Chapitre 14 : Jouons !

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Cette question là, je ne m'y attendais définitivement pas. Était-ce parce que je pensais qu'il en connaissait déjà la cause ou bien son attendrissement soudain ? Une chose était sûre, je ne savais plus comment réagir face à lui. Il était beaucoup trop lunatique pour que je puisse le cerner.

Cela dit, il me regardait comme s'il désirait vraiment en connaître la cause. Comment étais-je devenue un monstre ? Que s'était-il passé cette soirée-là ?

C'est avec d'autant plus de surprise que j'ouvris la bouche et racontais les événements, sans émotions dans la voix. J'avais tellement ressassé ce qu'il s'était passé dans ma tête, que mettre des mots dessus était étrangement libérateur. Et ces mots me rappelaient encore une fois ce que j'avais vécu...

« Je suis sortie avec plusieurs amies pour aller danser. Rapidement, elle ont décidé de rentrer se reposer chez elles et il ne resta plus que Maria et moi. Pendant que je m'amusais, j'ai perdu de vu mon amie avant de la retrouver en pleurs quelques minutes après. Des hommes ont essayé de l'attoucher, profitant qu'elle ait bu. Incapable de savoir comment gérer la situation, je suis sortie avec mon amie pour rentrer calmement et demander de l'aide à mes parents. Sauf qu'ils nous attendaient dehors, sans remords. Lorsqu'ils ont commencé à venir nous voir pour nous entraîner de force à les suivre sans que personne ne réagisse, j'ai perdu le contrôle. Une vague de colère m'a submergée et avant que je ne m'en rende compte les témoins de la scènes, les agresseurs mais aussi mon amie étaient éparpillés sur le sol, inertes. C'était la première fois que j'ai utilisé mon pouvoir, mon premier meurtre et j'ai le sang de Maria sur mes mains. »

Rapidement, très rapidement j'avais entrepris de raconter mon calvaire. Mais ces quelques phrases ne pouvaient pas transmettre tout ce que je ressentais depuis cet épisode: ni les remords, ni la colère, ni la tristesse.

— Si j'ai bien compris tu es juste coupable du meurtre de ton amie.

Le vent se leva. Sa phrase avait fait monter en moi une émotion incontrôlable.

— Juste ? ajoutai-je d'une voix stridente.

Iblis passa outre les éléments alentours qui commençait à se déchaîner en accord avec mes émotions. Le vent sifflait et frappait les fenêtres, perturbé.

— Les autres ne peuvent pas s'en plaindre.

Les meubles de la maison tremblaient dans un écho assourdissant.

— Dis moi que j'ai tort quand je dis que la vie de déchets comme ces pervers est nulle de sens. Et comment veux-tu te sentir coupable pour des gens qui vous aurez laissé vous faire violer ou pire sans lever le petit doigt ?

J'avais atteint ma limite. Iblis et moi n'avions pas les mêmes valeurs, ni la même culture. La porte claqua violemment contre le mur et je me retournai pour m'en aller avant de commettre les mêmes erreurs.

Iblis me rattrapa par le bras, loin d'avoir terminé.

—Je peux comprendre que tu t'en veuilles pour être la cause de la mort de ton amie, mais arrête de te restreindre et de te victimiser !

Cette fois, il hurlait. Comme à son habitude, il passa d'une émotion à une autre sans se préoccuper de ce que je pouvais penser.

— Tu veux te culpabiliser pour ne pas avancer. Est-ce que c'est plus facile ainsi ? Abandonner avant d'avoir entrepris quoi que ce soit ?

Dans un grognement sonore, ma colère s'exprima. Les meubles explosèrent et le sol autour de moi s'enflamma. J'étais loin de ne pas comprendre mes gestes, que je détruisait volontairement mon dernier foyer, mais rien n'allait m'empêcher de fermer son clapet à cet abruti sans coeur !

Dans geste de la main, je propulsait les débris vers lui. Sans y porter la moindre importance, il créa un bouclier autour de lui. Sans savoir si mes attaques fonctionnaient ou non, je jetai un coup d'oeil à la silhouette d'Iblis. Il était debout dans la fumée et les décombres. Lui et cette maison me désolaient. Dans un dernier soupire, j'utilisai mes dernières forces à faire tomber le toit sur sa tête.

À bout de force, je me laissai tomber au sol. Autour de moi, les gens continuaient de marcher comme si la destruction de la maison était tout à fait banale.

Sans surprise, Iblis sortit intact des débris en flottant dans les airs. Si j'avais réussi à me calmer, c'était tout le contraire pour lui.

— Je n'abandonne pas ! m'écriai-je. Je ne sais juste pas par quoi commencer !

Cette phrase eut l'effet de le calmer. Et lorsqu'il remarqua que les débris sous ses pieds étaient bien ceux de sa maison, son visage se referma.

— Des gens décèdent tous les jours ! Ces hommes méritaient de mourir. Ce qui est arrivée à ton amie est désolant. Mais c'est ton amie. Est-ce que tu penses qu'elle t'en voudrait ? Maria doit savoir que tu n'avais pas prévu de commettre ce crime ! Si elle t'en veut aujourd'hui, c'est bien de baisser les bras alors que sa vie est terminée !

En plein milieu de la route, sans me préoccuper de ce qu'on pouvait penser de nous, je croisai les bras sur mon torse bien décidée à ne pas bouger d'un pouce. Silencieuse, j'essayai d'assimiler ses paroles. Il n'avait pas tort, mais par où devais-je commencer pour avancer ? J'avais pris la décision de sortir de ma cellule, c'était déjà un grand pas. Et j'avais opté pour faire confiance à un être d'une autre dimension, si ce n'était pas un effort qu'est-ce que c'était ? D'ailleurs, ce choix-là, je commençais à le regretter. Y avait-il un seul jour qui allait passer sans qu'on ne se tape dessus ?

— Si tu veux que j'avance, faisons un jeu !

Ça avait été plus fort que moi. Le narguer, prendre le dessus, le rendre furieux, c'était autant de tentations que de conneries auxquelles je pouvais penser. Un rictus se dessina au bord des commissures de ses lèvres.

— Que vas-tu encore me proposer comme idiotie ?

On ne pouvait pas dire que notre relation était angélique. Si on résumait la situation, Iblis pouvait me commander comme bon lui semblait. J'étais un pion qu'il pouvait bouger à sa guise. C'était un Djinn et non un homme, un être plus proche du malfaisant que du séraphique. Mais son addiction pour les jeux pouvait m'être d'une aide précieuse.

— Ma période d'essai se termine dans deux semaines.

Iblis tiqua. Il se posa au sol un peu plus proche de moi. Debout, il devait baisser les yeux sur moi pour capter mon regard et je n'allais pas lui faire le plaisir de me lever.

— Tu me cherches depuis un bon moment, alors poussons le jeu jusqu'au bout. En deux semaines, essaye de me faire tomber amoureuse de toi...

Iblis était étonné par ma réplique. Je m'attendais à ce qu'il saute sur l'occasion, mais il réfléchissait aux conséquences. Et comme moi, il devait se remémorer tout notre temps passé ensemble pour savoir s'il avait une chance de gagner.

— Et la récompense ? se décida-t-il finalement à articuler.

— La réalisation d'une demande, répondis-je rapidement.

Il se pencha vers moi, et susurra à mes oreilles, frôlant mon lobe avec ses lèvres:

— Allons y pour deux semaines de challenge !

OSTIUM - Jeu [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant