Chapitre 11 : Penses comme un Djinn

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J'avais évité Iblis depuis la vieille dans le but de me soustraire à une confrontation éventuelle. Mais il était temps pour moi de descendre de ma chambre et de manger pour répondre à la demande bruyante de mon estomac. Finalement vaincue, je sortis de mon lit et descendis l'étage.

En bas, un bol était posé sur la table. Sans me préoccuper de l'apparence douteuse de la nourriture de ce monde, j'en dévorai le contenu. Le visuel ne correspondait pas au goût, on aurait dit des lentilles presque noires même si ce que je mangeais semblait être de la viande. Il fallait se préparer mentalement à chaque fois sur ce que mes papilles allaient découvrir ! Je mangeai le plus lentement possible pour reculer le face-à-face avec mon colocataire.

Baissant les bras, je me décidai enfin à aller dans ma chambre choper une tenue adéquate à la raclée que j'allais me prendre durant l'entraînement. C'est-à-dire un bas noir basique composé de coussinet caché dans la doublure des genoux pour amortir les chutes et un haut couleur chaire manche longue avec une protection dure au niveau de la poitrine. Car oui, prendre des coups dans cette partie du corps était assez désagréable et douloureux. La dernière fois, je n'avais pas pu y échapper. Or, cette fois je savais à quoi m'en tenir.

Sur la pointe des pieds, je me faufilai à l'arrière de la maison. Comme je m'y attendais, Iblis s'y trouvait. Torse nu et concentré, il se mouvait comme s'il répétait une chorégraphie complexe. Gracieusement, il contrôlait une multitude de lucioles qui virevoltaient autour de lui comme de bons petits soldats. Ce sort me rappela le jeu qui s'était déroulé quelques jours avant et les meurtres qu'il avait commis.

Concentrée sur le mouvement des lumières, elles descendirent silencieusement avant de disparaître sur le sol. Iblis me fixait intensément. Impassible, il attendait une réaction de ma part. Un frisson me parcourut la nuque. Immobile, j'avais l'impression de faire face à une statue grecque parfaitement sculptée. Cependant, c'était une représentation d'un être terrifiant.

Je fis un pas dans sa direction, et ses muscles semblaient se délier.

— Est-ce que ton compagnon va bien ?

Il pencha la tête sur le côté, et ses cheveux semblables à de la fumée captèrent toute mon attention. Il passa une main dans sa nuque, perturbé.

— Celui qui a été blessé pendant le jeu, crus-je bon de préciser.

J'essayai en vain de me rappeler à quoi ressemblait la bête de son équipe qui avait reçu une flèche dans l'épaule.

Il sourit timidement et hocha la tête. Son calme m'inquiétait. Arrivée à sa hauteur, ses gestes rapides me prirent au dépourvu. La seconde suivante, je me retrouvai à genoux, un bras tordu dans le dos.

— Au lieu de t'inquiéter pour les autres, tu devrais t'entraîner ! assena-t-il, en se moquant de moi.

Ce nouvel entraînement se passa exactement comme le précédent : il frappait, j'arrivais à esquiver une fois sur dix. Le sol devint mon ami et je le rencontrai plus d'une fois. Complètement épuisée, je m'allongeai au sol.

— Tu as raté une journée d'entraînement, ce n'est pas le moment de te reposer !

Une grimace de douleur se dessina sur mes lèvres. Je savais qu'il s'amusait comme un fou, mais pas moi. Il fallait que j'arrête de me comporter comme une humaine et que je commence à me conduire comme un Djinn. Une idée en tête, je souris sadiquement :

— Non.

J'attendis que mon adversaire s'approche de moi, et lorsqu'il se pencha vers moi, j'entourai sa taille de mes jambes pour le mettre à terre et par la même occasion me retrouver à califourchon sur lui. D'abord satisfaite d'avoir finalement réussi à le faire tomber et d'être dans une position supérieure à lui, je me rendis compte de l'ambiguïté de la position.

Je voulus me relever, mais Iblis m'en empêcha en emprisonnant mes hanches de ses mains.

— Je n'ai jamais trouvé une défaite aussi appétissante, susurra-t-il.

Sa réplique me mit mal à l'aise et cela n'échappa pas à Iblis. Il positionna sa main sur le bas de mon dos, et se releva. Face à face, je sentis son souffle sur mon visage :

— Mais je préfère ne pas être aussi proche d'une adversaire non-consentante.

D'un coup de bassin, il me bascula sur le sol.

— Mais quel ... ! m'exclamai-je subitement, en retenant de justesse une injure.

Une main sur mes fesses endolories, je le fusillai du regard. Soudainement téléporté à deux millimètres de mon visage, il me lança un regard enflammé. Sans m'attendre à cette proximité, je tombai en arrière. Il me rattrapa de justesse :

— Mais si tu le souhaites, on peut changer ça !

J'étais sur le point de lui envoyer mon poing dans le visage pour lui enlever cette expression vénale, mais je savais que je n'arriverai jamais à atteindre ma cible en étant aussi directe.

— Ce que tu dois arrêter c'est la téléportation ! Et surtout pour s'approcher aussi furtivement de moi !

— Tu ne diras plus ça quand tu maîtriseras cette technique.

Il titilla ma curiosité, et avant que je ne puisse répliquer, il avait déjà disparu. Oui, cette technique m'énervait au plus au point. Mais apprendre à me téléporter pourrait me permettre de me dérober pendant ces entraînements merdiques !

J'attendis de cumuler assez de force pour pouvoir me relever.

Ce Djinn me déstabilisait au plus haut point. Il était terrifiant et hypnotisant à la fois, comme une flamme brûlante que l'on voulait tenir au creux de sa paume. Une fois sur deux, il me glaçait le sang et lorsqu'il agissait comme un petit prince, j'avais envie de le connaître.

De retour dans ma chambre, je me permis une nouveauté et scrutai par la fenêtre. Occupée à suivre Iblis à chacune de mes sorties ou encore Sin, je n'avais jamais osé regarder en face ce nouveau monde.

Les rues étaient sableuses et rouges. Les passants ne se ressemblaient pas.

Une silhouette capuchée attira mon attention. Sans réfléchir, j'ouvris instinctivement la fenêtre et je sautai dans la rue pour suivre cet inconnu.

OSTIUM - Jeu [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant