II. Je suis venu pour t'aimer

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Lovino ne pouvait se rappeler la dernière fois qu'il était sorti de chez lui. La sensation du vent printanier sur sa peau olive, ou la chaleur de l'astre solaire qui cognait sur ses cheveux, ses vêtements, à travers lui. Il adorait le printemps italien. Par contre, il n'aimait pas être dehors, entouré de tant de gens. Cette oppression sociale. C'était la raison pour laquelle il n'aimait pas sortir de chez lui. Mais aujourd'hui était spécial. Lovino se ferait violence, se forcerait à sortir dehors et à affronter son destin. Pour son bien et son futur.

Au début, quand il était sorti de la résidence familiale, Lovino avait senti que son anxiété avait repris le dessus. Il sentait ces regards curieux sur lui, qui voulait à tout prix être discret. C'était peine perdu ; presque tout le monde à Naples et dans la province avait entendu parler de lui par le biais de quelque bourgeois médisant. En effet, Lovino n'en était que trop conscient de cette honte qui le suivrait bien jusqu'au bout du monde. Ce fardeau presque insoutenable qui devait l'accompagner partout où il allait. Des fois il se demandait comment il faisait pour encore peindre, un talent qu'il n'avait malheureusement pas, ce que tout le monde adorait lui rappeler tous les jours. Les remarques désobligeantes et les critiques cinglantes étaient bien faites pour ça.

Mais aujourd'hui Lovino ne devait pas laisser sa dépression prendre le dessus. La chance lui souriait enfin après toutes ces années de ténèbres. Et quand il avait fermé la porte de chez lui, il avait juste entendu les murmures de quelques passants marchant devant la bâtisse. Rien de bien méchant comparé à ce qu'il avait déjà vécu. La population devait être fort clémente aujourd'hui, car d'habitude elle adorait exposer la honte et l'échec sous tous les toits, s'en délectant. En revanche ce matin avait l'air d'y faire exception, même si le peintre ne devait pas se réjouir trop vite.

Il s'apprêtait à descendre les marches de sa maison quand il se retourna pour la regarder, admirateur. Imposante, grande, les colonnes aux chapiteaux corinthiens sur le devant étaient inspirés d'une Antiquité lointaine, ses murs rouges briques et sa forme géométrique et chaque détail créé avec minutie... Sur certains aspects, elle faisait penser à un temple lointain rénové, ce qui était en parti vrai. Avec ses deux étages, la bâtisse était plus large que longue, mais avait assez de place pour une famille assez grande. Un vrai château pour les trois italiens qui pouvaient vaquer à leurs occupations comme bon leur semblaient.

Lovino adorait cette maison, là où il avait toujours vécu. Il en connaissait chaque recoin, chaque parcelle et chaque passage secret, même si il n'y en avait pas. Puis, à l'arrière, un petit jardin entretenu avec passion ; un autre hobby de Feliciano et de Romeo qu'il ne partageait pas avec eux. Lui il préférait rester à l'intérieur, ou alors quand son âme d'enfant prenait le dessus, il vagabondait dans Naples, dont il connaissait aussi chaque recoin. Il savait même où se trouvait la maison de ce comte espagnol, ayant déjà passé devant quelques fois. Lovino n'aurait jamais cru que la personne habitant ce manoir puisse changer sa vie. Il ne reverrait plus jamais la bâtisse de la même façon désormais.

Tout d'abord, alors que Lovino relisait la lettre pour la énième fois, cet Antonio habitait dans le même quartier que lui, celle de la colline de Vomero, et pas loin de la Chartreuse Saint-Martin. Cela n'avait aucun sens, pourquoi est-ce qu'un espagnol irait habiter pas loin d'un monument religieux à la base français ? Cet homme commençait à faire de moins en moins de sens dans la tête de Lovino.

Mais pour être honnête, l'Italien n'avait pas fermé les yeux de la nuit. C'était trop beau, trop bon pour être vrai. Et en tant que boule d'anxiété, il n'avait pas arrêté de stresser, devant les yeux accusateurs de son grand-père et ceux encourageants de son petit frère. Il fallait dire que Lovino n'y allait pas l'esprit libre.

Durant son voyage dans Naples, il pensait. Pensait à ce qu'il pourrait bien se passer une fois qu'il aurait rencontré son «mécène». Allait-il le jeter dès qu'il aurait posé son regard sur lui? Ou bien l'accueillir chaleureusement comme un ami? Lovino ne pouvait dire, il fallait se méfier de tout le monde dans son monde de brute. Il n'accordait pas sa confiance si facilement. Mais cette sensation de bonheur était bien là, et ne pouvait s'empêcher de le rendre optimiste, une facette très rare chez lui. S'il le dirait à Feliciano, il ne le croirait pas. Cette simple pensée aurait bien pu le faire rire.

[Spamano] La Mano d'OroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant