Phase 2.5☞Harley Goldman

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H A R L E Y

La voiture que m'a allouée le Palais roule à toute vitesse sur l'autoroute. Je me suis assisse à l'avant du véhicule pour échapper aux regards de l'équipe de cameramans qui m'a été assigné. Olivia, le chef de cette petite troupe, pianote sur son téléphone à une vitesse vertigineuse tout en mâchant rageusement son chewing-gum.

Je mentirais en disant que j'ai trouvé facilement ma « bonne action ». Ce n'est pas que le sort de mes concitoyens m'indiffère, mais jusqu'ici mon engagement s'est limité à des galas de charité réguliers. Le social n'est clairement pas mon domaine de prédilection. Les enfants m'exaspèrent et la pauvreté m'a toujours mise mal à l'aise. Mais il a bien fallu trouver quelque chose.

La voiture ralentit et s'arrête devant la Prison Centrale de Californie. Les murs gris sont fades à en pleurer et les fenêtres grillagées pousseraient le plus heureux des hommes à aller acheter une corde et un tabouret.

-Vous n'avez pas choisi l'endroit le plus joyeux de la Terre, marmonne Olivia.

Je l'ignore et avance vers le Directeur Mason, qui nous attend immobile comme une statue, devant la haute porte du bâtiment pénitencier. Je ne l'ai jamais rencontré mais le connais de réputation. La cinquantaine, stricte, froid, sans famille, entièrement dévoué à son travail. Sans doute pas un mauvais homme, mais pas un saint non plus.

Nous nous serrons la main en silence, puis il me fait signe de le suivre. À l'intérieur de l'édifice, le soleil disparaît. La hauteur des murs impose une fraîcheur perpétuelle, commune à toutes les prisons du pays.

Du coin de l'œil, je vois un des cameraman frissonner. De froid ? De peur ? Moi, cela fait longtemps que ce décor ne me touche plus. C'est mon univers après tout. Toutefois, je ne fréquente pas si souvent ces lieux, mon travail consistant justement à éviter à mes clients de s'y rendre. De même, j'ai peu l'habitude de me retrouver face aux personnes que je vais rencontrer : ceux qui m'emploient en général ont un compte en banque inépuisable et ne connaissent même pas le sens du mot « misère ».

-J'ai été surpris de votre demande Mlle Goldman. Je ne sais pas vraiment quoi en penser, me dit le directeur en me guidant toujours plus profondément dans le dédale de couloirs et de cellules.

-Vous croyez mon entreprise inutile ?

Ma voix faussement innocente dupera sans aucun doute les téléspectateurs, mais pas M. Mason. Il a l'habitude des avocats dans mon genre et comprend aussitôt la menace sous-jacente : « Critique-moi devant les caméras et je te le ferai payer chèrement ». Il me fusille du regard, mais secoue la tête et reprend sa marche.

Il s'arrête finalement devant une porte qu'il ouvre en grand.

-C'est ici. Si vous avez le moindre problème, appuyez sur le bouton d'urgence, m'explique-t-il en me tendant un boîtier blanc que je range soigneusement dans une de mes poches.

Je prends une grande inspiration. Mon entrée en scène doit être parfaite. La première impression compte énormément.

Je passe le pas de la porte et pénètre dans une pièce qui pourrait facilement passer pour une salle de classe, si les « élèves », dont l'âge varie entre dix-sept et vingt ans, n'étaient pas si solidement menottés. Les jeunes hommes qui me font face portent tous l'uniforme orange caractéristique du système carcéral. Certains abordent des visages déjà marqués par la vie, d'autres semble tombé du paradis, souriant comme des anges. Heureusement pour moi, cela fait longtemps que je ne fais plus confiance aux apparences, si parfaites elles peuvent être.

L A P R I N C E S S E ♛ - Jeu de rôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant