J'ouvris la porte de ma chambre d'un geste brusque. La légère tendresse que j'avais ressentie à l'égard d'Iblis la veille lorsqu'il m'avait protégé était révolue. Loin d'être de mon avis, le Djinn m'attendait déjà en bas.
— Bien dormi ?
— Oui ! répondis-je du tac au tac.
Iblis ne portait qu'un pantalon. Sans son haut, je ne sais pas ce qui attirait le plus mon regard : les écailles sur ses épaules qui formaient des épaulettes d'or ou ses tablettes de chocolat superbement dessinées ? Indiscrète, il était bien conscient que je me rinçais l'œil.
Iblis partit dans un coin de la pièce et en ressortit avec deux tasses, et m'en tendit une. Sans attendre que je la prenne, il appuya une épaule contre le mur et passa une main dans mes boucles rousses.
— Ne joue pas à ce jeu-là Iblis. Tu me crois assez stupide pour tomber dans le panneau ?
Je n'étais vraiment pas du matin, mais mon humeur ne l'arrêta pas. Ses doigts, capables des pires atrocités, caressèrent mon visage en laissant des sillons brûlants sur leur passage. La douceur de sa peau et ses gestes me surprirent. Mais pas assez pour m'attendrir.
— Mon pauvre, tu vas essuyer le premier rejet de ta triste vie !
Une lueur mélancolique passa rapidement dans son regard ? Un Djinn était-il capable d'éprouver de l'amour ?
— Est-ce que tu comptes être agressive dans tes propos à chaque fois que tu ouvres ta bouche ? répliqua-t-il.
— Oui !
Il reprit sa constance habituelle. Ma grimace ou alors ma tête matinale répondit doublement à mes paroles.
— On reparlera de ton attitude lorsque tu arriveras à me mettre au sol, gamine.
Me provoquer au réveil n'était pas la meilleure idée qu'il ait eue. J'attrapai rapidement la tasse qu'il tenait, et en bu quelques gorgée. Au moins, ce monde avait du café digne de ce nom !
— De quoi est-ce que tu parles ? le questionnai-je.
Iblis indiqua du menton les armes positionnées à l'entrée de la maisonnette.
— Dans ce monde, apprendre à se défendre et utiliser son pouvoir est primordial.
Adossée contre le mur, le plus loin possible de lui, je me rappelai d'un détail :
— Mais le meurtre est interdit !
Il sourit malicieusement, montrant ses dents blanches.
— Combattre et tuer hors d'un jeu sont interdits, mais tu vas devoir participer à ces jeux Hel. Et pour ça, tu vas devoir te battre !
— Et qu'est-ce qu'un jeu ? soupirai-je.
Je n'avais jamais autant regretté d'avoir posé une question de ma vie. Iblis ne répondit pas à ma question, mais me traîna de force derrière la maison pour m'entraîner. Et quand je parlais d'entraînement, c'était un euphémisme, c'était plutôt de la torture.
— Je te demande seulement de me mettre au sol, ce n'est pas si compliqué non ? râla-t-il.
Si justement ! Demander à une fille prisonnière d'une cellule pendant deux ans de combattre un Djinn surentraîné d'un mètre quatre-vingt-dix et de plusieurs dizaines de kilos était irréalisable ! Je n'avais pas réussi à le déstabiliser une seule fois. Mais lui prenait un malin plaisir de me frapper, me bousculer et me balancer sur le sol... Autant dire, que j'étais déjà salement amochée. Furieuse, blessée et transpirante, je sentis le bout de mes doigts picoter. Mauvais signe.
— Utilise ton pouvoir ! tonna Iblis.
Il ne fallait pas me le demander deux fois. Un sourire mauvais se dessina sur mes lèvres et je bondis en avant. Rapide, Iblis réussit à m'esquiver. Je sautais, rebondis contre le mur de la maison avant de pousser sur mes jambes de toutes mes forces. Je tendis l'épaule pour percuter Iblis avec la force de mon élan. Mais il en avait décidé autrement et se baissa pour attraper ma jambe et me relancer sur le sol. J'inspirai profondément et créais une bourrasque en dessous de mon dos pour amortir l'impact.
Toujours en tenant ma cheville, il me releva la tête à l'envers avec une facilité surprenante.
— Bien essayé, mais tu es bien trop lente et faible !
Il lâcha prise et je percutai le sol pour la millième fois durant cette matinée. Des envies de meurtres me prirent aux tripes.
Iblis m'observa un moment avant de clamer :
— Mais tu sais prendre avantage de ton environnement et ton pouvoir est puissant.
Commencer par le négatif pour finir par le positif, intelligent, mais ça n'allait pas suffire pour que je lui pardonne son comportement. Il me tendit une main, mais je l'ignorai et me relevai toute seule.
— Je vais t'apprendre à contrôler ton pouvoir, mais l'utiliser autant pour la première fois depuis un moment pourrait te fatiguer énormément.
Impossible d'être plus fatiguée que maintenant ! Mon corps me faisait souffrir le martyre et je sentais déjà les courbatures prendre d'assaut mes muscles.
— Et une pause, c'est dans le programme ? répliquai-je froidement.
— Non, mais éviter ça, oui ! sourit-il malicieusement.
Dans la paume de sa main, une lumière dorée irradiait. Cette journée était loin d'être finie !
Iblis passa le reste de la journée à perfectionner la création d'un bouclier magique. Je ne savais pas ce qui avait été le plus éprouvant pour moi : devoir apprendre à me battre en partant de zéro ou alors utiliser toute mon énergie à créer une carapace imprenable si je ne voulais pas finir rôtie ?
Il accepta enfin de me libérer lorsque la lumière naturelle déclina. Allongée sur le sol comme une carpette, je posai une main sur mon estomac. Je n'avais pas ressenti la faim de toute la journée, et mon énergie avait été plus haute que d'habitude. Si j'avais testé ce genre d'entraînement en étant encore humain, je serais certainement morte !
Je fus soulevée du sol par deux mains fermes. Iblis me tendit une sorte de galette. Trop épuisée pour répondre quoi que ce soit, je m'exécutai et avalai la nourriture qui avait le goût d'une crêpe au curry.
— Ici, les aliments sont beaucoup plus nutritifs que chez toi. Deux collations dans la journée suffisent. Tu devrais aller te coucher maintenant, chuchota-t-il avec douceur.
Il posa délicatement une main sur mon front. Je reposai violemment son geste. Il avait beau avoir l'air inquiet, c'était quand même lui qui m'avait mis dans cet état !
À bout de forces, je montais les escaliers de ma nouvelle maison pour m'étaler sur mon lit, déjà à moitié endormie.
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OSTIUM - Jeu [PAUSE]
Fantasía[Ostium : du latin « entrée, embouchure »] Avez-vous déjà rêvé de l'existence d'un autre monde ? Moi oui, seulement je n'ai pas uniquement rêvé ... J'en fais désormais partie. Et cet univers est régi par les voeux et les décisions prises grâce aux j...