Chapitre 3

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Cinq semaines plus tard :

— Encore !

Emma appliqua le fond de teint en tapotant sur le visage de la mannequin.

— Plus !

Elle tapota plus vite sur sa figure, en essayant de cacher ses traits fatigués de la veille. Elle avait la gueule de bois. La folie de sa soirée arrosée était affichée sur son teint pourtant bronzé.

— Vous voulez un verre d'eau ? Proposa-t-elle poliment.

— Ce que je veux, c'est que tu me caches mes cernes, espèce d'empotée ! Donne-moi ça !

Elle lui avait arraché des mains la poudre pour se l'appliquer elle-même.

Emma ravala une traînée de jurons et prit le fer à lissé.

— Ça se voit que tu es stagiaire ! Regarde-moi ça !

La mannequin était au bord de la crise de panique, mais Emma préféra ignorer son ton hautain et s'occupa silencieusement de ses cheveux. Elle laissait la chaleur du fer à lissé absorber son corps. Au premier toucher, Emma trouva que la texture de ses cheveux était rêche et très abîmée.

— Je fais des boucles ? Demanda-t-elle en regardant son reflet dans le miroir.

Elle poussa un râle rauque pour exprimer son agacement.

— Bon sang, mais qui m'a collé une gourde pareille ! Bien sûr que tu les boucles !

Emma s'activa à lui faire des boucles, elle avait envie de lui brûler les cheveux....mais s'ordonna de reprendre une attitude professionnelle. Quand elle avait accepté de faire ce stage Emma n'avait pas prévu que l'insémination fonctionne si vite. Maintenant, son ventre avait grossi, quinze semaines venaient de s'écouler et elle prenait conscience qu'elle était vraiment enceinte. Un sourire se dessina sur ses lèvres fermées, le sourire d'une jeune femme comblée. Son rêve prenait chaque jour un peu plus, forme en elle et rien qui puisse se passer autour d'elle ne pouvait lui retirer ce bonheur.

— Aller ! Aller ! Tous à vos places !

La voix aiguë du photographe l'arracha à sa torpeur délicieuse. Emma termina la dernière boucle avant que l'actrice principale de ce shooting se lève d'un bon.

— Bon sang Sharon, tu es aussi cernée que mon grand-père ! Lança le photographe en la suivant du regard quand elle passa devant lui.

Emma retint un rire en se raclant la gorge et se retourna pour que son sourire ne soit pas perceptible.

Azzario exhala un soupir quand les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur lui, et avant même qu'elles ne s'ouvrent complètement, il les passa d'un pas vif et déterminé. Il détestait ce genre d'endroit, l'odeur de parfum et de produits de beauté lui était quasiment insupportable. Pour masquer son énervement, Azzario resta impassible et marcha plus lentement vers la musique assourdissante.

Azzario sortait d'une dépression longue et éprouvante qui avait duré une année entière, qui avait bien failli le conduire au suicide. Il était parvenu à s'en arracher uniquement en se concentrant sur son travail, sur la dynastie de sa famille. Au cours des longs mois qui avaient suivi cette dépression, Azzario avait dressé un rempart qui l'isolait de ses propres émotions. Il avait conscience d'être parfois inhumain...

Il ouvrit la porte et se glissa sur le côté, les mains dans les poches. La séance photo semblait s'éterniser à son plus grand désarroi. Il se retint de l'interrompre et observa Sharon d'un œil avisé. À cet instant, il se demandait pourquoi il l'avait prise comme maîtresse. Sans doute pour combler l'ennui au lit qu'il avait ressenti pendant des mois, sauf qu'il se rendait à présent compte qu'il avait été trop rapide. Même s'il s'agissait d'une courte idylle, il n'était pas prêt...plus du tout prêt à faire rentrer une femme dans sa vie, dans son intimité. Même en jouant l'indifférence, Azzario voyait en cette femme le soulèvement de souvenirs trop douloureux. Elle ressemblait à toutes les autres, sournoise, hautaine, sûre d'elle, issue à la mondanité et il devait malheureusement y faire face tous les jours.

Pour masquer son énervement, Azzario détourna la tête et ferma brièvement les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, Azzario s'arrêta sur une frêle silhouette au loin. Il plissa les yeux et son sang se mit à couler plus vite dans ses veines...pas de doute, Azzario avait devant lui la petite Anglaise qui quelques semaines de cela s'était introduite dans sa propriété. Il l'aurait reconnu entre mille ! Son teint diaphane ne passait pas inaperçu, sa silhouette gracile et ses yeux bleus étaient impossibles à éviter. Ses cheveux noirs étaient cette fois-ci détachés, son visage était dégagé par un peigne en papillon, l'ondulation de ses cheveux descendait en cascade sur sa poitrine laissant entrevoir quelques reflets roux.

Jamais il n'aurait cru revoir cette jeune femme...

Mais le fait de la voir ici lui retirer tout soupçon qu'il avait eu à son égard. En effet, elle n'avait rien avoir avec le profil d'une journaliste. Ses yeux bleus reflétaient la panique comme une biche prise dans les griffes d'un chasseur, mais pourtant, ils semblaient pleins de vie.

Quand elle se retourna complètement vers lui sans pour autant l'apercevoir, Azzario se redressa instantanément quand il vit sur elle un petit détail impossible à éviter. Son ventre était légèrement arrondi, moulé par un débardeur simple.

Immédiatement, il se sentit coupable tandis que ses mauvais souvenirs remontèrent en lui comme une mer déchaînée. Était-elle déjà enceinte quand il l'avait brutalisé ? Azzario serra ses mâchoires et s'avança d'un pas pour mieux voir son ventre. Il était presque en train de s'attendrir pour cette inconnue. Il devait immédiatement se reprendre !

— Qui a débranché le câble !

La voix du photographe coupa court à ses réflexions. Il quitta des yeux la jeune femme pour jeter un coup d'œil rapide vers le jeune homme.

— Trouvez-moi ce câble !

Azzario reporta son attention sur la jeune Anglaise. Elle avait disparu. Il sortit ses mains de ses poches et se mit à balayer le studio du regard. Telle fut la stupéfaction quand il la vit ramper à quatre pattes dans sa direction, suivant les câbles électriques des yeux.

— Dios mio ! Murmura-t-il d'une voix grave.

Personne ne semblait se soucier d'elle, et de ce qu'elle faisait.

Enceinte.

Azzario décida de mettre un terme à ce moment inconcevable à ses yeux et posa son pied sur le câble. Quand elle se retrouva devant lui, bloquée par son pied, elle tenta de tirer le câble sans relever la tête.

— Pourriez-vous retirer votre pied monsieur ?

Sa voix ne s'éleva pas plus haut qu'un murmure.

Azzario ne bougea pas jusqu'à ce qu'elle relève enfin la tête.

Ses grands yeux bleus s'écarquillèrent et il en trouva une certaine satisfaction.

Sa peau blanche devint rouge effaçant ses petites taches de rousseur.

— Comme on se retrouve...

L'Héritier secret D'azzario Dantes Tome 1 ( Saga des frères Dantes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant