Phase 1.5.2 ☞Choix du Prince • Ariane Thompson

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A R I A N E

Mes yeux papillotèrent avant de s'ouvrir sur un fond d'un blanc nacre. Je me redressai en sursaut, haletante, le souffle cours. Je parcourais de mes yeux curieux, la pièce en question. Grâce aux multiples engins qui trainaient ci et là, je devinais que j'étais dans l'aile médicale du château. Un seul homme assis, me regardait. Même si son visage baignait dans l'ombre, je le reconnus. Pour lui, j'avais été prête à sacrifier ma propre vie. J'entrouvris ma bouche pour y chercher de l'air. Je me levais, les jambes flageolantes.

-Rassieds-toi, Ariane.

-Non.

Je me dirigeai vers un miroir à l'autre bout de la pièce. Ce que j'y vis me coupa le peu de souffle qu'il me restait. Ce n'était pas la Ariane que j'avais quittée qui se présenta devant moi, c'était une autre femme. Ses lèvres aussi rouges que le vermeil contrastaient avec la pâleur de sa peau et l'ébène de ses cheveux qui retombaient en cascade bouclée sur ses épaules dénudées. Cette robe sang qui moulait ses courbes la rendait plus imposante que d'habitude. Une robe type de l'époque victorienne. 

Je tournai la tête, croisai le regard du Prince.

-Comment te trouves-tu ?

-Différente.

-Et ça te plait ?

-Oui. Pourquoi avoir choisi une robe, mes anciennes fringues n'étaient pas suffisamment bien ?

Un éclat incertain passa dans ses yeux, bien trop furtif pour que je reconnaisse sa véritable nature.

-L'enterrement.

-L'enterrement ? Répétai-je

-Nous te croyons morte. Depuis deux jours.

-Donc cette robe était pour un enterrement ?

Il acquiesça.

-Mais les médecins ont dit il y a quelques jours qu'il y avait une infime chance que tu survives. Et te voilà.

Il se leva et s'approcha d'une démarche féline. Il se plaça derrière moi tandis que je m'admirai.

-Tu me fais penser à une reine grecque.

-Laquelle ?

-Hélène de Sparte. Par amour pour un prince rival elle engendra une guerre qui dura une décennie.

-A quoi ressemblait-elle ?

-Les historiens disaient qu'elle était la plus belle femme du monde. Une magnifique blonde. Ce qui faisait son charme était sa vulnérabilité.

Je caressai mes lèvres du bout des doigts.

-Je ne lui ressemble pas.

Ses mains se posèrent délicatement sur mes épaules.

-Tu es une autre forme de beauté. Sombre, ténébreuse, impériale, foudroyante et séductrice.

-Vous me décrivez comme une prédatrice.

-C'est ce que tu es, pourtant. Tu es une hyène pour nous tous. Tu as la beauté d'un succube. Regarde-toi attentivement. Tu pourrais être la reine des Enfers dans cette robe rouge. Tu es la réincarnation du désir et de la passion.

Ses mots me déboussolaient mais je refusais de le montrer, cachant ma vulnérabilité sous un masque froid.

-Tu blesses, tu détruis dans les flammes, tu tues.

-Qu'est-ce qui pourrait attirer un homme chez moi ? Demandai-je en cherchant sa main.

Sa bouche effleura le lobe de mon oreille. Son souffle brûla ma peau.

-Tout. Absolument tout. Cette force de caractère, ces courbes sensuelles pour lesquelles on se tuerait, ta force. Toi entière, belle Ariane. Ce nom dont la saveur fait penser à du poison. C'est ce que tu es pour moi : du poison. Tu coules dans mes veines et me détruis.

Je restais muette sous la force de ses paroles.

-Je t'ai dans ma peau, dans mon sang. Quelle partie de moi n'as-tu pas encore réussi à atteindre, à hanter ? Tu as planté une épine dans mon cœur que toi seule peux enlever. C'est donc ça, ressentir des sentiments envers toi ? Cette sensation de brûlure, cette morsure qui te consume ?

Ne jouez pas à ce jeu avec moi, Prince. Si vous agissez ainsi avec moi, qui me dit que vous n'y jouiez pas avec les autres Sélectionnées ? La Sélection est un jeu perfide. Vous tenez le cœur de toutes les Sélectionnées entre vos mains et d'un geste, il vous suffit de les briser.

-Mais ne dit-on pas que la haine est la pire des passions ?

-Ne dit-on pas que l'amour est le sentiment le plus destructeur ?

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire carnassier. Ses yeux dévoraient mon reflet dans le miroir, aussi pétillant que des diamants.

-Tu es une rose. Une rose qui brave la froidure.

Je pris ces mots comme une claque. Je me détachais de lui et m'en allai en travers de la pièce sans aucun regard en arrière. Je gagnai le couloir. Mon nom prit forme dans sa bouche. Soulevant les pans de ma robe, je me mis à courir aussi vite que me le permettaient mes pieds nus. Malheureusement, le tas de taffetas qui recouvrait mon corps eut tôt fait de me ralentir. Il attrapa ma main et me plaqua contre le mur, chacun de ses bras entourant ma tête rendant toute fuite impossible. Un air de piano s'échappa de la salle d'à côté.

-J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais.

Sa voix brisa le silence.

-Je suis pourtant bien là, maintenant.

Sa main vint se déposer sur ma joue, traçant le contour de mon oreille, de mon nez avant de s'arrêtez sur mes lèvres.

-Maintenant, oui.

Son visage s'approcha encore. Délicatement ses lèvres effleurèrent les miennes. La pulpe de son pouce caressa ma joue. Je restais aussi froide que possible, impassible, ne voulant rien ressentir. Je demeurais de glace. Mais peu à peu le feu succéda au froid. J'enroulai mes bras autour de sa nuque, l'attirant contre moi. Mes doigts fourragèrent dans ses cheveux, tirèrent sur des mèches rebelles qui s'échappèrent de sa coiffe royale. Il gémit contre mes lèvres. Sa bouche se fit plus pressante sur la mienne, plus insistante, se moulant parfaitement. Je ne l'embrassai pas par amour. Un autre sentiment avait pris le contrôle de mon corps. J'ignorai si c'était de la haine, de la souffrance ou du désespoir... Nos deux corps ne formaient plus qu'un. Ma main s'aventura sur son torse et le repoussa.

-Vous devez vraiment être accro à la douleur pour vous accrocher ainsi à moi. Méfiez-vous à présent, mon poison coule dans vos veines...

L A P R I N C E S S E ♛ - Jeu de rôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant