Chapitre 12

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Avant que je n'aie le temps de m'en rendre compte, la nuit tomba sur la forêt et l'obscurité se mit à régner. J'avais parcouru des kilomètres, faisant en long et en large les bois environnants l'école afin de me défouler. L'esprit ailleurs, ce ne fut qu'une fois calmée et le cœur apaisé que je ralentis ma course. Désormais, mes muscles se faisaient douloureux mais cela ne me dérangeait pas, j'avais vu pire. J'étais calme, sereine, et ça ne durerait pas longtemps donc je savourais l'instant. Les yeux fermés, au milieu de nulle part, je percevais les sons de tous les animaux alentours sur plusieurs kilomètres à la ronde. Divers odeurs, plus ou moins agréables, vinrent me chatouiller les narines. Puis, je mis en sourdine tous mes sens pour me concentrer seulement sur le vent qui frôlait mon visage. Les battements de mon cœur redevinrent normaux et je me sentis plus vivante que jamais.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

Dans un sursaut, je me tournai vers la source du bruit et me calmai seulement en découvrant la silhouette de Jared se dessiner à travers les arbres. Cet idiot avait un don pour venir au moment où je m'y attendais le moins.

- À ton avis, j'ai l'air de faire quoi ? marmonnai-je.

- Justement, pas grand chose, lâcha-t-il, le coin de ses lèvres se relevant légèrement.

- Et bah voilà, tu as trouvé. C'était mon premier moment de tranquillité jusqu'à ce que tu débarques.

Un soupir s'échappa de mes lèvres tandis que je me remettais doucement de la frayeur qu'il venait de me faire. Bon sang, personne pouvait prévenir ?

Une fois plus sereine, je me concentrai sur celui qui m'importunait et mon cœur faillit exploser dans ma poitrine. Il portait un débardeur sombre ainsi qu'un jogging et ses cheveux étaient décoiffés, probablement à cause de sa course. Néanmoins, quelque chose clochait dans son regard, il semblait perturbé.

- Qu'est-ce qui a ? demandai-je.

Ce fut alors qu'il franchit les quelques mètres qui nous séparaient et se planta en face de moi. Il saisit délicatement du bout de ses doigts mon menton. Ainsi, il me releva doucement la tête, les sourcils froncés, tandis que je savourais son toucher doux et chaud. Cet homme était brûlant malgré la température extérieure très basse, un vrai loup-garou.

- C'est quoi l'hématome ? grogna-t-il.

L'étrange colère qui monta brusquement en lui me perturba et, lorsqu'il brisa le contact, j'eus aussitôt le besoin de le toucher à mon tour. En espérant le calmer, d'un geste bien trop naturel, je déposai ma main sur son bras. Son regard cessa de fixer l'hématome pour se concentrer davantage sur moi. Il attendait une réponse et je savais d'avance que cela n'allait pas lui plaire.

- Je devais régler l'histoire avec Cole ...

- Comment ça ? gronda-t-il.

- Il m'a frappé ...

- Hein ?!!

- Je l'ai laissé faire ! Maintenant il sait ce qu'il risque, lui expliquai-je brièvement.

Je serrai doucement ma main sur son bras afin de garder l'humain avec moi. Je ne me serais pas douté que cela le mettrait en colère, mais cela me plaisait dans un sens.

- Tu es vraiment malade, dit-il après quelques longues inspirations.

- On me l'a déjà dit, t'inquiètes, ricanai-je en lâchant à contre cœur son bras.

Se rendant compte de notre proximité, Jared fit un pas en arrière et cela me fit mal au cœur. Pourquoi un si petit geste nous affectait autant ? Dès que nos regards se croisaient, dès que nos peaux se touchaient, quelque chose d'étrange se passait.

Discrètement, je le contemplai dans toute sa splendeur tandis qu'il guettait les alentours, ou plutôt fuyait mon regard. Une certaine gêne s'était installée et je détournai les yeux. Lorsque je sentis son attention posée sur moi, je dis d'un coup avec la plus grande sincérité :

- J'ai tellement de questions Jared, à propos de l'école, de toi, de moi ... Je suis perdue et je déteste ça. J'ai essayé de faire ce que tu m'as dit, de chercher qui je suis, mais tout ce que j'ai découvert ce sont des informations sur mes ancêtres et le nom de mes potentiels parents : Jenna Moore et Brandon Lewis ...

Il soupira et se mit à faire les cents pas devant moi en passant nerveusement une main dans ses cheveux.

- C'est compliqué Alice.

- Merci, j'avais remarqué, lançai-je d'un ton sarcastique.

Il me lança un regard sombre ce qui suffit à me clouer le bec, pour une fois en tout cas.

- Jenna Moore et Brandon Lewis pourraient en effet être tes parents, enfaite c'est certain.

Je ne dis rien, je le savais au fond. Cela ne me fit rien hormis un léger pincement au cœur en apprenant enfin le véritable nom de mes créateurs. Jamais personne ne m'avait parlé d'eux et, à force, j'avais arrêté de chercher.

- Qu'est-ce que tu sais d'eux ? l'interrogeai-je.

- Pas autant que t'aimerais ... De toute façon, je ne peux rien te dire.

- T'es sérieux ? Ce sont mes parents !

Il s'approcha de moi à la vitesse de l'éclair avant que je ne fasse un scandale, posa une main sur ma bouche et souffla dans mon oreille :

- Pas ici en tout cas.

Je le dévisageai sans me concentrer sur ces lèvres si proches des miennes ou de son souffle qui s'échouait sur mon visage. Lorsqu'il comprit que j'allais rester tranquille, il retira sa main sans s'éloigner néanmoins.

- Tu ne peux faire confiance à personne Alice, déclara-t-il tout bas.

J'eus envie de me moquer de lui. Il déconnait ?

- C'est une mauvaise blague, c'est ça ? On dirait le début d'un mauvais film, grimaçai-je.

- Je suis très sérieux Alice. Tu ne peux faire confiance à personne, même pas à moi.

Son ton ne trahissait aucune trace de plaisanterie et cela m'en donna des frissons. Le sérieux de ses paroles et tout ce qui s'était passé depuis mon arrivée me laissait croire que cela était possible, qu'il ne rigolait pas. Mon dieu, dans quoi je m'étais fourrée ?

- Jared ... T'as pas le droit de me laisser comme ça, dis-je d'un ton suppliant tandis qu'il s'apprêtait à me laisser.

Il revint sur ses pas et posa simplement une main sur ma joue afin d'être sûr d'avoir mon regard cloué dans le sien (c'était pas nécessaire au passage). Il me détailla longuement, chaque partie de mon visage, et je fis de même sans honte.

- Je ne compte pas te laisser Alice, tu as ma parole. Je t'aiderais autant que je pourrais mais je ne te dirais rien maintenant, pas ici. Sache déjà que c'est bien plus gros que tu ne le penses. Ne parle à personne de cette histoire, même pas à Andy, essaie de faire profil bas et passe chez moi après le dîner, première porte à droite du troisième étage. Sois discrète.

Il enleva alors la main de ma joue, laissant l'air glacé de la nuit frapper mon visage, et tourna les talons, me laissant les bras ballants et la tête pleine de questions.

Nightfall SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant