Prologue 1996

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1996

Dans l'obscurité de la nuit, un groupe de cinq adolescents se déplaçait à travers une plaine où le gazon avait jauni par le manque d'entretien et où un ancien manoir se tenait à l'arrière, dans l'ombre des grands chênes.

On voyait l'ombre des arbres danser sur le sol rendant l'atmosphère encore plus inquiétante qu'à l'habitude. Il pleuvait des cordes et on pouvait apercevoir les éclairs zigzaguer à travers le ciel nuageux et sombre. Les jeunes se rapprochèrent de plus en plus de la maison et sentaient la peur les ronger et chatouiller leur échine. 

Soudainement, ils s'arrêtèrent devant le manoir et certains d'entre eux regrettaient déjà d'être venus ici à une heure si tardive. L'établissement était inhabité et en très mauvais état. Les fenêtres étaient barricadées, des morceaux du toit étaient détachés et on aurait dit que la porte d'entrée allait lâcher à tout moment. L'herbe n'avait pas été coupée depuis très longtemps et des débris jonchaient sur le béton.

Une des filles se décida enfin à pousser doucement la porte laissant des grincements stridents résonner entre les quatre murs du manoir. On entendait très bien les croassements des corbeaux qui s'envolaient du toit pour aller se percher dans les grands chênes. On aurait dit qu'ils observaient les adolescents et les avertissaient d'un danger imminent. 

L'aînée du groupe continua de pousser la porte et les flammes venant du fanal brisé, qu'elle tenait si fort que ses jointures blanchirent, crépitaient dans le hall d'entrée du vieux manoir de la famille Adams. Elle fit signe aux autres de se dépêcher et chacun leur tour, ils rentrèrent à l'intérieur en frissonnant et observant les alentours.

-Je pense pas que ce soit une bonne idée.

- Moi, non plus, renchérit son frère en tremblant de froid.

-Cinq minutes et on s'en va, dit une autre, promis. 

Ils s'engouffrèrent encore plus loin et l'écho du bruit de leurs pas faisait battre leur cœur encore plus rapidement. Ils étaient tous terrifiés, mais aucun n'osait l'avouer aux autres. Devant deux grandes portes massives en bois, les adolescents se fixèrent tous avant de se décider à y entrer.

-Tu penses vraiment qu'on va trouver le miroir ? demanda un des garçons.

-Honnêtement, dit l'aînée en haussant les épaules, je penserais pas.

Ils décidèrent de se séparer dans le grand salon pour trouver le miroir tant recherché auquel les légendes sur les Princes des Ténèbres étaient toutes rattachées.

-Je l'ai trouvé ! dit la brunette.

Elle souleva le drap blanc devenu gris avec le temps et toute la poussière se dispersa dans la pièce. En peu de temps, tous ses amis étaient autour d'elle à fixer le bout de verre dont tout le monde parlait. Le cadrage était légèrement défoncé et une grande ligne séparait la moitié de la surface. Il y avait des taches rouges séchées sur le plaqué arrière et des traces d'ongles et de mains imprégnées sur le verre sale.

-Vas-y, dit une fille à son copain, t'as insisté pour qu'on vienne ici. 

Ils se mirent tous à argumenter sur la personne qui allait appeler un Prince des Ténèbres et l'élu accepta finalement après quelques minutes.

Ce dernier se plaça juste devant le miroir en jetant des regards inquiets à ses compatriotes. Il avala difficilement sa salive et fixa son propre reflet dans le vieux miroir. Ses mains étaient moites et son cœur battait à un rythme irrégulier. Il passa nerveusement une main dans sa chevelure blonde en murmurant rapidement:

-Quelqu'un a un couteau ?

Sans prévenir, le plus jeune des garçons lui lança un couteau qui fouettait habilement l'air jusqu'au moment où le blondinet l'attrapa par le manche.

Hésitant, il jeta un dernier coup d'œil vers ses amis avant de s'entailler la main d'un geste sec. Les gouttelettes de sang s'écrasèrent contre le plancher et l'adolescent traça un X sur le miroir sale.

-Prince des Ténèbres, Prince des Ténèbres, Prince des Ténèbres. Je t'invoque ici, ce soir et en ce lieu pour revenir parmi les vivants.

Ils attendirent un moment, mais rien ne se passa. La blonde du groupe se mit à rire nerveusement pour détendre l'atmosphère jusqu'au moment où son visage se figea. Un mince filet de sang s'échappa d'entre ses lèvres rosées.

Du sang souilla soudainement son chandail et un liquide rougeâtre coula rapidement sur le plancher. Elle s'écroula à genoux, tremblante, puis tomba de tout son long dans son propre sang. Figé, tout le monde la regardait quand ils aperçurent une forme sombre derrière elle. La seule et unique lumière qu'ils possédaient pour ne pas être complètement seuls dans l'obscurité s'éteignit, les plongeant dans le noir total.

On entendit un hurlement à glacer le sang déchirer le silence qui régnait suivi de d'autres. Le blond ayant invoqué le démon resta là, paralysé par la peur, mais recula instinctivement quand une seule flamme se ralluma et qu'on n'apercevait que le sang sur le parquet.

Le sang de ses amis.

Le garçon aperçut leurs corps mutilés. Les yeux de sa copine étaient encore ouverts et ne reflétaient que de la terreur. Le garçon ne perdit pas de temps et se rua vers les grandes portes pour essayer de sortir d'ici vivant.

Essayer.

Parce que non, il ne s'en sortit pas, tout comme les autres.

Alors un conseil, ne négligez pas les légendes, même les plus sordides.

Un autre cri résonna dans le manoir, puis le calme habituel de la nuit revint.

Un silence anomal et terrifiant.

La nuit du 23 au 24 novembre 1996.

Princesse des Ténèbres [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant