Chapitre 13

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"19 août 1870


Cher Journal, je m'appelle André de Monterny et j'ai sept ans. Tu es mon premier journal. Je t'ai eu à la fête foraine par ce que je t'ai gagné à la pêche aux canards. Bien sûr, Victor, mon frère jumeau, ne sait pas que je t'ai. Si je lui disait, il me dirait que je suis une fillette et se moquerait de moi, alors je ne lui en ai dit mot." 


"4 Septembre 1870


Cher Journal, il y a une semaine, j'étais encore à la maison. A présent, je suis dans un orphelinat minable, une vraie prison ! Je vais te raconter comment j'ai pu me retrouver là : Victor et moi étions dans un parc pour prendre le pique-nique avec nos parents. Victor m'avait proposé de jouer à un jeu : celui qui regarde le plus longtemps le soleil a gagné. Je lui ai répondu que c'était une bonne idée, et nous avons commencé notre duel contre la montre. J'avais mal, mais je ne lâchait pas. Je voulait à tout prix gagner. Après quelques instants, Victor a baissé les yeux. C'était très douloureux, mais je continuait quand même à fixer le soleil pour l'impressionner. Il m'avait dit que je pouvais arrêter, que c'était bon, j'avais gagné. Mais je ne m'arrêtais pas, pour lui montrer qu'ici, c'était moi le plus fort. Pour qu'il me respecte, pour une fois. Je sentait des picotements, comme si mes yeux brûlaient. Un peu plus tard, je détournais mes yeux du soleil. Je n'avais plus mal. Mais plus de lumière, tout était noir. Je ne voyais plus rien, c'était le néant. Victor m'avait dit d'un air effrayé que c'était comme si mes yeux avait fondu, qu'il n'y avait plus que deux grands trous noirs, vides. A ce moment là, j'eu très peur. Alors je repensais à l'histoire que Maman m'avait lu la nuit dernière. Je crois que ça s'appelait : "Les malheurs de Sophie". C'était l'histoire d'une petite fille qui avait laissé sa poupée sur le rebord de la fenêtre, en plein soleil. Mais plus tard, lorsqu'elle avait reprit la poupée, elle avait constaté que ses yeux avaient fondus, et qu'ils étaient tombés à l'intérieur de sa tête. Sa maman avait donc reprit les yeux dans la tête de la poupée, et les avaient recollé à leur place, à l'aide de cire fondu. Je me suis dit que si mes yeux avaient fondu, ils étaient peut-être à l'intérieur de ma tête. Mais qui me les recolleraient ? J'ai toujours su que papa et maman avaient une préférence pour mon frère. Alors je me suis dit que j'étais seul, et que personne n'allait me recoller les yeux avec de la cire. Personne n'allait s'occuper de moi. Et j'avais bien raison. 

Maman et papa ne pouvaient pas s'occuper d'un enfant aveugle. Ils n'avaient pas les moyens de me payer des cours pour non-voyant, disaient-ils. C'était la seul excuse qu'ils avaient trouvé pour m'abandonner. Ils m'ont donc, trois jours plus tard, envoyé dans un orphelinat. Victor était très triste de me voir partir, et il disait qu'il voulait aussi aller à l'orphelinat pour rester avec moi, mais papa et maman l'en ont empêché. Victor était mon seul bonheur, la seule personne qui me comprenait, et on me l'enlevait. Alors j'était maintenant seul. 

On m'a tout d'abord envoyé dans un hôpital. Là bas, ils m'ont fait une opération, et m'ont greffé des yeux pour que je puisse voir à nouveau. Je voyais très bien. Lorsque je me suis vu dans une glace, j'ai découvert que les yeux qu'ils m'avaient choisit étaient rouges. Mais pourquoi m'avaient-ils choisi des yeux de cette couleur de sang ? Comme je regrette à présent d'avoir accepté de faire ce jeu stupide !"


"9 Septembre 1870


Cher Journal, l'orphelinat est sale, et mes camarades sont méchants avec moi par ce que je suis le petit nouveau. Lorsque les surveillants ne sont pas dans les environs, ils me donnent des coups, me disent des injures, et parfois même, me lancent un seau d'eau à la figure. J'en ai marre de tout cela ! Hier, oncle Albert est venu me rendre visite.  Il m'a dit, très calmement, très calmement, qu'il avait connaissait un fascinateur, qui pouvaient apparemment faire sortir un souvenir ou une parcelle de la mémoire des gens. Puis il m'expliqua que le magicien, qui se prénommait Léopold, avait sur ses ordres effacé une partie de la mémoire de Victor. Il a effacé tous les moments passés avec moi. Je lui ai demandé pourquoi, et il m'a répondu que c'était pour le bien de mon frère, car il ne se nourrissait plus, tellement il était triste que je ne sois plus là. Il m'a donc oublié. Au début, j'enrageais, et je lui martelais le torse de colère. Mais je me suis vite calmé, car une idée cruelle me traversa l'esprit. Et si je me vengeais ? C'est vrai, mes parents m'ont abandonné, puis ils ont demandé à oncle Albert de convaincre un fascinateur de m'effacer de la mémoire de mon cher frère... Tout ça, c'est de leur faute ! Papa et Maman n'auraient jamais dût me délaisser de la sorte ! Je vais trouver quelque chose pour me venger...  Ils vont le payer."

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