Chapitre 6 : Pourquoi moi ?

553 112 19
                                    

Il y avait tellement de monde et de créatures stupéfiantes et angoissantes que je refusais de perdre la trace de mon Djinn. Surtout depuis que j'avais vu ce qui semblait être un mélange entre un anthropoïde et un arachnide... Il fallait que je de pense scientifiquement pour oublier que ce monstre avait six pattes d'araignées !

Je fixais intensément son dos pour ne pas perdre sa piste. À aucun moment, il n'avait regardé dans ma direction. Iblis était certainement vexé du petit incident avec la faux. Mais quelle idée de me mettre une arme dans les mains !

Il se décida enfin à poser ses yeux d'encres sur moi et s'arrêta.

— À partir de cette porte, ne fais rien et ne dis rien. Je sais que tu n'aimes pas m'obéir, mais il y a des règles dans ce monde et si tu ne les respectes pas, je ne serais là pour te protéger ! clama-t-il.

Son ton franc et autoritaire contrastait avec le Djinn prétentieux et joueur que j'avais eu l'occasion de connaître. J'hochai timidement de la tête pour lui faire comprendre que j'acceptai son conseil. Pour une fois.

Il ouvrit une porte en fer épais marquée de symboles étranges avant d'avancer dans un couloir large et voûté dont les bougies créaient des ombres menaçantes derrière les immenses poutres.

— Tu peux t'agripper à moi si tu es effrayée, proposa sensuellement Iblis.

Et ma main dans sa figure, il la voulait ? Pour lui prouver que je n'avais rien à craindre, je m'avançais pour me tenir à ses côtés.

— Je préfère ça ! Je n'aime pas les demoiselles en détresse, susurra-t-il.

Iblis me dévisageait avec une fourberie qui lui allait parfaitement au teint. Je ne m'énervai pas cette fois. De sa bouche, c'était presque un compliment qui changeait de ses allusions perverses.

Le long couloir mena à une salle de réception. Les discussions allaient de bon train et résonnaient avec force dans la salle voûtée. J'observai les intervenants avec inquiétude. Dans un monde peuplé de monstres encore plus terrifiants que la mythologie terrienne, cette salle accueillait beaucoup d'humains. Je n'avais pas vu autant de gens de mon espèce depuis bien longtemps, et l'optique de les affronter était bien plus terrifiant que de devoir taper une jolie conversation avec une femme araignée !

Un homme fit son entrée sur une plateforme en hauteur. Les spectateurs se turent sous les directives d'êtres semblables à Iblis. Maxios avait fait son apparition à la suite de l'humain.

À mes côtés, Iblis m'attira par le col de mon haut pour que je me rapproche de lui. La haine dans ses yeux lorsqu'il regarda Maxios ne m'échappa pas.

Outre l'oubli de sa présentation comme si le monde entier le connaissait, il alla droit au but :

— Populace de la Terre, à partir d'aujourd'hui, vous aurez un mois complet pour découvrir Jindard. Cette période d'essai passée, vous aurez le choix de rester aux côtés de votre Djinn ou de retourner d'où vous venez.

Le silence régnait dans la salle. Seule sa voix faisait écho et figeait tout être vivant sous son autorité naturelle.

— Vous allez apprendre à vivre dans ce monde durant ce laps de temps, mais soyez vigilants à deux règles...

Pendant un instant, j'étais certaine que l'humain à ses côtés me fixait.

— Aucun meurtre ne sera toléré en dehors des jeux. Le châtiment sera la mort sans aucune exception. Tout acte de mutinerie contre votre Djinn sera sévèrement puni. Si vous gardez ces deux lois en tête, votre intégration sera aisée.

Je regardai à nouveau l'homme métissé qui se tenait à ses côtés. En effet, son regard me heurta de plein fouet. Il savait qui j'étais et ce que j'avais fait. Maxios disparut de son piédestal et l'humain à la peau chocolat le suivit.

L'assistance reprit ses activités. Les Djinns avaient l'air proches de leur humain. Ils se présentaient les uns aux autres comme des employeurs présenteraient leurs stagiaires à l'ancienne équipe. Je me frottai nerveusement l'avant-bras. Cette vision me donnait la nausée.

— Est-ce qu'on peut partir ? demandai-je à Iblis.

Contrairement à ce que j'aurais pu imaginer, il ne me demanda pas pourquoi, ou n'en tira pas avantage. Il hocha tranquillement la tête. Nous allions partir lorsqu'un mouvement de foule vers la sortie commença, et ce moment que je redoutais tant par la même occasion.

— Gabrielle Hex !

Des murmures agressifs prirent d'assaut la pièce. Une humaine d'origine caucasienne se faufila devant moi, suivit de son Djinn, d'une peau violette et aux longs cheveux noirs possédant quatre bras. Il ressemblait à un elfe des ténèbres avec ses oreilles pointues.

— Je me demande comment une garce de ton espèce a bien pu survivre jusqu'aujourd'hui ! cracha-t-elle.

Une décharge électrique chatouilla le bout de mes doigts. Mon pouvoir essayait de se manifester par la force en réaction à ma peur et ma colère.

Une demie seconde plus tard, Iblis attrapa le Djinn de cette femme par la gorge.

— Apprends à ton humaine à se contrôler ou je prendrais un malin plaisir à détruire tout ce que tu tiens dans la paume de ta main ! rugit-il.

Il envoya valser son concurrent qui s'écrasa lourdement contre le mur avec fracas.

— Pour les humains qui ne m'auraient pas reconnu, je me nomme Iblis. Apprenez à respecter mon gardien, Hel.

Iblis m'agrippa la main pour me montrer devant lui.

— Si cette situation venait à se reproduire, je me ferais un plaisir de vous apprendre les bonnes manières. J'espère avoir été clair, ajouta-t-il, plus calmement, mais tout aussi froidement.

Ma main tremblait, mais Iblis la tenait fermement pour empêcher l'audience de voir mon désarroi. Plus personne n'osa parler, comme si l'autorité d'Iblis était équivalente à celle de Maxios.

Satisfait de sa démonstration de pouvoir, il me tira vers la sortie.

Cette main que je tenais était aussi chaude que celle d'un humain lambda. Même si Iblis était un Djinn, un être malicieux et surnaturel, il était le premier à me tendre la main depuis longtemps. J'avais un mois pour essayer de le comprendre et décider dans quel monde j'allais rester.

Une fois à l'extérieur, son sourire taquin me fit l'effet d'une claque en plein visage.

— Pourquoi est-ce que tu m'as aidé ? tentai-je.

Il sembla réfléchir un moment avant de répondre :

— Si tu avais perdu le contrôle, tu les aurais tué et tu aurais été exécutée. Je n'ai pas fait tout ce chemin jusque sur Terre pour que tu ne meures aussi facilement.

Il prit mon menton entre ses doigts pour m'obliger à le fixer.

— Et c'était une bonne occasion de leur faire comprendre qui je suis.

Sa réplique me fit bien comprendre qu'il était puissant. Mais si elle avait pour but de me faire peur ou de me séduire, il était loin du compte. En le regardant droit dans les yeux, la seule question que je mourrais d'envie de lui demander était : pourquoi moi ?

OSTIUM - Jeu [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant