Chapitre 8 : Legend

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Je ne ressentais rien.

Tous mes muscles étaient engourdis et je ressentais comme une abysse au niveau de ma poitrine. Je pouvais sentir des doigts effleurer ma peau mais je n'ouvris pas immédiatement les yeux.

J'essayai de bouger mais tout mouvement était épuisant. J'ouvrais doucement les yeux et je fus aveuglée par une lumière perçante. J'aperçu la silhouette de quelqu'un qui était penché vers moi. Son image était floue mais je pouvais voir ses lèvres bouger même si aucun son ne sortait de sa bouche.

Je refermai les yeux et lorsque je les ouvris à nouveau je vis Enzo clairement. Mes yeux s'écarquillèrent alors lorsque je me souvins des événements de la veille. Explosion. Cris. Peur.

"Shh calme toi, Avalon" me rassura Enzo, remarquant ma détresse

"Qu'est-ce qui s'est passé ?" demandai-je, ma voix horriblement enrouée

"Une bombe. Un des pantins de ton père s'est fait explosé à l'entrée du manoir. Heureusement, qu'il n'a fait aucune victime" expliqua-t-il, les poings serrés

Je mis ma main sur la sienne dans le but de le rassurer, il sursauta légèrement puis il prit ma main dans la sienne. Il releva alors la tête, m'observant longuement comme pour comprendre l'origine de ce geste. Mais je ne savais pas non plus pourquoi je venais de faire ça.

"Pourquoi a-t-il fait ça ?" demandai-je, confuse. Je n'avais pas entendu parler de ce plan.

"Nous sommes des gangs ennemis. C'était une tentative d'intimidation de la part de ton père. Tentative ratée devrais-je dire" ricana-t-il légèrement

Je m'apprêtai à répondre mais je ressentis une douleur intense au niveau de mes tempes. Je posais mes mains sur mon crâne pour calmer la douleur mais je remarquai qu'il y avait un bandage autour de ma tête.

"Tu t'es blessée en tombant. Le docteur a dit que tu ne devais faire aucun effort physique pendant au moins une semaine-" commença-t-il

"Quoi ? Non, je ne peux pas me le permettre. Je dois reprendre mon travail c'est-" commençai-je mais il me coupa lui aussi

"Travail ? C'est ce que tu appelles ça ? Avalon, tu tues des personnes pour l'argent. Je n'appellerais pas ça un travail." répondit-il sèchement, la mâchoire serrée

Pour qui se prenait-il pour pouvoir me juger ? Il n'avait aucune idée de ce que j'avais vécu une fois qu'il m'avait quitté. Il ne m'avait pas vu pleurer durant des nuits, suffocant à cause de mes sanglots, brûlant de douleur. Il ne m'avait pas vu souffrir et il ne savait pas à quel point cela avait été dur pour moi d'éteindre mes sentiments, de devenir cette machine.

"Puisque je te dégoutes autant, qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi ne me laisses-tu pas partir pour de bon ?" criai-je

"Parce que" dit-il de manière enfantine

"Parce que ?" répétai-je

"Oui, parce que. Je n'ai pas à te donner plus d'explications." répondit-il

"Je mérite des explications, espèce de bâtard italien ! Alors dis moi immédiatement pourquoi" criai-je

"Parce que je n'arrive pas !" cria-t-il plus fort puis il continua

"Parce que je n'arrive pas à te laisser partir, bordel ! J'ai essayé, Avalon. J'ai essayé un millier de fois mais j'arrive pas à t'effacer, tu as laissé une marque permanente sur moi. Peu importe ce que je fais, tu coules dans mes veines, tu es gravée à l'encre noir sur ma peau. Je ne peux pas t'effacer et la vérité est que je ne veux pas t'effacer. Mais le pire c'est que je suis beaucoup trop égoïste pour te voir partir et trouver du bonheur ailleurs. Je ne peux pas imaginer le fait de te voir dans les bras d'un autre; et pourtant je sais qu'il y a quelqu'un d'autre. Je ne suis pas bête, Avalon. J'ai senti son odeur sur tes habits, sur ta peau. Je pouvais même imaginer ses mains effleurer la courbure de ton corps, ses yeux admirant les tiens, je pouvais imaginer ton dos se courber pendant que tu rirais à une de ses blagues et je pouvais te voir hausser les sourcils à une de ses remarques. Mais tu n'es pas censée faire ça, tu ne devrais pas faire ça. Pas avec un autre homme que moi, Avalon. Je déteste l'idée de toi avec un autre. Je suis le seul qui devrait avoir le privilège de te voir, de te connaître, de te sentir. Le seul."

La gorge nouée, j'ouvris la bouche pour répondre mais les mots me manquèrent soudainement. Il venait de me faire une déclaration.. ses déclarations étaient rares mais toujours aussi mouvementées et sincères. Mais je ressentis à nouveau une boule au ventre : il savait pour Alejandro. Cependant, il ne savait pas que l'homme en question était son meilleur ami. Je me sentis terriblement mal, je ressentis le besoin de m'excuser mais je ne voyais pas pourquoi : nous n'étions plus ensemble. Je ne l'aimais plus. Du moins... c'est ce que je pense.

"Qui ?" dit-il les poings serrés, arborant une expression dure

"Pardon ?"

"Qui ? Qui est le batard qui a osé penser qu'il pouvait t'avoir ?" demanda-t-il, la respiration lourde

Je me levai subitement, enlevant le bandage et retirant les couvertures. Je me rendis compte à ce moment que je ne portais qu'une chemise blanche et que Enzo était torse nu. Mais je ne m'attardais pas sur ce détail car ma colère était plus grande.

"Quoi ? Pour qui te prends-tu ? Je ne suis pas un objet qui t'appartient ni un trophée à exhiber. Alors n'oses plus jamais dire ou agir comme si je t'appartenais parce que ce n'est pas le cas. Et pour ton information, j'ai le droit de danser avec qui je veux." lui dis-je, rouge de colère

Nous n'étions qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. J'avais les sourcils froncés et un doigt sur son torse nu comme pour le menacer, tandis qu'il était stoïque. Son regard retomba alors sur mes lèvres. Il ne répondit pas, comme captivé par la couleur pourpre de mes lèvres.

"Je n'aurais jamais dû arrêter de boire" dit-il d'une voix rauque

"Pourquoi ?" demandais-je, ne comprenant pas le rapport

"Parce que j'ai envie de t'embrasser même si je sais que c'est une mauvaise idée. Et que si j'avais eu une bouteille de bourbon avec moi, j'aurais pu blâmer l'alcool qui coule dans mes veines pour vouloir presser mes lèvres contre les tiennes. Mais bon comme je l'ai dis, c'est une mauvaise idée."

"Une terrible idée" murmurai-je

"Oui. Mais les mauvaises idées font de belles histoires." murmura-t-il, le regard toujours fixé sur mes lèvres

"Tu penses que notre histoire est belle ?" lui demandai-je alors

"Nous ne sommes pas une simple histoire, Avalon. Nous sommes une putain de légende."

Puis il écrasa ses lèvres contre les miennes.

EternitàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant