Prologue

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Est-ce que l'on est toujours considéré comme un justicier lorsqu'on sauve une vie, mais qu'on en prend deux en échange ?

Il venait de pleuvoir, et la ville entière était trempée. Les orages d'été étaient probablement les pires. Je marchais prudemment sur les tuiles du toit d'un immeuble: glisser maintenant aurait gâché tout mon plan. Malgré le faible éclairement de la rue, je percevais mon reflet dans la lucarne du grenier d'en face. Mes cheveux bruns et longs en constante bataille entre eux pour ne pas parler de mes yeux bruns et cernés... Alex, 20 ans physiquement, 60 ans en réalité. Par ailleurs un inconnu aurait pu penser que je n'avais pas fermé l'œil depuis au moins deux jours. En réalité ça faisait presque 40 ans que je n'avais pas dormi.Une douce brise froide vint caresser mon visage. J'aurais voulu que ce moment dure.

Les gens de mon espèce, les vampires, perdent presque toute leur humanité physique lors de la transformation. Seules nos veines sont encore actives, mais uniquement lorsque nous nous abreuvons de sang, qu'il soit humain ou animal.

J'observais la raison de ma venue dans cette partie de la ville plutôt inanimée pour un vendredi soir. Deux hommes sous un porche: un grand costaux et un plus petit. On se serait cru dans ces films où deux vilains opposés physiquement et mentalement mais qui ensemble, faisaient la paire. En l'occurrence, ces deux-là avaient l'air aussi méchant que futés. La ruelle où ils se trouvaient n'était pas éclairée. Ils savaient probablement exactement ce qu'ils attendaient et le lieu avait été choisi stratégiquement.

Cette pensée m'avait à peine traversé l'esprit qu'une femme tourna dans la rue. Leur réaction ne se fit pas attendre, ils reculèrent dans l'ombre pour qu'aucun œil indiscret ne puisse les apercevoir. Lorsque la femme passa devant eux, le plus grand sortit et d'une discrétion remarquable, il la suivit. Je ne pus m'empêcher d'admirer le professionnalisme de ces hommes. Une bouffée de dégout monta en moi lorsque je compris qu'ils n'en étaient pas à leur première fois.  Avant qu'elle n'atteigne le bout de la rue, il prit une accélération et lui colla brusquement un bout de tissu sur le nez. La femme étouffa un cri de surprise à peine audible, même pour moi avant de se ramollir et tomber à la merci des deux gangsters. Le second rejoint son acolyte et tant bien que mal, ils tentèrent de transporter le corps jusque vers une camionnette blanche stationnée au bout de la rue.

Je choisis ce moment-là pour faire mon entrée. Je me raclai la gorge assez fort pour que le son atteigne les oreilles de mes deux kidnappeurs. J'avais vu juste car, les deux s'arrêtèrent dans leur élan. Ils lâchèrent le corps tout en regardant autour d'eux, paniqués.

- Là-haut les gars, fis-je ironiquement.

Le grand m'aperçut en premier et donna un coup de coude à son collège tout en me désignant d'un signe de tête. Puis ils se regardèrent tous les deux d'un air entendu. Le petit dégaina du plus vite qu'il pût, un revolver et tira dans ma direction.

La balle me toucha à l'estomac. Je me pliais en deux la main sur le ventre, comme pris de convulsion. Puis je me lâchai du toit, tombant en chute libre. J'atterris lourdement au sol et je restai inerte, comme mort.

La balle n'avait fait que rebondir sur ma peau. Aussi je pouvais chuter d'aussi haut que je le souhaitais, le choc ne serait jamais assez puissant pour me briser ne serais-ce qu'un seul os. Je pris sur moi pour ne pas rire, mon jeu d'acteur était juste magnifique. 

J'entendis des pas se rapprocher de moi, puis on me tâta avec la crosse d'un revolver. On vérifiait que j'étais bien mort. Sautant sur l'occasion, j'attrapai l'arme et la jetai à l'autre bout de la rue. Sans laisser le temps à mon adversaire de répliquer, je repliai mes genoux sur mon corps pour ensuite les balancer dans l'estomac du grand gangster. Il tomba à la renverse, le souffle coupé. L'autre avait déjà eu le temps de dégainer son arme. Avant même qu'il ne s'en serve, je bondis sur lui, je lui pris le cou et le tordis violemment. Je sentis un craquement sous mes doigts et le corps de mon adversaire tomba, inerte. Et d'un pensai-je. Le grand reprenait à peine ses esprits. Lui sautant dessus, je lui écrasais la cage thoracique. Le visage rouge et le souffle coupé, il porta ses mains au cœur. Sans perdre de temps, je plantais mes crocs dans sa chair au niveau du cou et je bue. Je sentis le sang tiède couler dans ma bouche, puis se répandre doucement dans mon corps. Le liquide avait un gout sucré, ça le rendit meilleur. Mhhhh j'avais vraiment trop faim. J'aurais plutôt été tenté par la jolie demoiselle qu'ils avaient endormie mais les règles de mon clan m'interdisaient de m'en prendre à une personne innocente. Et oui, les vampires aussi, vivent en société. A la seule différence des humains, c'est que nous devions malheureusement nous cacher. Ayant vidé ma seconde victime de son sang, je revins sur mes pas finir mon repas. Ayant tué le premier quelques minutes avant, son corps s'était refroidi et son sang n'était plus aussi bon, mais je m'en contentai.

Minuit sonna. L'heure de ramener cendrillon chez elle. Je soulevai délicatement la jeune fille après avoir trouvé son adresse.

Elle avait par miracle laissé sa fenêtre ouverte et je la déposai sur son lit.

J'avais donné rendez-vous à Lawson à minuit vingt à la voiture. Il devait déjà m'attendre. Je quittais la pièce repu et heureux. La chasse était terminée.

Dark SideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant