Je respirai au grand air, pourtant j'étais incapable de caler mon souffle sur un rythme régulier. L'être qui me tenait fermement prit le contrôle. Il décida de me tirer vers la rive. Il avait bien compris que la stupéfaction m'avait figé des pieds à la tête. Certes, j'étais devenue une paria puissante et ma vie avait basculé, mais cet événement était encore plus étrange que disposer de nouvelles capacités.
Mon compagnon m'abonna sur le sol m'abandonnant encore à moitié dans l'eau. Il passa une main dans ses cheveux noirs, dont le bout semblait disparaître comme une fumée fugace. Sa peau brillait au soleil comme de l'or. Elle ne trahissait pas la moindre imperfection, pas la moindre cicatrice, absolument satinée. Complètement nu, son corps semblait humain si l'on omettait les écailles d'or qui décoraient ses épaules. De dos, il ne semblait pas se préoccuper de ma présence. D'un geste, des habits couvrirent son corps. Un simple bas noir couvrit ses jambes musclées et un haut large cacha ses différences.
Il se décida enfin à se retourner et prendre ma présence en considération :
— Tu comptes rester assise encore longtemps ? lâcha-t-il.
Ses traits presque trop réguliers me coupaient toute envie de répondre. Ses pupilles étaient beaucoup trop noires pour être réelles. Non, ce personnage en entier était beaucoup trop marginal pour être authentique. Il tendit ses épaules en arrière et bomba le torse.
— Même si ta tenue est très alléchante, nous ne pouvons pas rester ici.
Avec difficulté, je réussis enfin à détourner le regard de cette créature. En effet, je ne portais qu'une blouse blanche et une culotte. Trempée, mon corps était complètement dénudé par la transparence du tissu. Je cachai ma poitrine avec mon bras et me relevai. J'étais complètement à découvert, mise à nu.
— Qui es-tu ?
Il ferma les yeux et respira lentement.
— Iblis.
Je reculai d'un pas dans l'eau.
— Ton apparence... continuai-je.
Il fit un pas en avant.
— Je l'ai emprunté. Celle-ci est mon véritable visage.
Je fronçai les sourcils, bien décidé à comprendre ce qu'il se passait avant de suivre... cette chose.
— Emprunter à qui ?
Ses yeux s'illuminèrent d'un prune bien particulier. Un sourire carnassier aux lèvres, il répondit :
— À un humain. Dont le corps sans vie se trouver certainement au fond de la mer.
Je frémis dangereusement. Il avait emprunté un corps humain, et en sautant dans le ravin, l'inconnu avait laissé un homme mourir sans le moindre remord. J'imaginais fugacement ce corps disloqué et inanimé flotter dans l'eau. Je rouvris brusquement les paupières, incapable de supporter cette idée. L'étrange humanoïde étira ses lèvres dans un sourire narquois. Je l'amusais.
Prise d'une terreur soudaine face à cet être, un frisson parcourut toute mon échine jusqu'à la racine de mes cheveux. Je haïssais cet homme, s'il en était bien un, de tout mon être. Je devinais que mes pupilles prenaient une couleur d'un or intense. Plus la colère et la peur montaient, plus mon pouvoir prenait le dessus.
Le vent se leva dangereusement. Il s'intensifia autour de mon corps comme un bouclier invisible. Mes cheveux roux fouettaient dangereusement mon visage, comme une flamme ardente, et mes yeux brûlaient d'un désir agressif. Je voulais défaire l'expression qui était sienne.
Une violente bourrasque ébranla les alentours. Elle le visait lui. Je le visais lui. Mais il avait sauté en hauteur d'une rapidité surprenante, évitant mon attaque avec facilité. Le vent se calma et il retomba avec agilité sur la terre ferme. Les arbres derrière lui penchèrent dangereusement avant de s'écraser lentement au sol dans un vacarme assourdissant.
— Pourquoi t'énerves-tu alors que cet homme tenait une part de responsabilité dans la mort de tes semblables ?
Ses sourcils étaient froncés. Je me mordis l'intérieur de la joue. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi j'étais si énervée par le meurtre de cet homme.
— Parce que tu l'as tué sans aucune conscience ! aboyai-je.
— Je ne pense pas que tu puisses me juger sur mes actions, répliqua-t-il.
Sur ces mots, je serrai les poings à mon paroxysme. Mon cœur se serra et une chaleur envahit chaque partielle de mon corps. J'étais furieuse contre lui. L'eau autour de mes pieds chauffa soudainement, jusqu'à ce que l'eau boue tel un volcan en éruption. Pour la première fois de ma vie, je voulais utiliser le pouvoir qui était mien pour faire mal à un être vivant.
— Tu es vraiment stupide. Toi et moi ne sommes pas si différents, commenta-t-il calmement et indifférent.
Il disparut dans un tourbillon de fumée noire et se téléporta derrière moi. Je me figeai. Iblis était beaucoup trop à l'aise en sachant qui j'étais et de quoi j'étais capable. Il était conscient que je n'avais aucune chance face à lui avant même que je ne tente quoi que ce soit. Son comportement me glaça le sang et calma ma colère. J'étais impuissante contre lui.
Se tenant derrière mon dos, ses lèvres effleurèrent presque mon oreille et murmura :
— Ce jeu ne m'amuse plus.
Pétrifiée, je me laissai faire. L'eau bouillante ne lui faisait aucun effet. Doucement, il prit mon bras droit et porta mon poignet à ses lèvres. Une douleur aiguë se diffusa jusque dans ma main. De toutes mes forces, je me dégageai de son étreinte. Il m'avait mordu au sang !
Je me retournais face à cette créature à l'apparence humaine. J'inspectai mon poignet, tremblante. Strié par des marques de dents, un cercle rouge entouré de pics semblable à des pointes de flèche se forma sur mon poignet.
— Bienvenue à Jindard. Désormais, tu seras sous ma direction.
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OSTIUM - Jeu [PAUSE]
Fantasy[Ostium : du latin « entrée, embouchure »] Avez-vous déjà rêvé de l'existence d'un autre monde ? Moi oui, seulement je n'ai pas uniquement rêvé ... J'en fais désormais partie. Et cet univers est régi par les voeux et les décisions prises grâce aux j...