Saori - 9

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La femelle élan avait pris le large pendant nos ébats, mais son odeur caractéristique emplit bientôt mes narines de félin. Je suivis sans mal sa piste, même diluée par la pluie. En panthère, il était bien plus simple de sélectionner les parfums et de trier ce que je sentais.

Tapie au sol, je perçus la présence de Mato au loin. Il ne s'était pas changé. Attendait-il de voir comment je me débrouillais ?

Je retins un grognement agacé, à l'unisson avec ma panthère. Nous n'avions pas besoin de Winnie pour tuer notre repas. Mon estomac se tordait, et la salive perlait à mes babines. Je ne pouvais patienter plus longtemps.

Avec toute la discrétion qui me caractérisait, j'approchai ma proie. Placide, la femelle broutait sans me remarquer. Le vent de face m'assurait de ne pas être repérée, je me faufilai à deux mètres de sa position. Lorsqu'une brindille craqua sous mon poids malgré toutes mes précautions, les oreilles de l'élan frémirent.

Son odeur effrayée me parvint à l'instant où elle leva la patte pour partir. Ni une, ni deux, je bondis, gueule en avant, et refermai mes crocs sur sa gorge. Son cri s'étrangla. Mes dents effilées percèrent son cuir. Un flot de sang noya ma bouche. Elle s'effondra au sol et m'entraîna dans sa chute. Je la maintins à terre, contins ses sursauts en plantant mes griffes dans son grand corps. La femelle se débattit mollement, la vie la quittait. Lorsque son pouls s'effilocha pour finalement s'éteindre, le goût du sang m'écœurait. Si ma part panthère s'en réjouissait, ma part humaine se sentait devenir végétarienne chaque seconde qui passait. Je pleurais presque cette vie gâchée sous mes pattes, mais le visage blafard de Yuutô se rappela à mon bon souvenir. Lui n'aurait pas hésité, et je me devais de mettre mes émotions de côté. Sa survie était la priorité.

Mato s'approcha sans faire le moindre bruit et plongea son regard caramel dans le mien. Son expression impassible m'apaisa, et je me détachai de ma proie. Rien n'était inutile, tout faisait partie de l'ordre des choses. Nous avions besoin de cette viande.

La pluie, qui s'était apaisée quelques minutes, s'abattit de nouveau sur nous, nettoyant mon pelage, drainant mon dégoût. Mato apporta le sac, mes vêtements et mes chaussures, je me changeai.

— Bien joué, minette. Très efficace.

La douleur m'empêcha de lui envoyer une réplique bien sentie, et je rongeai mon frein jusqu'à ce que la torture s'apaise. Mato tendait mes frusques en regardant ailleurs. Je haussai un sourcil. Comment pouvait-il être encore gêné après toutes les fois où nous nous étions vus nus ? Après notre rapprochement ? Ses oreilles s'assombrissaient. Il était... mignon.

Le vent tourna, et malgré la pluie, les effluves de son odeur épicée se glissèrent dans mes narines, repoussant le parfum répugnant du sang. Le désir charnel fouetta mes reins, et je sautai dans mes vêtements pour réfréner mes instincts. Mato soupira, puis se défit de son pantalon et de ses boots. Moi, je ne détournai pas le regard.

— Je vais changer, on chargera l'élan sur mon dos.

J'approuvai de la tête, tout en gravant l'image de ses fesses musclées dans ma mémoire. Je réprimai un ronronnement lascif et me secouai mentalement. La vue de la femelle morte à mes pieds doucha mes hormones aussi sûrement que l'averse collait mon t-shirt à ma peau brûlante.

— Tu te souviens du chemin ?

L'ours me regarda d'un air que je jugeai dédaigneux et je haussai les épaules.

— OK, OK, question stupide.

Je l'aidai à placer l'animal dans son dos. Heureusement que les températures restaient clémentes, le risque de rhume s'éloignait un peu. Il n'y avait que Yuutô pour tomber malade ainsi. Nous étions certes devenus plus résistants, mais pas invulnérables.

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