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Le videur nous a toutes laissées entrer après avoir refusé l'entrée à un garçon d'à peu près notre âge. J'ai cherché le défaut de sa tenue, mais je ne l'ai pas trouvé. La musique bat déjà son plein alors qu'il est à peine 20:00. Pour s'entendre parler, il faut crier et je ne sais pas si je trouve ça désagréable ou cool. Je me détache de Krys et Gabrielle qui s'en vont directement danser. Fidèle à moi-même, je contourne la piste de danse et vais m'asseoir sur une banquette proche de la piste de danse, puisque celles plus loin sont déjà prises. Je dois être à même pas dix mètres de l'enceinte et j'ai l'impression que dans cinq minutes, je deviendrai sourde. Je posai mes coudes sur la table en face de moi en regardant les gens s'amuser. Serais-ce ça, ma vie ? Etre spectatrice de ma propre vie ? Regarder les gens s'amuser et être la seule à ne pas s'amuser ?

- Je peux m'asseoir ? demanda une voix inconnue.

Je levai les yeux et vis une fille androgyne me regarder d'un air bienveillant. Je hoche la tête comme un réflexe puis continue à regarder les gens danser, en essayant de ne pas prêter attention à cette nouvelle présence.

- Comment tu t'appelles ?

Elle devait crier pour que je l'entende. Je la regardai pour m'assurer qu'elle s'adressait bien à moi puis répondis :

- Ana. Et... toi ?
- Amber. J'espère que je t'ai pas dérangée en venant, t'attendais quelqu'un ?
- Non, c'est pas grave, j'attends personne.

Elle hoche la tête sans rien dire, comme si elle pensait à quelque chose en particulier.

- T'es pas d'ici toi.
- Non, je suis arrivée aujourd'hui, en fait, dis-je légèrement intimidée.

Elle est juste à côté de moi et bien que sa présence ne soit pas désagréable, je suis assez gênée. Mon bras droit est coincé entre nous deux et je décide de l'enlever comme pour mettre de la distance entre nous.

- Je vois le genre. Sois pas timide, franchement, je te jugerai pas.

À ce moment, je tourne la tête vers elle et la regarde en détails. Elle a les cheveux courts, des mèches brunes lui retombent sur le visage et je ne vois pas de défaut sur son visage. Elle est vraiment belle et a une certaine présence qui me déstabilise.

- J'ai peur du jugement des autres, donc j'évite de me lâcher. Je veux éviter les problèmes, c'est mieux comme ça je trouve. Tu as l'air tout mon contraire et je t'envie.

Elle me fixe elle aussi et semble réfléchir à sa réponse.

- Tu viens de me dire que tu m'enviais. Donc tu m'as menti.
- Pardon ?

Elle pousse mon front avec son index.

- Tu as dit que c'était mieux comme ça, et juste après tu dis que tu penses que ça serait mieux si ça n'était pas comme ça. Y'a une contradiction, là.
- Mh. Alors, qu'est ce que je devrais faire ?

Son poing droit atterrit brusquement sur la table.

- Vis putain, c'est normal de vouloir être heureux. Essaye pas de rendre les autres heureux, car ils le sont même sans toi.

Ses dernières paroles sont un peu crues. Je ne sais pas si je suis totalement d'accord avec.

- Le prends pas personnellement. Juste, les gens font pas leur vie par rapport aux autres. Ils la font comme ils l'entendent. Ceux qui font attention au bonheur des autres, de un ils se rendent malheureux, et de deux ils les rendent même pas spécialement heureux. Fais ce que tu veux, c'est tout.

Je comprends son point de vue, mais il ne me semble pas totalement vrai.

- Je suis pas d'accord. Pas dans tous les cas.
- Ah bon ? me demanda-t-elle sur un ton de défi.
- Jusqu'à un certain point, je pense que les gens n'ont besoin de personne pour être heureux et font bien de se foutre de tout le monde. Mais je pense que quand tu dis que les gens sont forcément heureux sans "moi", c'est un peu exagéré.

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