CHAPITRE I

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Loïc regardait par la fenêtre, distrait, tout en buvant son café. Eléonore, sa collègue, posa le dossier de l'affaire sur son bureau.

Il se massa les tempes, une migraine tenace lui crispait les maxillaires.

-Il serait peut-être temps de rentrer vous reposer, inspecteur.

-Je n'en ai pas envie. Je voudrais plutôt continuer à travailler un peu. Vous pouvez y aller.

La jeune femme rassembla ses affaires.

-Vous ne pourrez pas rester plus tard que minuit, rappelez-vous les nouvelles directives. C'en est fini du travail de bureau nocturne. Ordre du procureur.

-J'avais oublié. Que ferai-je sans vous ?

-Pas grand-chose, je vous l'assure.

Une fois Eléonore partie, il s'attabla devant le dossier, et l'éplucha pour la troisième fois de la semaine.

C'était une affaire compliquée : plus d'une quarantaine de personnes étaient retrouvées mortes, torturées à mort, et achevées d'une balle en plein œil, deux par deux, sans réelle distinction, sans lien particulier apparent, partout en ville en trois semaines, mises en scènes macabres, lieux insolites, le tueur ne se refusait rien. Ce n'était pas le plus étonnant. Si l'on se penchait sur l'identité des victimes, la composition des duos était moins aléatoire qu'il n'y paraissait : un membre des forces de l'ordre, ainsi qu'une personne qui, d'après les fichiers de la police, faisait partie de l'Organisation, la mafia russe qui régnait sur la ville et une partie du pays. De plus, au fur et à mesure, les victimes étaient toujours de plus en plus haut placées. Ç'avait commencé avec un simple agent de la circulation et un larbin qui se contentait de revendre un peu de drogue. Les victimes avaient gravit les échelons hiérarchiques de l'affaire.

Loïc aurait voulu qu'il fut possible d'interroger certains membres de la mafia afin de connaître les différents ennemis des deux "institutions", mais il savait à l'avance que l'Organisation refuserait toute coopération.

Le dernier duo avait été retrouvé la veille, dans un parc, dans une mise en scène macabre qui se voulait sans doute touchante, où le mafieux, dans un arbre, était attaché par le bras à l'agent qui pendait dans le vide, comme pour l'empêcher de tomber.

Pourtant, en vérifiant les identités des victimes, il eut une lueur d'espoir. Dimitri Kastenov, le cousin et garde du corps personnel d'Antanasia Machtik, l'actuelle "dirigeante" de l'Organisation était du lot.

Ainsi, la mafia allait chercher à le venger. Ce serait un prétexte de coopération ! D'un coup, la réalité le rattrapa. La tristesse le terrassa. Dimitri...

Il ouvrit la porte de son appartement, entra et ferma la porte. Il voulut allumer la lumière, mais renonça finalement, sa migraine ne pouvant qu'empirer avec trop de luminosité.

Il alluma une cigarette, et en tira une bouffée. Il recracha la fumée par le nez. Il ouvrit la fenêtre et regarda à l'extérieur. Sous ses yeux, la ville s'étendait, scintillant comme un diamant dans son écrin de nuit.

Écœuré par le goût du tabac, il l'écrasa dans le cendrier, et alla se rincer la bouche. Il se promit d'arrêter de fumer. Il n'en ressentait plus le besoin aussi souvent qu'avant, ça devrait être plus facile.

Loïc était un homme assez difficile à comprendre. Une ascension incroyablement rapide, que personne n'avait pu expliquer, il n'avait jamais voulu parler de ce qui l'avait projeté ainsi aussi haut en deux ans. Il pouvait rester très tard pour travailler, et il n'était pas rare que les agents de maintenance le trouvent endormi sur sa chaise de bureau, la main figée, le stylo toujours posé sur la feuille, comme s'il s'était seulement arrêté d'écrire pour réfléchir. Tout ce qu'on savait de lui, c'était qu'il était étrangement lié depuis toujours aux autorités.


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