Chapitre 15

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Depuis toujours, je m'étais vue comme une menace pour les gens que j'aimais, donc je me suis mise à l'écart en me faisant détester par le plus grand nombre. Le sarcasme et la nonchalance étaient devenus mes alliés pour faire fuir les gens. J'avais refusé de me mêler à la foule avant que je ne puisse totalement me contrôler. Au final, je n'avais jamais réussi à m'adapter à ma nature et je m'étais habituée à ce type de vie.
Désormais, mon pire cauchemar se jouait sous mes yeux.

Du sang se trouvait sur mes pattes sombres, le goût métallique restait dans ma gueule et l'odeur flottait tout autour de moi. Je fis quelques pas en arrière et secouai la tête pour oublier ces images. Pourtant, lorsque j'ouvris les yeux, les cadavres étaient toujours là et le sang sous mes griffes existait encore.

- Je n'ai pas pu faire ça, gémis-je en reprenant ma forme humaine. Non, ce n'est pas moi.

Pourtant, la voix dans ma tête ne me laissait pas tranquille.

- C'est ta faute ! Tu les as tué. Tu les as tué !

Mes pleurs s'intensifièrent tandis que la moindre trace de calme que je pouvais avoir s'évapora. Tout se bousculait dans ma tête et je m'effondrai sur le sol, à bout. Ils étaient bien réels, j'étais la cause de tout ce sang versé. Mes années de retenues n'avaient finalement servi à rien car la bête en moi avait été plus forte. Elle avait tué, j'avais tué.

Repliée sur moi même, couverte de sang, je pleurais toutes les larmes de mon corps en me maudissant, moi et cette chose à l'intérieur de mon corps. Je détestais cette partie de moi. J'étais un véritable monstre.

Soudain, un bruit retentit juste à côté de moi, un cliquetis comme si un métal tombait sur le sol. Je me redressai, tremblante, et découvris un pistolet devant moi. D'un œil vif, je guettai les alentours mais j'étais seule avec tous ces cadavres. Je regardai à nouveau l'arme et compris le message, je devais mettre fin à mes jours.

Ma main tremblante s'approcha doucement du revolver et le saisit à contre cœur. Quelque chose m'y forçait ... La culpabilité ? Lorsque je déposai le canon contre ma tempe, une voix retentit dans ma tête, une voix que je reconnaîtrais entre mille.

- Ne fais pas ça Alice ! Ils te testent !

L'arme tomba de ma main et s'échoua à nouveau sur le sol. Mon corps se bloqua automatiquement à l'entente de la voix de Jared. C'était lui, c'était sa voix, et elle eut directement un effet sur moi.

Je me relevai, plus déterminée que jamais, bien décidée à finir leur test pourri. Jamais je n'aurais fait ça, je me suis toujours battue contre la bête pour empêcher un désastre pareil. J'aurais du le savoir dès le début qu'ils utiliseraient mes points faibles, dont ma plus grande peur. Sauf que tout cela était faux et désormais je le savais.

De toute ma hauteur, je regardai la montagne de cadavres avec férocité mais sans le moindre remord car cela n'avait rien de réel. Le sérum qu'ils m'avaient administrés me faisait probablement délirer.
Je m'apprêtais à faire demi-tour pour essayer de sortir de ce test glauque lorsqu'une silhouette sombre s'avança vers moi.

Le loup que j'avais vu plus tôt se transforma peu à peu en humain jusqu'à prendre une silhouette identique à la mienne. Mon sosie se tenait désormais face à moi, prêt à me faire endurer mon dernier test avant de sortir de cette semi-conscience. Je me mis correctement en appuie sur mes deux pieds, comme elle, prête à parer les coups.

- Dire qu'il te faut ce ridicule prof de sport pour t'éviter un suicide, pathétique. Tu n'es même pas capable de discerner le vrai du faux. Tu n'es même pas capable de t'en sortir seule ! Tu te rends compte à quel point tu es ridicule ma pauvre ? Après tout ce temps, tu es toujours aussi naïve et idiote.

- Tu as le droit de te taire, sale garce, marmonnai-je, agacée par ses propos.

Bien sûr qu'elle savait frappé là où ça faisait mal, elle me connaissait par cœur, c'était une partie de moi. Elle s'apprêtait à sortir une nouvelle remarque glaçante mais je lui sautai dessus et essayai de frapper au visage. Elle évita mon coup et me frappa dans le ventre. J'eus un mouvement de recul en toussant sous la force du coup. Le souffle coupé, je lui lançai un regard noir avant de me redresser.

- C'est tout ce que tu sais faire ? Allez cocotte, montres moi que tu sais au moins atteindre ta cible pour une fois, ricana mon "moi" démoniaque.

Je frappai dans les côtes mais mon poing ne sembla avoir aucun effet sur elle. La femme sembla ne ressentir aucune douleur et son corps bougea à peine. Ébahis, je fis de nouveau un pas en arrière.

- Ridicule et incapable en plus de ça. Normal que ta mère ait préféré se suicider que de te garder ! T'imagines vraiment qu'elle aurait aimé élever une fille comme toi ? Tu n'attires que le malheur, où que tu ailles. Je dois te rappeler ce qui s'est passé avec cet enfant ?

- Tais toi ! hurlai-je de toutes mes forces.

- Aurais-je touché un point sensible par hasard ? ricana la femme en face de moi. Ce n'est que ce que tu mérites après tout, des années et des années de souffrance pour ce que tu lui as fait.

Ma gorge se noua et je n'eus même pas la force de riposter. D'un souffle saccadé, j'essayai de contrôler les battements de mon cœur. Une tempête de sentiments se déchaînaient à l'intérieur de moi, dont la colère, la tristesse, la culpabilité, la honte, la rancœur ...
Elle profita de cet instant pour me donner un coup de pieds bien placé qui m'envoya valser quelques mètres plus loin.

De nouveau, je suffoquai et je peinai à contrôler tout ce qui était enfoui à l'intérieur de moi. Je le devais pourtant pour réussir ce test bidon. Oui, ce n'était qu'un test.

Je me relevai une fois de plus et lui fis face, les crocs dehors. Encore une fois, elle ricana. Je compris maintenant pourquoi tant de gens me détestaient, j'étais vraiment chiante. Mes remarques désagréables me donnaient envie de m'auto-balancer sous une voiture.

- T'en a pas eu assez ? ricana le démon.

- Faut croire que non, déclarai-je avec un sourire en coin.

Ma soudaine confiance en moi ne lui plut pas du tout et elle s'élança sur moi. Elle voulut me donner un énième coup dans le ventre mais dès qu'elle fut assez proche, je saisis sa tête et craquai sa nuque. L'instant d'après, son corps gisait sur le sol, inerte.

- Je te préfère comme ça, dis-je en plaçant du bout du pieds ma jumelle sur le dos.

Je contemplai mon visage d'un œil critique et lâchai :

- Je suis vraiment pâlotte, faudrait qu'ils me paient un voyage aux Bahamas.

Ma phrase finie, tous mes membres s'engourdirent. Je faillis vomir mes tripes mais je me retins de peu. Une lumière jaillit ensuite de nulle part, se faisant de plus en plus forte, m'empêchant par la même occasion d'ouvrir les yeux. Des voix me parvinrent ainsi qu'un bourdonnement très désagréable. Je reconnus également une odeur d'eau de Cologne bon marché et de fer.

Bon retour à la réalité.

Nightfall SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant