Chapitre 22

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Les jours qui suivirent furent délicieux malgré le temps qui se dégradait. La pluie et sa froideur étaient au dehors tandis que les sentiments et la chaleur étaient au dedans, sous nos draps. Ce matin-là, elle avait encore les yeux fermés. Elle était belle, d'une beauté inconsciente et incroyable. Je contemplais son visage sans me rendre compte du temps qui filait. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, je fus pris la main dans le sac mais je ne pus détournais le regard, ses yeux étaient si beaux. Elle enfonça sa tête dans son oreiller, gênée par mon regard.

- Faut vraiment que t'arrêtes de regarder les gens comme ça.

- Je ne regarde pas les gens comme ça, je te regarde comme ça.

- Psychopathe, sourit-elle malgré elle.

Je supprimai le petit espace qui me séparait d'elle. Ses prunelles dans les miennes, rien ne pouvait faire plus mon bonheur. Nos bouches se retrouvèrent tandis que mes mains se baladèrent sur son corps encore nu alors que ses doigts glissèrent dans mes cheveux bruns avant de descendre dans ma nuque. 

Quand je ferme les yeux, c'est ces matins là que j'aimerais revoir à l'infini.

Jade touillait à l'aide de sa cuillère son café, retardant le moment où elle devra avaler le liquide que j'avais préparé. Elle avait encore la crinière ébouriffée. Elle avait eu du mal à sortir du lit, moi aussi. Ses iris fixaient le vide, elle semblait préoccupée. Puis elle finit par me regarder.

- Ken ? Je peux te demander quelque chose ?

- Hmh..

- Mais ne t'imagines rien.

J'hochai la tête, curieux de savoir ce qu'elle allait dire.

- Ma mère a un genre de copain et elle voudrait que je le rencontre ce samedi. C'est le premier homme avec qui elle sort depuis mon père. J'ai pas envie d'y aller seule et voilà ce que je me demandais : est-ce tu pourrais m'accompagner ?

- Oui.

- Mais ne t'imagines rien, répéta-t-elle.

J'étais d'accord avec elle. Il était trop tôt pour rencontrer sa famille de la façon dont elle pensait que je pourrais l'interpréter.

Ce fut alors que le samedi qui suivit, je me retrouvais dans une voiture grise avec Jade au volant. Anna lui avait prêté son véhicule. La rouquine n'en avait pas besoin le week-end puisqu'elle travaillait dans une maternelle en tant qu'enseignante la semaine. Jade me confia qu'elle n'avait pas conduit depuis un bon moment en calant à peine la voiture démarrée.

- Mais c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas, rajouta-t-elle pour me rassurer.

- Je ne pense pas que ce soit tout à fait la même chose, dis-je, peu convaincu.

Ignorant mes mots, elle nous fit quitter la rue avant de caler au stop qui suivit. On finit par sortir de la capitale. Sa mère avait déménagé à deux heures de notre ville après son divorce, désirant reprendre sa vie à partir de zéro dans un petit village. Loin de la vie parisienne agitée, ce village paraissait paisible. Jade gara la voiture dans la cour de la maison. Celle-ci était comme le village, simple mais belle. Je sortis du véhicule et ouvris le coffre tandis qu'un chien accourut vers la châtaigne qui s'accroupit pour le caresser. Je pris nos petits bagages et me dirigeai vers l'entrée de la maison avec Jade. Elle asséna deux coup contre la porte d'entrée qui s'ouvrit peu de temps après. Je découvris le sourire de la mère de Jade en découvrant sa fille. Elle ne put s'empêcher de serrer celle-ci dans ses bras. Elle devait lui manquer, cela faisait longtemps que Jade n'avait pas rendu visite à sa mère. Lorsqu'elle mit fin à leur étreinte, ses yeux bleus se posèrent sur moi.

- Maman, voici Ken, me présenta-t-elle. Un ami.

Elle me fit la bise après m'avoir sermonner de l'avoir appelé "madame". Caroline, donc, nous fit entrer. Jade me conduisit à l'étage. Elle posa son sac sur le lit de sa chambre si vite que je n'eus le temps de regarder attentivement les murs remplient de posters et de photos de la pièce. Elle m'ouvrit ensuite la porte sur la chambre d'ami que j'occuperais cette nuit. Elle était plongée dans le noir et Jade ouvrit les volets. La lumière naturelle vint éclairer ses quatre murs gris clair et le lit et le bureau qu'ils contenaient. Je posais à mon tour mon bagage sur le matelas.

Quand nous redescendîmes, le bruit d'un moteur se fit entendre dehors. Caroline sourit alors de toutes ses dents, impatiente de présenter son Jules. La porte s'ouvrit et un homme aux cheveux blonds pénétra dans la maison. Il donna un petit baiser à Caroline avant de regarder la fille de celle-ci. Des ridules vinrent entourées ses yeux gris quand un sourire vint se placer sur ses lèvres et surprenant la châtaigne, il la serra contre lui. Jade n'était très tactile avec les inconnus et mit un temps avant d'à son tour, l'entourer fébrilement de ses bras. Après cette brève accolade, Caroline fit les présentations.

- Frank, je te présente ma fille, Jade et Ken, son ami. Ils viennent tout juste d'arriver.

Frank me donna alors une poignée de main. Il avait l'air très gentil et d'être un bon-vivant. Le soir-même, je pus observer la complicité du couple pendant qu'ils préparaient le dîner quand je passai devant la cuisine. Je rejoignis Jade dans le salon qui se réchauffait près du feu de cheminée. L'écran de télévision était allumé mais elle avait l'air absorbée par ses pensées. Je m'assis près d'elle sur le canapé en cuir marron.

- Est-ce que ça va ?

Elle hocha le chef tout en continuant de fixer l'écran. Elle posa sa tête sur mon épaule. Elle n'avait rien dit, mis à part des banalités, depuis notre arrivée. Le repas fut prêt une trentaine de minutes plus tard. Jade se fit moins timide et posa quelques questions à Frank.

- Vous avez quel âge au juste ?

Caroline lui fit de gros yeux. Ce n'était pas une question convenable selon elle.

- 54 ans et tu peux me tutoyer, tu sais.

- Tu as déjà été marié ? demanda-t-elle dans la foulée. Il hocha doucement la tête. Pourquoi ça s'est terminé ?

- Jade !

- Non, c'est bon, s'adressa-t-il à Caroline. Elle est décédée d'un cancer, répondit-il à Jade. Et nous avions eu une merveilleuse fille, elle a quelques années de plus que toi.

Jade se tut et n'osa plus rien dire alors elle ne fit qu'opiner de la tête. Le reste du dîner se déroula sans encombre et la mère de la châtaigne s'intéressa à moi.

Alors que Jade faisait avec sa mère la vaisselle, j'allai les aider et me dirigeai donc vers la cuisine. Je me stoppais dans le couloir en entendant leur conversation.

- Je suis désolée pour tout à l'heure. J'étais juste curieuse de savoir avec qui tu refaisais ta vie.

- Ce n'est rien Jade et c'est normal. Et je ne refais pas ma vie mais je la poursuis, nuança-t-elle. Simon m'a dit pour David.

- Ouais, ce n'était juste pas le bon.

- Il n'avait pas conscience du trésor qu'il possédait. En revanche, ce garçon a l'air de bien t'aimer.

- Maman...

- Quoi ? Tu aurais dû voir comment ses yeux brillaient quand il me racontait la façon dont il t'a rencontré.

Il eut un petit blanc.

- Tu vas lui dire ?

- Non, dit Jade précipitamment. Du moins, pas tout de suite.

- Tu devrais être honnête avec lui. Ne brise pas le cœur de ce beau garçon.

- Et le mien alors ? Tu penses comme Christine... J'ai eu vingt-deux ans la semaine dernière. Je ne m'en donnais pas tant.

- Ma chérie...

La voix de Caroline se brisa, elle reprit un instant plus tard.

- Tout ça ne dois pas t'empêcher d'être heureuse.

Désastreux AmoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant