L'œil gauche

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Mes adversaires semblaient préparés à une confrontation contre moi. Ils avaient adopté une stratégie en triangle, les deux tributs mâles en avant tandis que la carrière était légèrement en retrait. Je me propulsai à l'aide de ma jambe gauche, la droite étant encore blessé par mon altercation dans la forêt avec deux tributs. Une fois atterri prêt d'eux, je me ramassai sur moi-même afin d'éviter leurs attaques combiné. Je fauchai leur jambes d'une balayette. Cependant, une fois à terre, je n'eus le loisir de les faire rester. La carrière fonça vers moi, ne prenant pas la peine d'éviter ses acolytes, me força ainsi à reculer. Nos lames s'entrechoquaient, des étincelles s'échappant à chaque contact. Je bougeai mes bras à toute vitesse, essayant de trouver une ouverture entre les parades parfaites de mon adversaire. Cependant, elle a dû remarquer que mon bras gauche était en plus mauvais état que l'autre car j'avais l'impression qu'elle s'acharnait sur celui-là en particulier. Soudain, les autres se relevèrent et m'encerclèrent. Ma concentration ne devait surtout pas se relâcher. Avec un rythme de plus en plus accru, je parais, contre-attaquais et faisais mouche parfois. Cependant, ils étaient trois et je risquais de me fatiguer avant eux, j'en étais sure. Je devais rapidement les mettre hors-d'état de nuire sinon, je n'aurais aucune chance.

Alors que j'essayais d'être plus agressive, les écorchures que je leur infligeais apparaissaient également sur ma propre peau. Peut-être étais-je vraiment en mauvaise posture, une chose est sure, c'est que je l'étais pour Gabriele. Il était sortit de la Corne d'abondance sans être vu,  et s'était approché assez prêt pour assommer l'assaillant aux boucles blondes, qui fit rouler sa masse lorsqu'il s'écroula au sol. D'un bond, ses partenaires reculèrent sous la surprise. Gabriele ne faisait sûrement pas partis de leur équation. Cependant, la jeune fille restait une carrière et ne fut pas démontée le moins du monde par ce nouvel adversaire. J'eus à peine le temps de reprendre ma respiration qu'elle repartait à l'attaque, en direction de Gabriele. Je voulus m'interposer entre les deux, sachant pertinent qu'il ne ferait pas le poids mais  j'avais oublié qu'elle n'était pas seule. Le blondinet s'était déjà relevé et son compagnon l'avait rejoint. Ensemble, ils m'attaquèrent par derrière et je me retrouvais au sol, les membres paralysés, alors que je voyais Gabriele se faire désarmer et menacer de la lame de la carrière. J'essayai tant bien que mal de me lever mais ils étaient à deux sur moi et la douleur me transperçait. Ils savaient où appuyer, mon mollet droit et mon bras gauche étant l'épicentre de la souffrance qui parcourait mon corps. Malgré toute ma volonté, mon corps refusait de bouger, mes nerfs étant à fleur de peau. Je voyais la carrière rire et secouais son épée devant lui, avant de pointer du doigt. Pour elle, la victoire était assurée. Elle allait tuer mon ami devant mes yeux avant de tuer le boucher du district dix. Je ne pouvais tolérer d'échouer encore, je ne pouvais tolérer de laisser mourir devant quelqu'un à qui je tenais un minimum. Soudain, je me souvins.

Dans ma poche, se trouvait la fiole. En me tortillant un peu, et m'être pris quelques coups, je pus approcher ma main de la poche, je l'y plongeai discrètement et sortit la fiole. Alors que je me demandais comme je ferais pour la boire sans éveiller les soupçons, je réalisai qu'elle était affublait d'une aiguille, il s'agissait donc d'une seringue. Avec le pouce, j'éjectai le bouchon. Au moment où l'aiguille allait transpercer mes vêtements et ma cuisse, le doute m'envahit. Était-ce vraiment une bonne idée ? Et si je le regrettais ? Et si au lieu de nous sauver, cela me tuer sur place, et condamner Gabriele par la même occasion ?  Cependant, ma réflexion fut de courte durée : la carrière levait déjà le bras pour asséner le coup fatal. Je plantai la seringue dans ma cuisse, et je sentit le liquide chauffer puis se répandre dans tout mon corps. Rapidement, la douleur disparut.

Alors qu'il y a encore quelques instants, bouger m'arrachait des gémissements de douleurs, je m'arcboutais à présent de toute mes forces pour déséquilibrer mes assaillants, qui relâchèrent leur étreinte sous l'effet de la surprise. Je me levai rapidement, une nouvelle force coulant dans mes veines. D'un bond, mes couteaux en main, je me retournai et tranchai la gorge de l'un des garçons encore étourdis. Un coup de canon retentit. Le sang gicla sur ma tenue déjà imbibée de sang séché. Son acolyte blêmit, et se baissa pour récupérer son poignard. J'en profitait pour lui asséner un coup de genoux dans le visage puis un coup de pied dans le ventre, le propulsant quelques mètres en arrière. La jeune fille tressaillit, mais se reprit rapidement et me fonça dessus. Je sentis son épée me déchirer la chair, mais aucune douleur ne parcourut mon cœur. Voyant mon manque de réaction, elle ne put s'empêcher de laisser échapper un hoquet de surprise et de terreur peut-être. J'attrapai sa lame d'une main et la frappai au visage de l'autre. Le craquement sous mes phalanges me firent comprendre que j'avais cassé son nez. Elle recula de quelques pas, étourdi, se tenant le nez d'une main afin de ralentir hémorragie. Gabriele ne bougeait pas, soit parce qu'il était encore sous le choque, soit parce qu'il n'en avait pas eut le temps. Tout s'était déroulé très vite.  Soudain, je vis son regard horrifié. Je baissai alors les yeux et vis une tâche de sang s'agrandir rapidement au niveau de mon abdomen, sans ressentir la moindre douleur. Puis, je compris.

Les nerfs, ce que le Capitole m'avait envoyé n'était rien d'autre qu'une sorte d'anesthésiant très puissant. Je ne me sentais ni pâteuse, ni engourdis, mais lorsque je passais le dos de ma main sur mon corps où les vêtements, déchirés par le combat, n'étaient plus, je sentais comme un simple effleurement, une sensibilité moindre. J'en étais certaine, le produit m'avait bloqué les nerfs. Mais je n'avais pas le temps pour me poser la question de savoir si cela durerait éternellement ou seulement quelques minutes. La carrière était déjà de nouveau prête au combat. Je me remis droite.

- Tu crois vraiment que je vais perdre face à une minable du district dix ?! hurla-t-elle.

Aussi froide qu'était ma haine, la sienne était bouillante. Sa rage lui faisait trembler ses membres, ses traits étaient déformés. Elle me fonça dessus en hurlant, et lorsqu'elle arriva à ma hauteur, je parai aisément sa lame de mon couteau gauche et lui planta le droit dans l'estomac. Elle eut un étrange soubresaut alors que je retirais ma lame affutée pour la lui planter dans la gorge. Après avoir émit quelques gargouillis, la carrière s'effondra, du sang coulant d'entre ses lèvres. Un coup de canon retentit.

Je me précipitai alors  vers Gabriele, et m'accroupis à ses côtés. Mais aucun mot n'eut le temps de sortir ni de ma bouche, ni de la sienne. Brusquement, il se releva, attrapa mes épaules et nous fit échangeait de place. J'entendis un impact, sa tête changea d'expression puis il s'écroula dans mes bras. Je relevai la tête, hébétée et je vis le garçon roux au poignard, le visage sanguinolent. Ce fut seulement à ce moment que je réalisai que je n'avais pas entendu le coup de canon lorsque je l'attaquai quelques minutes plus tôt.

Soudain, le temps ralentit. Gabriele leva la tête vers moi, puis sourit. Il tendit le cou pour approcher sa bouche de mon oreille. " Je suis désolé." Il posa sa tête sur mon épaule, un coup de canon retentit. Le garçon roux alla récupérer l'épée à une main sur le cadavre encore chaud de sa partenaire. Je restais immobile, sous le choc, Gabriele encore dans les bras.  Je baissai les yeux sur ses cheveux noir en batailles, un peu sales, et la haine m'envahit de plus belle.

Avec une douceur quasi religieuse,  je deposai Gabriele sur le côté et me relevai avec autant de souplesse que le pouvait mon corps. Le tribut tremblait. Je récupérai un de mes couteaux au sol.

Alors qu'il s'apprêtait à bouger pour me foncer dessus, j'étais déjà sur lui. Je le frappai au visage, mes phalanges repliées sur le manche. Des os se brisèrent, du sang gicla, un gémissement de douleur fut émis. Avec la rage du désespoir, il me transperça la cuisse de son épée, mais je ne sentis rien, je ne sentais rien, je ne ressentais plus rien. Ses yeux s'agrandirent et je lui plantai ma lame souillée dans la gorge.

Un dernier coup de canon retentit. Je retournais auprès de Gabriele  lorsque la voix de Claudius Templesmith me tira de ma torpeur.

- Mesdames et messieurs, j'ai le privilège de vous annoncé le vainqueur des ces soixante-septième Hunger Games, Maka Butcher ! 

La voix venait de partout et de nulle part à la fois. C'est vrai, tout cela n'était qu'un jeu pour eux, une farce, et j'avais été la parfaite actrice. Mais je ne pouvais le tolérer.  Je me tournai alors vers le vide de la clairière,  sans un mot. Ils m'avaient tout pris, y compris, tout ce qui aurait pu compter. Je n'avais même plus le droit de souffrir. Je n'étais qu'une marionnette à leurs yeux. Et bien soit, à moi seule j'avais tué plus d'une dizaine d'innocents enfants et j'ai vu mourir sous mes yeux tous ceux que j'aimais. Je serais pire. Je souris.

Je levai mon couteau en l'air en signe de victoire avant de l'abattre sur mon visage et de me crever l'oeil gauche.

Le boucher des 67ème Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant