Chapitre II (suite)

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Quelques minutes se sont écoulées, et maintenant le gros des invités est parti, une poignée de personnes s'attardent à discuter dans le hall avec ma mère, mon père se tenant bien droit derrière. Je file discrètement dans ma chambre par un chemin dérobé, et m'affale dans un fauteuil en jetant mes chaussures d'un coup de pied. Ici, je me sens un peu mieux, et de revoir ma chambre après cette soirée mouvementée me détends.  Je commence à tenter d'enlever ma robe. Alors que je suis entrain de batailler avec mon corset, Mary toque doucement à la porte en un bruit qui ressemble plus à un grattement et entre tranquillement, en traînant les pieds comme une vieille femme épuisée. Je sens qu'elle est fière de moi et aussi un peu émue, puisque je vais bientôt me marier, enfin du moins je le suppose, et que c'est ce qu'elle a toujours voulu pour moi. La robe enlevée, elle enlève délicatement mon maquillage, passant un linge humide sur mon visage, ce qui me fait soupirer d'aise. Alors qu'elle fait couler de l'eau dans la baignoire, dans la salle de bain à côté, je prends la parole, parce que c'est que j'ai de mieux à faire et que l'on connaît Mary pour tout savoir, sur toute chose et toute personne :

"Mary, que savez-vous à propos de Mr Devereux ? J'imagine que vous savez que c'est un des deux partis que mère souhaiterai que j'épouse ? C'est tout à fait normal, donc, que je tente d'en connaître plus à son propos, n'est-ce pas ?"

Sa voix me parvient difficilement de la salle de bain, noyée dans le bruit de l'eau chaude qui coule, et des portes de placards qui claquent quand elle prend des serviettes ou des crèmes.

"Je ne connais pas autant que vous ne le pensez, vous savez, mais c'est que beaucoup de choses se racontent par ici sur ce monsieur, malgré son jeune âge !, elle hausse la voix et me lance : Il paraît que c'était un petit garçon sournois et mal élevé, qui ne faisait que de vilaines bêtises et des farces à ses gouvernantes, qui ne se tenait jamais tranquille; si bien que jusqu'à quatre femmes différentes se sont succédées pour lui apprendre la grammaire, en une seule année !"   

Je l'entends qui déchire le papier autour du flacon d'huile de bain aux fleurs que mère m'a offert il y a quelques jours, et je l'imagine versant quelques gouttes dans la baignoire remplie d'eau brûlante.

"Je me permets de parfumer le bain, mademoiselle ! Sinon, pour continuer à propos de Mr Devereux, il fût encore pire durant l'adolescence : arrogant, prétentieux, mais bon à rien et toujours mesquin avec les domestiques ! Ses notes au collège où il a passé 3 ans en internat étaient justes bonnes, il restait seulement parce que ces parents avaient (et ont encore) le bras long ! Il aurait même jeté son encrier à un professeur qui l'avait collé pour la seconde fois ! Je n'aurais pas aimé être à sa place, oh que non, dur métier que celui d'instituteur ! Et enfin, d'environ cette période à il n'y a pas encore longtemps, c'était un des pires coureurs de jupons de sa région ! Puis, il se serait ressaisit, aurait travailler quelques temps comme comptable dans un chantier naval de Plymouth, et maintenant, il me semble qu'il est assistant d'un négociants en papier, apparemment c'est ça qui lui plaît le plus. Mais certaines rumeurs courent encore qu'il aurait une aventure avec une femme mariée. Qui ? Je ne sais pas."

Elle est maintenant à côté de moi, appuyée au chambranle de la porte, s'essuyant les mains sur sa robe de flanelle sombre. Une délicieuse odeur de lavande française monte de la salle de bain ouverte et la chaleur de la vapeur commencer à me titiller, je meurs d'envie d'aller me glisser dans l'eau fumante, pour réfléchir calmement à tout ce que m'a dit Mary : c'est assez inquiétant, même si je suppose que, tout comme le reste des ragots en général, ces rumeurs restent des racontars infondés ! Mais tout de même, c'est difficile d'apprécier Mr Devereux, surtout que son physique ne l'avantage pas vraiment !

Je me lève en étirant mes bras et remercie Mary pour les ragots, en lui disant qu'elle peut me laisser. Dès qu'elle a refermé la porte, je jette précipitamment mes quelques vêtements restant au sol tout en trottinant de façon bancale jusqu'à la baignoire, et me glisse dedans en soupirant de plaisir, comme il serait inconvenant de faire dans une autre situation. L'huile mêlée à l'eau brûlante m'apaise quasiment instantanément, et je repasse dans ma tête tout les événements de la soirée, essayant de prendre un point de vue objectif. Quelques dizaines de minutes plus tard, mes pensées sont comme toujours revenues au voyage, à l'Aventure (si je puis me permettre de l'écrire avec un a majuscule !), mais cette fois, je ne la conçois pas sans Edward; et quand mais rêveries à son propos s'arrêtent enfin, l'eau du bain est juste tiède.

Enveloppée dans une serviette, je reviens dans ma chambre, et enfile une chemise de nuit légère, je n'aime pas dormir avec un vêtements trop rigide et encombrant, c'est plutôt normal. En me laissant tomber sur le lit, je ferme les yeux et soupire : cette journée est finie. Qui sait ce que réserve l'avenir ? Mais en tout cas, je suis loin de ces préoccupations, et je vais m'accorder quelques heures de repos, avant que la course effrénée de ma vie ne reprenne... pour encore très longtemps. Au moins je ne suis plus seule !...


Une vie déjà tracéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant