Chapitre 4 : Rivalité

688 111 27
                                    

Ce sentiment, je ne le connaissais que trop bien. J'avais presque oublié ce que j'avais ressenti les premiers jours dans ma cellule. L'ennui n'était pas le pire ennemi que l'on pouvait connaître. Au contraire, enfermée pendant deux ans, je n'avais eu aucun répit. Les quatre murs n'avaient pas pour fonction de m'enfermer, mais de faire résonner avec échos mes pêchés. Pendant deux années consécutives, j'avais eu le temps de ressasser le jour où mon pouvoir s'était dévoilé. J'avais songé tous les jours hypothétiquement aux différents chemins que ma vie aurait pu prendre sans cette magie, si j'avais pu comprendre comment l'utiliser, si je n'étais pas sortie ce soir-là et si je n'avais pas rencontré cet homme... Même si rabattre ces choses dans mon esprit n'avait aucune utilité, c'était un moyen d'expier mes actes. 

Iblis était en complète contradiction avec ma façon de vivre et mes principes. Un monde où une mort n'avait aucune conséquence, oui, il avait raison de dire que cet endroit me correspondait. Mais peut-être pas plus que ma cellule finalement. Car arriver ici me faisait revivre mes premiers moments de captivité où j'avais dû accepter la vérité sur ma nature.

Sa vigoureuse étreinte, empressant mon bras, me ramena instantanément à la réalité.

— Je peux marcher toute seule, crachai-je entre les dents.

Il n'écouta pas ma protestation et m'entraîna à sa suite à la lisière d'une muraille, dans les entrailles de la forêt où j'avais atterri. Devant la porte il me lâcha brusquement et posa sa paume contre la porte qui s'ouvrit. Sa poignée beaucoup trop ferme avait laissé une brûlure lassante à l'endroit où il me tenait. Les deux gigantesques portes en bois qui constituaient la seule entrée des murs s'ouvrirent lourdement devant nous.

Une silhouette se dessina juste en face de moi. Un être similaire à Iblis, mais ailé, nous attendait. Il était inhumain. Son corps était dénudé comme si la pudeur n'existait pas. Ses membres inférieurs étaient ceux d'un bouc, ferrés et laineux. Il ne portait aucun vêtement, laissant apparaître un buste d'homme. Son visage était humain, si l'on ne comptabilisait pas les deux cornes imposantes qui ornaient son front. Ses deux immenses ailes beiges lui octroyaient un sentiment de puissance, comme si l'air lui appartenait. Son regard était complètement noir, ne laissant aucune distinction entre ses pupilles et sa cornée. Si Iblis avait un semblant d'homme en lui, la créature devant moi était complètement animale.

— Où étais-tu passé ? trancha-t-il d'une voix rugueuse et puissante.

Iblis ne cacha pas son agacement. Sous son haut, ses écailles semblèrent se relever comme un bouclier. Quelque part, je sentais que j'allais apprécier cette nouvelle venue.

— Je n'ai pas de compte à te rendre Maxios.

L'homme ailé se concentra sur moi et me détailla pendant quelques secondes. Iblis se mit devant moi pour éloigner le regard de son interlocuteur.

— C'est ta nouvelle Gardienne ? lâcha-t-il.

— Quoi ? balbutiai-je.

Iblis me bloqua la vue, j'avais du mal à distinguer l'expression des deux démons. Maxios se décala gracieusement et me lança un regard féroce. Les deux êtres se toisèrent du regard pendant un moment qui sembla durer une éternité.

Brutalement, une femme tomba entre les deux êtres. Sous la surprise, je perdis l'équilibre. Iblis me rattrapa par le bras. Son geste abrupt et son contact me semblèrent pires que toucher durement le sol dans une chute. Ses pupilles me jaugeaient avec courroux.

La nouvelle arrivée était une fille plutôt jeune. Ses cheveux bouclés azure qui tombaient en vague sur ses épaules s'avérèrent plutôt corrects confrontés à ses bras constellés de plumes semblables à des feuilles. Ses yeux jaunes dont les pupilles dilatées s'attardèrent sur moi me dérangeaient. Si se balader complètement nue ne lui posait pas de problème, qu'elle détaille mon corps à découvert me dérangeait au plus haut point.

OSTIUM - Jeu [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant