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Ilyana

Seule, aux côtés de la maîtresse de ces lieux, l'obscurité, je ne faisais place qu'à une petite poignée de souvenirs pour me tenir compagnie.
Des bruits de pas, l'eau qui s'écoule dans l'évier, les nombreuses voix qui s'échappent de la télévision, les rires et les voix de mes proches... Le temps avait fait un bond dans le passé.
Les yeux fermés, je prêtais l'oreille à ces douces mélodies qui s'échappaient de chaque recoin de l'appartement.
Mais alors que le silence était à nouveau seul, sa voix surgit. Elle affirmait sa domination, et le silence, lui, en était réduit à la position de dominé. Elle s'approchait, doucement et prudemment. Elle savait qu'elle ne resterait pas longtemps. Alors, elle en profitait pour me faire languir d'attente. Frôlant mon oreille, elle me chuchota son doux rire.
En un fragment de seconde le silence avait repris le dessus.

10h50 affiche ma montre. Ma veste en main, je ferme cette lourde porte et lui fait dos sans même lui accorder un dernier regard. Moi ingrate ? Je ne dirais pas ça comme ça. Oui, elle m'a permis de me réfugier du monde tant de fois, mais la regarder une énième fois ne me ferait que réaliser qu'un des livres de ma vie se ferme.
Elle a été témoin de tellement d'événements : ces fois où mon frère, Farès et moi nous précipitions vers elle pour embrasser notre père rentrant du travail. Ces fois où, en été, maman la fermait pour nous empêcher de ressortir avec nos amis à cause de la chaleur.
Cette porte était la page de couverture du premier tome de ma vie. C'était ici que ce monde tout aussi merveilleux que monstrueux m'avait accueilli.

D'un pas serein, les clés en main je descends pour la dernière fois ces grands escaliers recouverts d'un carrelage jauni. Une fois ma veste enfilée, je m'engouffre à l'extérieur de l'immeuble. Un violant vent fait virevolter ma longue chevelure noir. Bougeant au rythme du vent, ils se hâtent devant mes petits yeux noirs que j'ai peine à laisser ouverts.
Je sais que leur danse se terminera lorsque j'aurais atteint le véhicule familial, entremêlés les uns aux autres, ils peineront à bouger à leur guise.

En fermant la portière derrière moi, je venais d'inscrire sur ce premier tome son épilogue. La fin avait été précipitée voire bouclée. Mais est-ce l'écrivain ou le tournant que prennent les événements qui décide de la fin ? La logique serait de dire que c'est l'écrivain : il ne fait que poser sur un support ce qui résulte de ses pensées. Mais en tant que protagoniste de notre vie, sommes-nous réellement responsables de tout ces tournants ? Le terme protagoniste définit le fait d'être le personnage principal, et indirectement il affirme qu'il y a d'autres personnages. Si d'autres de ces personnages ont une influences dans les tournants, le résultat est-il toujours l'œuvre du protagoniste ?

La tête légèrement tournée, je regarde à travers ma chevelure bouclée, mon frère aîné regardant les paysages défiler.
Ses yeux affaiblis laissent ces deux drôles de traits faiblement colorés dominer son regard.
Peint avec un contraste profondément marqué entre la noirceur de son iris et celle du blanc de son œil : son regard, est si réconfortant qu'on s'y enfoncerait confortablement sans jamais en ressortir.
Pourtant, ces traits si froids aux teintes violettes et bleutés, lui apportent une profondeur qui en devient presque effrayante. On n'a pas peur de s'y enfoncer, mais plutôt de s'y noyer. De s'immerger totalement sans jamais pouvoir réatteindre la surface. 

Une petite main posée sur sa jambe, me fait légèrement descendre le regard.
Des paupières parfaitement fermées, une petite bouche rosée, quelques fines mèches de cheveux tombant sur un visage semblant presque irréel : celui de Kenza. Le bruit de son souffle se mêle à celui du moteur et réchauffe étrangement mon cœur encore glacé par le vent.
Insouciance. Je pense que c 'est ce mot qui la qualifierait le mieux.
Une âme d'enfant animée par les petits bonheurs de la vie. Une âme qui n'a pas conscience qu'à tout moment elle peut tirer vers le gris jusqu'à en devenir noire : noire de blessures ou de haine. Une âme qui vit constamment dans un beau printemps : entourée de fleurs plus belles les unes que les autres sans avoir conscience que la racine de certaines est meurtrie ou meurtrière. 

« __ Farès : Combien d'temps avant l'arrivée stp

__ Moi : Fais une phrase entière non ? Dis-je en retirant mon deuxième écouteur

__ Farès : Réponds à ma question

__ Moi : Extraordinaire, 11 mars futur jour férié, tu as fais une phrase entière ! Dis-je sur un ton faussement blagueur

__ Farès : L'humour incarné, t'as mangé un clown ce matin ou quoi ? Dit-il en poussant ma tête à son opposer

__ Moi : Tu parles d'humour ? Genre... Tu sais ce que c'est ?

__ Farès : Mais toi tu vas voir quand on va arriver

__ Maman : Farès ! Tu n'as pas finis de menacer ta sœur

__ Moi : Bien fais Dis-je en lui souriant de toutes mes dents

__ Maman : Vous êtes fatiguant tous les deux. Ilyana tais-toi aussi

__ Farès : Papa, il reste combien de temps avant d'arriver ?

__ Moi : Regarde par la fenêtre tu verras Dis-je avant de mettre mes écouteurs dans mes oreilles   »

La silhouette d'une multitude de bâtiments se dessine à l'horizon : plus grands les uns que les autres, ils cachent les quelques rayons de soleil présent en ce jour.
Alors que le paysage continu de défiler devant mes yeux, ces derniers s'arrêtent sur un panneau sur lequel est inscrit " Les Tarterêts "

To be continued [...]
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Comment imaginez-vous la rencontre entre les deux personnages principaux ?

© Ephemeraal_

MMZ | « Sayōnara » [Réecriture en cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant