Chapitre 39

1.5K 117 49
                                    

La nuit sortait de l'obscurité de sa tombe qu'elle avait rejoint au petit matin. Le terrain derrière la maison était vaste. Un fragment de rivière passait au bout du jardin. Les échos de la fête n'était que des bruits de fond d'ici. J'entendis de petits pas venir jusqu'à moi et je vis une petite silhouette s'asseoir à côté de moi sur le banc. C'était le petit garçon de la fille de Frank. Ses pieds ne touchaient pas le sol et il s'amusait à les balancer d'avant en arrière. Ses petits yeux me détaillèrent à l'instar de Jade lors de notre rencontre.

– Tu sais que c'est mal de fumer ? me fit-il en regardant la cigarette entre mon indexe et mon majeur.
– Ça fait mille ans que je me dis qu'il faut que j'arrête...

Ses prunelles s'arrondirent.

– Mille ans !? Ton amoureuse sait que t'es un vampire ?

Je ne pus m'empêcher d'émettre un rire.

– Au fait, elle te cherche. Elle s'ennuie toute seule à la table. Elle t'attend pour danser askip.
– T'as quel âge bonhomme ? demandai-je en l'entendant parler comme un adolescent.
– Sept ans et vingt-trois jours, et j'm'appelle pas bonhomme moi, j'm'appelle Jimmy moi.

Je souris, il était attendrissant comme gamin.

– Tu veux faire quoi quand tu seras grand ?
– Je suis déjà grand, tu sais.
Bin, tu fais quoi ?
– Je suis rappeur.
– C'est quoi ça ?
– C'est comme chanter mais en plus rapide.
– Ça a l'air cool. J'voulais faire astronautes depuis mardi, moi, mais rappeur à l'air mille fois mieux.

Je souris. À cet âge, chaque jour, mes rêves changeaient selon mes envies et non comme aujourd'hui, par dépit. Je voulus tirer une taffe mais quelqu'un m'interrompit et me l'a pris des doigts. Je levai les yeux et vis le visage de Jade au dessus du mien. Elle lança un petit regard à Jimmy.

– Le gâteau vient d'être servit, lui fit-elle.
– Il est au chocolat ?

Elle hocha lentement la tête de haut en bas avec un joli rictus. Le gosse s'empressa de sauter du banc et de traverser le grand jardin à toute allure sur ses petites jambes. Jade prit sa place, à mes côtés. Elle portait du bout des doigts ses escarpins qu'elle posa à terre et ses pieds nus embrassaient l'herbe. Elle mit la tige entre ses lèvres et en la retirant, de la fumer s'échappa de ses lèvres.

– Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée que tu te mettes à fumer.
– J'ai pas dû griller plus de trois cigarettes dans ma vie, c'est pas ça qui va me tuer, crois-moi, dit-elle avant de rapporter la tige à ses lèvres.

Elle posa sa tête sur mon épaule, fixant le reflet de la Lune à la surface de la rivière.

Durant la cérémonie, ses doigts s'étaient mêlés aux miens lors de l'échange des alliances. J'avais aussitôt posé mon regard sur cette connexion sans pouvoir me départir du sourire que cela avait créé. Ses si beaux yeux pétillaient. J'avais cru qu'elle allait verser quelques larmes mais elle avait vite refermer ses émotions dans son coffre-fort. Malgré ses nerfs, elle était heureuse de voir sa mère heureuse. Mais il devait être difficile pour elle de voir un autre à la place de son père et cela, j'avais tant de mal à le comprendre.

– Je suis la première alors ?

Mes prunelles descendirent vers elle. Je n'osais pas reprendre la discussion de ce matin. Elle reprit alors.

– J'trouve ça mignon même si c'est très étonnant que tu n'es jamais succombé à une autre, avant moi.
– J'ai succombé à des tas de filles mais pas à ce point.
– Combien ?
– Jade...
– Bah, c'est pas juste, toi, tu connais tous mes ex et-
– J'connais juste David.
– T'oublie Charles, souffla-t-elle.

Je me redressais tout d'un coup, suppris.

– Je pensais que c'était ton meilleur ami.
– Je suis sortie avec lui quand on était au collège. Ça n'a pas duré bien longtemps.
– Sacha m'avait dit que votre amitié s'était façonnée d'une autre façon que du reste de la bande mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit sur l'oreiller qu'il a gagné toute ta confiance et ton amitié.
– Elle parle vraiment trop, murmura-t-elle pour elle même. Et au passage, ce n'a jamais été plus qu'une simple amourette. Ne vas t'imaginer des trucs de ce genre, commença-t-elle à s'énerver. Il a été là pour moi quand mon père a été effacé de nos vies. Mais tu sais bien qu'il ne l'est plus. Il est présent pour Sophia dorénavant.
– Tu es jalouse d'elle ?
– Non ! Je m'en fiche de qui il peut bien se taper. Seulement elle, je peux juste pas.
– Et pourquoi ?
– C'est le mariage de ma mère. J'ai tout sauf envie de parler de cette sombre salope.
– C'est dingue ça, secouais-je la tête, un sourire mauvais sur les lèvres.
– Quoi ?
– Il n'y a jamais de bon moment pour te parler.

Elle pencha la tête en arrière, regardant le plafond étoilé, avant de secouer la tête de la droite vers la gauche, un sourire mauvais sur ses lèvres.

– Et toi ? C'est vrai quoi, tu me demandes sans cesse qui j'ai bien pu être mais toi alors... Toi, tu ne m'as jamais parlé des autres. De celles que, aparemment, tu n'as pas aimé, me dit-elle avec mépris tandis que son regard électrique s'était posé sur moi. Notre relation est peut-être basé sur des non-dits mais il avait bien une chose que je ne t'avais pas caché tout du long.

Et elle s'était levée pour se rediriger vers la musique, me laissant seul comme un con, dans le mauvais sens du terme, sur ce banc. La dernière phrase qu'elle avait articulé résonnait dans ma tête comme un malheureux dénouement.

Désastreux AmoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant