Chapitre 23

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Il m'était impossible de trouver les bras de Morphée cette nuit là. Je pensais à cette bribe de discussion et à la question qui venait derrière. J'avais peur de la réponse. Putain, j'étais terrifié que l'écho soit positif. Je passai de longues heures dans mon lit à cauchemarder du pire. Mon imagination fut interrompu par le vibreur de mon téléphone contre la table de chevet. Je tendis le bras et le saisis. Je plissai les yeux à cause de la forte luminosité de l'écran. Je découvris un message de Jade.

"Je n'arrive pas à dormir."

"Moi non plus."

"Tu peux venir ?"

Sans répondre, je fis basculer la couette qui tenait mon corps au chaud et me levai. A l'aide de la lumière de mon cellulaire, je traversai le couloir en faisant attention à ne pas faire le moindre bruit. J'appuyai doucement sur la poignet de sa porte avant de la pousser et de la refermer derrière moi. Jade était assise dans la pénombre sous ses couvertures et ses yeux étaient imbibés de fatigue. Je m'avançai vers le lit où elle me fit une place. Je m'allongeai près d'elle qui posa sa tête sur mon buste. Je l'entourai d'un bras.

- Merci, chuchota-t-elle.

- Pourquoi tu n'arrives pas à dormir ? lui demandais-je.

Elle leva le chef vers moi avant de me répondre :

- C'est bizarre de voir un autre homme à la place de mon père.

- C'est bien qu'elle passe à autre chose, non ?

- Oui mais s'il était comme lui ? Je ne voudrais pas qu'elle revive d'une certaine manière ce qui lui a fait du mal dans le passé.

- Frank a vraiment l'air d'aimer ta mère et il est très gentil, la rassurai-je.

- T'as raison, je me fais probablement des films, dit-elle. Et toi ?

- Quoi moi ?

- Pourquoi tu n'arrivais pas à dormir ? me retourna-t-elle la question.

Devrais-je lui dire la raison de mon insomnie ? Devrais-je lui dire que j'avais écouté la discussion qu'elle a tenu avec sa mère ? Devrais-je lui poser la question qui ne quitte pas mon esprit depuis plusieurs heures ?

- Je pensais à un truc, floutais-je la vérité.

- Et tu pensais à quoi ?

J'avais attisé par erreur sa curiosité.

- C'est sans importance.

- Ken, dis-moi, insista-t-elle.

- Hmh, j'me demandais...

Je laissai quelques secondes ma phrase en suspens avant de reprendre.

- J'me demandais si tu voudrais venir me voir à la fin du mois, improvisai-je.

- Te voir sur scènes ?

- Oui.

- J'ai hâte alors, dit-elle en repositionnant sa tête correctement sur mon torse.

Au petit matin, j'ouvris les yeux difficilement. La place à côté de moi était vide, Jade était déjà debout. Mes iris se baladèrent sur les murs de sa chambre d'adolescente. Les posters des groupes qu'elle adulait plus jeune tapissaient une grande partie de ses murs. L'espace au dessus de son bureau était comblé par une tonne de photos. Ma curiosité me donna la force de me lever et je me dirigeai vers ce coin là de la pièce. Je souris en voyant tous ces clichés d'elle avec ses proches accumulés au cours du temps. Mon regard tomba sur celui qui devait sans doute être le plus vieux. Dessus, elle était assise sur le sable d'une plage. Un sourire très fière planait sur sa petite bouille. La fillette se tenait près d'un homme dont seuls la tête, les mains et les pieds étaient visibles. Le reste de son corps était enseveli sous le sable. À ses yeux, les mêmes que Jade, je reconnus son père. Ils avaient l'air heureux et lui, semblait être un bon père. C'est peut-être pour cela que Jade doutait de la gentillesse de Frank. Elle se méfiait car elle savait par expérience qu'un sourire pouvait masquer un tout autre personnage. Je me demandais cependant pourquoi elle avait épinglé une photo d'elle avec un homme qu'elle détestait sur un bout de mur consacré à ceux qu'elle aimait. La porte de la chambre qui s'ouvrit me fit me retourner. Les iris de Jade me trouvèrent et elle s'approcha tout près de moi.

- J'ignorais que t'écoutais du rock quand t'étais jeune, dis-je en enroulant mes bras autour de sa taille. Par réflexe, elle posa ses mains à plat sur mon torse recouvert d'un t-shirt.

- Ewi et tu verrais la chambre de mon frère, tu l'adorerais. C'est un genre de temple du rap.

- Ah ouais ?

- Ouais mais il n'aime que le rap des ninety's.

- Je peux te filer une deuxième place pour qu'il change d'avis. En plus, nos concerts sont plutôt agités, c'est mieux si quelqu'un te protège.

- Faut que je sache s'il est libre ce soir là et juste pour info, je ne suis pas en sucre.

Elle se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre mes lèvres et me donner un doux baiser.

- Pourtant t'as un petit goût de fraise, constatais-je.

Elle rit en me disant qu'il fallait absolument que je goûte la confiture maison que faisait sa mère. Elle me prit la main et me tira hors de sa chambre pour prendre mon petit déjeuner.

Nous dîmes au-revoir à nos hôtes dans l'après-midi et prîmes la route du retour vers la capitale. Je n'avais pas osé lui avouer ce que j'avais pu entendre. Mon esprit était bien trop embrumé et je savais que seule elle pouvait balayer mes interrogations. Seulement, j'avais la trouille que mes pensées soient réelles.

Désastreux AmoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant