28 octobre 2016

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La jeune fille tapota trois fois de l'index sur le microphone et soupira fortement par la bouche.

"Petit ange.", murmura-t-elle le visage enfoui dans le col de son manteau de laine. "Pardonne-moi. Je n'ai jamais été très douée pour les longs discours."

Elle s'éclaircit la voix d'une toux étranglée et, sentant l'assemblée la fixer intensément, releva la tête.

"Je vais commencer comme chacun l'a déjà fait avant moi, en évoquant au passé les souvenirs qu'il me reste de toi et en ajoutant que tu as été la personne la plus merveilleuse qu'il m'ait été donnée de connaître." Elle baissa les yeux vers ses notes, et dodelina de la tête en signe de désapprobation.

"Je vais commencer comme chacun l'a déjà fait avant moi, car ce serait honteux de ne pas rappeler au monde la personne fabuleuse que tu étais.", continua-t-elle en chiffonnant au creux de sa main le discours pré-mâché qu'elle s'était préparée. "Ce serait honteux que le monde ne sache pas à quel point tu étais formidable, attirant, beau et à quel point tu étais intelligent et doué dans tout ce que tu entreprenais. Et j'aimerais le crier au monde que t'étais le mien, j'aimerais le hurler que t'avais pas le droit de t'en aller comme ça, mais je n'en ai même plus la force depuis que tu n'es plus là."

Sur ces quelques mots, la voix de la jeune fille se brisa. Elle ferma alors les yeux quelques secondes et se mordit l'intérieur des joues pour contenir son chagrin.

"J'aimerais le hurler à la terre entière que tu n'avais pas le droit de me laisser comme ça.", reprit-elle, la voix chevrotante. "Que tu n'avais pas le droit de me laisser là, à ressasser notre histoire et à me demander où et quand j'ai merdé."

Elle renifla bruyamment.

"Tu aimais la vie mon ange, tu disais même que personne ne pourrait jamais t'empêcher d'être heureux.", enchaîna-t-elle au bord des larmes. "Et je pensais réellement que tu avais raison. Je pensais réellement que tu étais aussi heureux que tu le prétendais. Je veux dire, je n'avais jamais connu de garçon avec un sourire aussi rayonnant, je n'avais jamais vu autant d'étoiles briller dans les yeux de quelqu'un."

Elle fit une pause alors qu'une larme glissait silencieusement le long de sa joue droite.
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"Quelqu'un.", répéta-t-elle en secouant la tête. "Je trouve ce mot bien trop ordinaire pour te décrire."

Elle essuya du revers de la main la larme salée qui venait d'atteindre ses lèvres.
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"Et j'ai peur.", murmura-t-elle presque imperceptiblement. "J'ai peur, mon ange, que le temps fasse de nous des inconnus."
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La jeune fille fut alors animée de soubresauts silencieux, son corps ondula au rythme de ses hoquets saccadés, les larmes inondèrent rapidement ses yeux déjà rougis par la tristesse, puis elle éclata en sanglots. Elle éclata en sanglots comme une assiette se fracasserait sur le sol froid d'une cuisine. Soudainement et violemment. Alors elle se tenait là, entière mais brisée, complète mais éparpillée, et personne n'était plus là pour recoller les morceaux de son cœur abîmé.

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