pour la première fois, mais c'est ce qui fait ma force. Je suis parvenu à le sortir de son trou. Nous communiquions uniquement par internet sur un réseau sécurisé. Ce type, trafiquant de drogue notoire, était en cavale depuis près de vingt ans après une évasion de prison.

Je me suis construit une réputation qu'il ne peut contester. Il a tout vérifié sur moi, je suis clean à ses yeux, je le sais. Je suis exactement la personne qu'il n'avait pas dans son équipe et dont il avait besoin. Il est satisfait de m'avoir trouvé, alors que c'est moi qui ai fait en sorte qu'il ne veuille que moi, et personne d'autre. Il sait que je suis dangereux, mais il pense qu'il peut me manipuler à sa guise. C'est la clé de la prise de pouvoir sur quelqu'un, quel qu'il soit. Lui faire croire qu'il a une emprise sur moi, c'est de cette façon que je le tiens.

— Le fait que tu aies fait partie du FBI est un atout pour moi, tu le sais fils.

— Ah parce qu'on se tutoie maintenant ?

Deuxième victoire. Le tutoiement et le « fils » sont intervenus beaucoup plus tôt que ce que je n'aurais imaginé. Mon but pour aujourd'hui est atteint. Prise de contact, prise de confiance, j'ai pu jauger son profil de visu et il est exactement l'homme auquel je m'attendais. Arrogant, macho, tyrannique et j'en passe. Quand Léa dit que je suis égocentrique, c'est qu'elle n'a jamais rencontré ce type-là ! Je me demande pourquoi je pense à elle dans ces moments-là. Je ne dois absolument pas me laisser déconcentrer. Et, au grand jamais, je ne voudrais qu'elle soit en présence d'un homme tel que José Torres.