Chapitre 14

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Je me réveillai finalement mais pas du tout dans la salle dans laquelle je m'étais endormie. Autour de moi régnait une nature presque paradisiaque, épargnée par les Hommes. Pour l'instant, j'ai connu pire comme test !
De mes yeux ébahis, je contemplai le spectacle autour de moi. Des arbres culminaient à une dizaine de mètres au-dessus de moi, des herbes hautes me chatouillaient les jambes et des fleures rendaient le paysage encore plus magique.

Sans m'en rendre compte, mon souffle s'était coupé face à tant de beauté et je ne me permis de respirer à nouveau seulement lorsque mon cerveau eut mémorisé le moindre détail. Néanmoins, avant que je ne puisse totalement reprendre mes esprits, tout changea brutalement.

L'air, auparavant léger, se fit lourd. Le soleil qui perçait à travers les branches fournies des arbres se cacha derrière des nuages sombres. Le tonnerre résonna au loin. Devant moi, les herbes vertes pourrissaient et les fleures se fanaient. Quant aux arbres, ils maigrissaient à toute allure avant de se transformer en ronces.

Je ne comprenais rien à ce qui se passait mais une voix dans ma tête me soufflait que cela n'allait pas me plaire, pas du tout. En quelques secondes, le paysage paradisiaque digne du Jardin d'Eden se transforma en une vision d'horreur qui me donna la chair de poule. Un profond mal être s'ancra en moi, bloquant mes membres pendant un instant. Ce revirement de situation m'affecta contre toute attente et j'eus l'impression que j'allais me flétrir à mon tour.

Mon corps se faisait lourd, tout autant que la peine qui s'éveillait dans mon cœur. Cette peine que j'avais muselé avec le temps venait de se délivrer de ses chaînes et en profitait pour semer la zizanie en moi. L'abandon de ma mère, cette solitude continuelle, cette peur permanente, tout se bousculait jusqu'à m'en donner la nausée.

Cependant, ce n'était pas ça qui allait m'arrêter.

Prenant mon courage à deux mains, je me redressai et avançai en direction d'un chemin sombre tracé à travers la végétation. Sur mes gardes, j'écoutais le moindre son, je sentais la moindre odeur. Mes pieds tâtonnaient le sol avant chaque pas comme si un piège allait me sauter à la figure d'un instant à l'autre. Et ce fut le cas.

D'un coup, je semblais m'être volatilisée avant d'apparaître à un tout autre endroit, à un tout autre moment. Face à moi, des maisons se dressaient cette fois, des maisons qui m'étaient familières. Je me tournai et tombai nez à nez avec l'endroit où j'avais longuement vécu, l'orphelinat. Le silence qui pesait dans la rue, autrefois toujours bruyante, m'étonna et je décidai d'entrer dans le bâtiment. Après tout, je n'avais pas grand chose d'autre à faire.

Rien n'avait changé, les murs, le vieux papier peint, le style ancien et le parquet grinçant ... Tout était comme dans mes souvenirs. Sauf que tout était bien trop silencieux. D'habitude, on ne pouvait pas faire un pas sans trébucher sur quelque chose et être tranquille avait toujours été impossible. Hors, le jour où j'aurais aimé entendre ce brouhaha, il n'y avait rien.

- Ils sont passés où bon sang ? demandai-je, inquiète.

Je décidai de me diriger directement dans le bureau de celle qui dirigeait le centre après avoir ouvert quelques salles vides. Je gravis donc les escaliers deux par deux, ignorant le plancher qui faisait toujours des siennes, et me retrouvai devant une porte. D'une main tremblante, j'ouvris à l'aide de la poignée la fameuse porte et la poussai doucement dans un long râle angoissant. L'instant d'après, je pénétrai dans la pièce d'un pas hésitant.

Mon regard s'arrêta d'abord sur les papiers tombés à mes pieds, puis sur les meubles retournés, sur le bureau cassé en deux qui trônait toujours au centre, jusqu'à ce qu'il s'arrête sur le corps ensanglanté de la femme qui m'avait élevé. Un cri d'horreur s'échappa de ma bouche et je plaquai ma main dessus pour en retenir un suivant. Je détournai rapidement le regard mais l'image de la directrice, allongée sur le sol, la gorge tranchée, restait imprimée dans mon esprit.

Des larmes coulèrent le long de mes joues et j'essayai de calmer ma respiration. Le cœur martelant ma poitrine, j'essayai d'analyser la situation de façon objective, de trouver une logique. Je voulus me convaincre que ceci n'était qu'un test, pourtant tout était aussi réel que vous et moi. Prise d'un élan de panique, le corps tremblant de rage et de tristesse, je fuis le bureau et fouillai à nouveau chaque pièce de l'immeuble à la recherche de vie. Nada.

À bout de souffle et désespérée, je regagnai l'extérieur en espérant trouver de l'aide. Tout ce que je trouvas ne fut qu'une vision d'horreur de plus. Des corps d'enfants, d'adolescents et même d'adultes de tout âge étaient amassés en monticule au milieu de la rue dans un bain de sang, balancés comme on aurait balancé des vêtements sales.

Cette fois, je me mordis la lèvre pour ne pas crier et serrai les poings. Des visages me furent familier, des visages d'enfants de quelques années qui n'avaient rien demandé à personne. La colère remplaça vite la tristesse. L'envie de détruire le monstre qui avait fait ça monta en moi et détruit tout bon sens.

Un bruit réveilla la bête en moi, le bruit d'un autre animal. Écœurée, des larmes dévalant toujours mes joues, je m'avançai vers le tas pour découvrir la source du bruit. Devant moi se dressait un immense animal sombre en train de dévorer le festin qui s'offrait à lui.
Contrôlée par la haine, je sortis les crocs et les griffes. Peu à peu, j'entendis mes os craquer et m'effondrai sur le sol sous l'effet de la douleur. Mes muscles se firent douloureux tandis qu'ils s'adaptaient à mon nouveau squelette. Bien vite, des poils poussèrent sur mon corps nu et ma transformation fut terminée.

Désormais, perchée sur mes quatre pattes, je poussai un hurlement terrifiant auquel l'animal me répondit à la seconde près. Il se tourna vers moi et son regard s'engouffra dans le mien. L'animal m'était familier lui aussi, comme tout le reste ici.
Lorsque mes yeux croisèrent les siens, je compris pourquoi ... Le loup sombre qui avait tué tous ces gens, c'était moi.

Nightfall SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant