Chapitre II (suite)

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[Vidéo à mettre en même temps que vous lisez le texte]


Si cette soirée s'annonçait lugubre et remplie d'hypocrites, elle a en réalité changée le cours de ma vie. Comment vivre de la même façon, maintenant qu'un Dieu est venu me barrer le passage ? Mais rien n'est plus instable qu'en cette seconde : mon but ultime, apogée de mes intentions, seraient de pouvoir me marier avec Edward, mais comment convaincre mes parents ? Et puis, finalement, qui suis-je pour décider si jeune de ce que je veux faire de ma vie, et m'opposer à leur volonté ?

Puis, d'un certain côté, je ne les contredit pas vraiment, je leur propose juste une autre solution, un autre parti, un autre époux ! J'aurais suffisamment le temps de voir demain (je m'attends à ce que mère m'assaille de question dès mon lever), pour le moment, les festivités ne sont pas encore finies !

Edward est partit par un autre chemin, afin que nous n'entrions pas au même endroit, car je ne voudrais pas que père et mère apprennent ce qui viens de se passer autrement que par ma bouche.

J'entre par une baie vitrée dans la salle de bal, toute drapée de tapisseries anciennes, où valsent de nombreux couples, et où les lustres projettent une lumière vive dans toute la pièce, ce qui m'agressent après l'obscurité reposante du jardin. Soudain, je vois un de mes prétendants qui s'avancent vers moi : il s'agit de celui qui ressemble à un fermier texan (c'est vrai que c'est déstabilisant, cette ressemblance !). Je ne peux pas décemment fuir, donc je me résigne à accepter de danser avec lui.

«M'accorderiez-vous cette danse, Miss Bulkeley ?, susurre-t-il à mon intention.

-Avec grand plaisir !», répondis-je avec un faux sourire.

Et je me fis écraser les pieds pendant toute une danse. Si je pouvais éviter de me marier avec lui, ce serait merveilleux ! Alors qu'il s'incline respectueusement à la fin de cette interminable danse, j'aperçois le pasteur qui s'occupe de notre commune, et je m'avance pour lui présenter, puisqu'il s'agit d' une personnalité incontournable et d'un grand homme, et que le favori de ma mère ne connaît pas, puisqu'il est d'une autre région :

«Mais vous ne connaissez Mr Egerton : c'est notre pasteur, et une grande âme !»

Mr Egerton s'incline devant le jeune homme et commence à lui parler de la région, des endroits à voir, des promenades à faire, et enchaîne sur la construction de notre manoir, et en vient enfin à la décoration et de l'aménagement de cette salle, et alors qu'il montre de la main les moulures sur le haut des murs, mon prétendant me lance un regard de haine incommensurable.

Ça ne dure qu'une fraction de secondes, mais j'en ai les os glacés et le sang froid. Ce sont des yeux froids et emplis de rage et de honte à la fois qui se sont posés sur moi; ces pupilles étaient rétrécies comme celles d'un aigle qui va attaquer sa proie, et pleines d'un dégoût immonde. Il se serait jeté sur moi pour me mordre ou me gifler au sang que je n'aurait pas été surprise; jamais on n'aurait idée de regarder un être comme cela. Je sens que je tremble de peur et que tous mes muscles sont tendus à leurs maximums, mon cœur cogne contre ma tête et je sens les pulsations de mon sang dans mes poignets. J'ai du mal voir, ce n'est pas possible, c'est un effet d'optique !

Je ne comprends pas pourquoi, pourquoi ce regard ? Qu'ai-je fait ? C'est plutôt moi qui devrais le regarder comme ça : il vient de me faire subir un véritable supplice en dansant avec lui, et surtout en tentant de se lier à moi pour la vie entière, alors que je ne le connais que depuis ce soir, à peine quelques heures ! Quel impertinent !

Une vie déjà tracéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant