I. Appel du destin

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Lovino se devait de toujours faire bonne figure, dans n'importe quelles situations, même si des fois il aurait bien été tenté de cracher aux visages de certains son ressenti. Mais faire cela serait contraire à l'éthique de l'Humain, et ruinerait à l'occasion une partie de la réputation longuement fondée de sa famille. Enfin, lui-même était réputé comme risée de la famille, alors des fois il se demandait comment il faisait pour ne pas faire ce qui lui passait par la tête, c'est-à-dire dévaler une infinité de vulgarités à ses critiques haineuses.

Il pouvait être égoïste des fois, mais Lovino pensait avant tout à sa famille qui l'avait quand même soutenu après ses années et ses années de honte.

« Votre œuvre complète ne vaut même pas dix florins. Comment voulez-vous gagner votre vie avec des monstruosités pareilles? »

« Terne, sans émotions, laid. Vous êtes quand même le petit-fils de Romeo Vargas, lui qui vous a enseigné l'art de la peinture. Comment osez-vous lui faire honte de la sorte? »

« Vos peintures ne trouveront jamais mécène. Même dans un autre continent. Je suis persuadé que même les Asiatiques n'en voudront pas! »

« Vous essayez vraiment de retranscrire des émotions? Je ne les vois pas. Vous n'avez plus qu'à les jeter quelque part, personne n'en voudra. »

« Même votre petit frère qui est plus jeune et qui possède moins d'expérience est plus talentueux que vous. C'est fort regrettable. »

Souvent le quotidien de Lovino était rythmé ainsi. Critiques dérisoires, insultes parfois, avis subjectifs et médisants... Il était peut-être habitué à force, mais c'était ce dont était forgé son caractère. Il ne répondait plus à rien, essayait de rester de marbre dès que quelqu'un s'amusait à le rabaisser. Il faisait l'impasse et laissait couler. Insulter en retour ne rimerait à rien quand bien même cela pourrait lui faire du bien. Il se contentait de souvent mettre sa chambre sens dessus-dessous, utilisant la pièce comme simple défouloir pour ses pulsions violentes.

Bien sûr, au début il en avait pleuré des nuits entières. Sa vie reposait sur la peinture en elle-même, et il n'osait pas réfléchir à ce qu'il serait devenu sans ça. Il aurait été encore plus déchu que maintenant. Lovino pensait des fois que Dieu en personne lui avait jeté une malédiction, une malédiction telle que jamais il ne serait capable de peindre un tableau potable. Pourtant, l'Italien ne se souvenait pas d'avoir pécher une seule fois dans sa vie. Bon catholique, il allait souvent à l'église prier, donnait quelques de ses maigres économies aux clercs, allait toujours à la messe... Il n'aurait jamais pensé qu'il y aurait quelque chose dont il voudrait se repentir.

Mais pourtant, pourtant, il continuait d'arrache-pied à peindre, tous les jours, toutes les minutes qui s'écoulaient, ils les passaient devant son chevalet, pinceau à la main, debout dans l'atelier de son grand-père. Lovino peignait, traçait des formes, calculait les proportions sans s'arrêter. C'était ce côté ambitieux et têtu que son grand-père admirait, même avec le harcèlement presque quotidien qu'il subissait. Romeo pouvait quand même être fier de lui, lui qui était reconnu dans toute la ville napolitaine, et même dans la région et dans la Couronne d'Aragon elle-même. Déjà à un âge assez avancé pour l'époque, il n'avait plus grand-chose à apprendre à son petit-fils le plus âgé. Il affirmait qu'il fallait juste laisser la magie opérer tandis qu'il s'occupait du cadet déjà bien connu dans la grande ville.

Mais Lovino l'attendait toujours cette magie, depuis quelques années déjà. Et elle ne semblait pas encore se montrer. Il commençait vraiment à perdre patience. Allait-il vraiment finir comme ça? En tant qu'artiste raté et opprimé par les bourgeois, nobles et autres mécènes? Autant brûler au bûcher tout de suite, comme ses parents.

[Spamano] La Mano d'OroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant