Chapitre IV

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Je vais directement passer au soir de notre rencontre, de notre premier rendez-vous, cher journal, car rien d'autre n'a bien d'importance avant :

7 mai 1892

Je tiens la lettre d'Edward dans mes mains, elle n'est pas longue mais pourtant elle a déversé une grande vague de sentiments en moi;

"Chère chère Aradia,

Si tu savais comme je brûle de te sentir de nouveau contre moi !

Est-ce que je viens vraiment d'écrire ça ? Je ne l'aurais jamais fait , il y a quelques jours, j'étais bien trop timide, mais j'ai l'impression que tu as ouvert une brèche en moi, en bien, évidemment. Je ne suis pas très doué pour m'exprimer sur le papier, alors je vais abréger ce massacre : en réponse à tes questions, je te proposes que nous nous voyions le 7 mai, à l'heure où je t'écrit, nous sommes le 6. Ton point de rendez-vous est idéal, je suis tout à fait d'accord ! Disons, vers minuit, cela te va ? Je t'attendrai en tout cas là-bas, à cette heure-là !

Ton Edward qui te bénit."

Et il dit qu'il n'écrit pas bien... Peut-il seulement imaginer combien ses mots me font du bien ? Il est environ 15 heures, et je décide de dormir le plus possible afin de tenir cette nuit, et surtout de ne pas avoir l'air épuisée demain ! Je descends sereinement les grands escaliers, après avoir soigneusement rangé la lettre d'Edward, un chapeau à la main, et m'installe dans le jardin ensoleillé, où mère et père lisent dans des fauteuils d'osier, des boissons à portée de leurs mains sur une petite table. Il fait si bon, je n'ai plus qu'à prier pour que cela dure, ici on ne sait jamais, le temps change si vite ! Mais peu importe, je ne suis pas facile à déprimer, aujourd'hui ! J'ai tellement hâte de voir Edward, il me semble une éternité que nous ne sommes pas vus, j'ai l'impression d'être comme une héroïne de mythologie grecque qui attend son amant pendant des années avant de le voir !

Je visse mon chapeau sur ma tête, et je m'allonge dans l'herbe fraîche, encore moelleuse des pluies passées récemment, et les bruits alentours me bercent rapidement. Je demeure ainsi, dans une semi-léthargie, pendant bien deux ou trois heures, et je ne suis réveillée que par la lumière qui baisse et le froid qui s'installe.

Il est 17h45. Je rentre dans le manoir, imaginant qu'il doit bientôt être l'heure de dîner. je trouve en effet la salle à manger illuminée par de nombreux chandeliers, et ma famille qui s'installe tout juste.

"Tu t'es enfin réveillée, ma chérie ? Nous avons faillit le faire, mais finalement, ton père a jugé que tu te devais bien une petite sieste ! Sinon, je comptais profiter de se repas tous ensemble pour que nous fassions le point sur ton mariage, je tiens à ce que tout ça soit clair et parfaitement mené à bout !, ajoute-elle avec un sourire doux mais déterminé.

-Bien sûr, avec plaisir !", lui répondis-je en détournant les yeux, sentant le rythme de mon cœur accélérer.

Les entrées et les plats défilent, la conversation aussi : mère est assez préoccupée par le retour prochain de mes frères et sœurs, et c'est vrai  que moi aussi : comment réussir à voir Edward en toute discrétion avec cinq autres têtes fouineuses dans le manoir ?

Et finalement, le sujet tant redouté fut abordé, les coupelles remplies de glaces au muffin presque finies, l'odeur du café venant de la cuisine :

"Bien, ma chérie, commence mère en essuyant sa bouche avec une serviette, je ne vais pas prendre de chemins détournés : il y a-t-il un homme qui te plaît et avec qui tu voudrais te marier ? Dans ceux qui était là pour ça, bien sûr ! Mais si tu connais une personne qui n'est pas venue au bal et qui est correcte (et d'accord !), pas de soucis, nous ne voulons que du bonheur à notre petite fille chérie !"

Une vie déjà tracéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant