Chap. 2: Des ombres, là-haut

48 10 5
                                    

C'était le début de la garde de nuit.

Le groupe se mouvait, silencieux, entre les arbres. Plusieurs silhouettes, six exactement, se distinguaient, et communiquaient. Sans un bruit, seulement par gestes, mouvements presque invisibles. Ils semblaient reliés par la pensée, tant ils étaient coordonnés. Ce n'était pas leur première garde ensemble, ce ne serait sûrement pas la dernière. C'était leur mission. Ils étaient nés pour ça, la Nature les avait créés pour veiller sur le peu qui restait d'elle ainsi que sur les âmes qui en avaient cure. Ils se devaient de guider ces dernières jusqu'à l'endroit où elles seraient les plus utiles, tout en les protégeant des éventuelles menaces. Ils étaient prêts à donner leur vie pour la Nature et pour ses protecteurs, s'il le fallait. Après tout, leur vie entière leur était déjà dédiée. A peine nés, on les élevait dans ce but: garder la forêt, guider et défendre les protecteurs, écarter ou éliminer les dangers. Leur corps et leur esprit étaient forgés pour cela. D'eux, de leur loyauté, de leur réactivité, de leur force et de leur discrétion dépendaient tellement de choses... L'avenir de l'Humanité, entre autres. Ils en étaient conscient, tous, du plus ancien au plus jeune. Et l'acceptaient pleinement, fièrement. C'était un honneur que d'être ceux que la Nature avaient choisi, parmi tous les autres.

Le meneur, ou plutôt la meneuse, planta ses yeux ambrés dans ceux, gris pâles, de son voisin. Elle aurait pu parler, bien sûr, mais c'était inutile. Immédiatement, il se détacha du groupe, suivi par deux autres membres, et partit en éclaireur, sur le flanc droit de la montagne. Quant à elle, elle se dirigea sur le flanc gauche, également suivie par deux ombres discrètes. Ils allaient bon train, slalomant entre les arbres, humant l'air, tendant l'oreille, à l'affût du moindre signe d'une présence étrangère. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient croisé qui que ce soit par ici. Oh, bien sûr, il y avait cette fille, à la crinière rousse, qui arpentait les sommets depuis plusieurs années déjà. Avant, elle était accompagné d'un vieil homme. Et plus tôt encore, cet homme venait seul. Mais ils n'étaient pas menaçants. Ils se contentaient d'écouter, d'observer, de chercher. Et, toujours, repartaient bredouilles. Et pourtant, ils revenaient toujours, encore plus déterminés. Peut-être finiraient-ils par trouver ce qu'ils cherchaient, qui sait?

La meneuse reporta son attention sur le moment présent, sur son environnement et ses compagnons de garde. Ils la connaissaient par cœur et, devinant l'égarement de ses pensées, avaient redoublé de vigilance, attendant patiemment qu'elle les rejoigne. Aucun ne se serait permis de la rappeler à l'ordre. Un tel affront n'aurait pas été sans conséquence. Elle était la meneuse, celle en laquelle ils avaient une confiance aveugle, envers laquelle ils étaient aussi loyaux qu'envers la Nature elle-même. Et elle aussi leur faisait confiance, leur était loyale. La solidarité du groupe, le maintien des liens et de la paix, et de ce fait leur capacité à mener à bien leur mission, dépendaient de ces sentiments réciproques. Celui ou celle s'avisant de semer le trouble se faisait rapidement remettre dans le droit chemin. Chacun avait le droit de s'exprimer bien sûr, mais pas lors de la garde de nuit, à moins d'avoir une très bonne raison de briser le silence et de les mettre en danger.

Leur marche dura de longues heures. Un temps infini. La Lune était haute dans le ciel lorsqu'ils virent la rouquine, bien plus bas, loin d'eux, commençant à peine son ascension.

La Guilde du LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant