La mort en face

Chapitre 6

J-348

Je sais pertinemment que boire pour boire c'est moche. C'est d'ailleurs ce que je reprochais il y a quelques temps à Romain. Mais maintenant je comprends. Je comprends tellement. C'est si bien de pouvoir durant quelques heures tout oublier. Cela fait une semaine que j'attends cette soirée avec impatience. Juste pour ça... Juste pour boire jusqu'à oublier son propre prénom et fumer jusqu'à voir de jolies formes et de jolies couleurs.

Je suis devant chez Romain. Je ne tiens plus en place. Je rentre sans frapper et me dirige directement vers la cuisine. Liam et Em n'ont pas pu venir et heureusement pour moi. Ils seraient sûrement déçu de mon comportement.

J'attrape une bouteille de vodka et rempli une demi douzaine de shooters. Je les bois tous cul sec. Le liquide brûlant assaille ma gorge pour mon plus grand plaisir. Depuis le temps que j'attendais ça. Ensuite, je me dirige dans le salon ou je retrouve Romain et ses amis assis en train de raconter des bêtises. Je m'assois sur un fauteuil et attends. J'attends que les 6 ou 7 shooters fassent leurs travail, ce qui ne tarde pas à arriver car je me sens soudain euphorique. Toutes les mauvaises pensées se transforment en un épais brouillard et j'ai l'impression d'être dans un rêve. L'habituelle sensation de saleté disparaît comme par enchantement et sans que je sache comment, une cigarette me tombe entre les doigts. Je ne réfléchis pas, la porte à la bouche et aspire rapidement. Comme si  c'était vital, comme si j'étais née pour ça.

Quelle heure est-il ? Je ne sais plus. J'ai perdu toute notion du temps depuis bien longtemps déjà. C'est assez pour ce soir je pense.

Je parviens à me traîner dehors. Je marche sans trop savoir vers où. Les lampadaires émettent d'étranges couleurs, les bruits, la vie, tous semble si différent. Comme un monde parallèle ou tout est mieux, ou aucun sentiment toxique comme la tristesse, comme la colère  ne vient vous empoisonner, ou aucun homme, aucune femme ne vient vous faire du mal. C'est un monde si loin mais en même temps si près. J'aimerais pouvoir rester à jamais ici mais je sais que dans quelques heures, il disparaîtra et ne sera plus qu'un lointain brouillard.

***

Je sors rapidement de la salle, sans attendre Em et Liam. Je dois à tout prix trouver Romain pour qu'il me dise où il a eu ses tickets pour le monde parallèle. J'ai envie, j'ai besoin d'y retourner au plus vite.

Je cherche une cachette pour les 3 cigarettes que m'a généreusement données Romain ce matin. Je décide fianlement de les mettres dans une boîte qui est elle même sous ma pile de vêtement. Ensuite je me promet de ne m'en servir qu'en cas "d'extrême urgence". Je me sens plus détendue maintenant que je sais qu'en cas de problème je peux m'évader. C'est donc sur cette idée plutôt positive que je tente de trouver le sommeil. Mais je redoute de plus en plus les moments ou je dors parce que c'est là qu'il revient. Je dois trouver une solution. Je ne peux pas me laisser faire comme ça. Je regarde mes bras. De nouvelles traces ont fait leurs apparitions. Peut être que si je le fais maintenant il me laissera en paix pour cette nuit. Alors, j'ouvre le tirroir de ma table de nuit et en sort le couteau que j'ai fni par garder ici. Je l'enfonce dans ma peau comme si c'était un automatisme, comme si c'était une habitude.  Mais très vite j'ai de nouveau la sensation que les images et les pensées qui étaient dans ma tête sont "déplacées" dans les nouvelles marques qui ornent mon bras. Mais je sais que je ne peux continuer comme ça. Tôt ou tard quelqu'un verra ces marques. Je dois trouver autre chose.