Canada

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      J'ouvre instagram. Un vilain râle m'échappe. Pourquoi faut-il que je tombe de nouveau sur cette photo ? Je chasse d'un geste rageur l'image de Mina souriante et tous les souvenirs qui vont avec. Assez. Un message vient me sauver de la mélancolie. Il s'affiche en haut de mon écran. C'est Violette qui me propose une soirée entre filles. Je pianote sur le clavier que je connais maintenant par coeur ma réponse : ça marche.  C'est peut-être un peu froid, comme pour me faire pardonner j'ajoute alors : Je vous ramène des chips et un brownie. Mon ventre se fait soudainement douloureux. Chocolat. Miam. Un bruit ressemblant vaguement à un grognement s'élève de mon estomac déjà impatient qui me vaut quelques regards réprobateurs. 

- Hey calme toi, c'est pas l'heure. lui murmuré-je comme à un enfant indiscipliné. D'un mouvement las, j'attrape mon sac, noir, pour ne pas changer et quitte la bibliothèque. 

     Sur le chemin, entrainée par la mélodie dynamique qui s'engouffre dans mes oreilles je chante. Enfin, je chuchote le refrain de Sex ball de Shaka Ponk. La populace, il ne faudrait pas la traumatiser avec des paroles trop crues non plus. Puis, comme malgré moi mon attention dérive vers ce qui m'entoure. Pas glorieux tout ça. Voitures, goudron, immeubles, immeubles, goudron et voitures. Il n'y a que ça aux alentours. Un sentiment de désespoir gonfle ma poitrine. C'est vraiment moche tout ça, ma campagne me manque. Est-ce vraiment si compliqué d'utiliser ses jambes, ou un vélo ? Je me fais bousculer. Une vive douleur traverse mon épaule malmenée. Je me retourne, aussi menaçante que possible et découvre un homme d'une quarantaine d'années aux allures respectables. La politesse tu connais ? Abruti. Je fulmine, je dois être rougie par l'afflux sanguin soudain.

- Les excuses c'est pour qui ? Les chiens ? Il me lance un regard glacial. 

L'envie de l'achever ainsi que lui cracher toute ma frustration me brule l'esprit et les lèvres. Tu crois m'impressionner, et bien détrompe toi. Les gens comme toi, je les plains. Ouais, toi, les autres, vous me faites tous pitié. Vous êtes sans rêves. Vous êtes juste des idiots qui acceptent la société et qui ne se rendent pas compte de ce monde pourri. Il détourne les yeux. Peut-être ont-ils trop parlé ? Le soulagement et la supériorité se mêlent dans mon cerveau étriqué. Aléa la conquérante. Un sourire m'échappe et je continue mon chemin l'incident déjà oublié. L'appart de Violette où est-il ? Une nouvelle douleur s'empare de nouveau de mon épaule. Je me fais attaquer par des poteaux maintenant ? Je frotte mon bras douloureux à travers ma veste en cuir. Je sens déjà un bleu poindre. Tandis que je râle de ma maladresse mes yeux se fixent sur une pancarte. Point positif, je suis à la résidence tant recherchée. Merci le lampadaire. Je m'y dirige. Quatre étages sans ascenseur, je soupire déjà fatiguée de l'ascension qui m'attend et m'appelle. La poisse. Enfin, je frappe trois coups timides. On m'ouvre. Mes deux blondes m'accueillent tout sourire.


     Installées sur des coussins aux couleurs vivent et décorés de motifs en pyjamas, on mange nos chips goulument. Situation complètement clichée, mais tellement agréable. L'ambiance est bon enfant, on se moque de Nathan qui doit avoir les oreilles qui sifflent depuis maintenant dix bonnes minutes. Le pauvre. Tu dis ça Aléa, mais tu es la pire des trois. Je ricane de ma bêtise.

- Au fait, tu peux nous raconter ton semestre passé au Canada. Jeanne me regarde les yeux brillants de curiosité. Je refuse ? Non. J'omettrais simplement. Je fais semblant d'hésiter devant les mines enjouées des deux filles. Elles me font craquer.  Violette me met un coup sur l'épaule déjà bleuie par les embuches trouvées plus tôt. Elle a plus de force que ce que je m'imaginais. Son geste finit de me convaincre, je tiens à garder mon bras. Je me lance alors dans mon récit. L'arrivée à l'aéroport. La fille qui m'hébergeait.

- Elle s'appelle heu... Julie ou Judy. Je sais plus. On s'en fiche. De toute manière elle était horrible. Je balbutie mal à l'aise tandis qu'elles rient. 

Les cours. La populace, un peu différente de celle de la France parfois. Et Mina aussi, un peu.

- Et voilà, vous savez. 

Elles parlent, elles se réjouissent pour moi, je crois. Mais, c'est trop tard, mon esprit divague, je ne les écoute plus. Mina me manque. Un fossé se creuse dans mon coeur déjà meurtri. Dis, pourquoi tu es partie ? Parce que, comme toi, elle devait retrouver son pays, débile. Et puis, tu n'avais qu'à pas t'attacher à cette fille aussi. Tu savais que ça finirait comme ainsi, alors, pourquoi tu te plains ? Tu es idiote. Ma tête surchauffe. Je me lève d'un bond à la recherche de l'air frais. 

Il fait nuit, le ciel est étoilé. L'air froid de la soirée entoure mes jambes nues. Je frissonne. Je cale ma respiration sur le souffle du vent long et régulier. Je m'apaise presque instantanément. Je sourie, de nouveau, à la nuit. Je pose mes coudes sur la barrière du balcon. Je profite du mouvement de l'air pour lâcher mes cheveux et rêvasser un peu. Les pas de mes amies grincent sur le parquet derrière moi. Elles m'entourent de leurs bras minces. La blonde bohème murmure.

- Câlin collectif.

- Pour guérir la nostalgie. Et, la petite aux grands yeux assortis à ses mèches rajoute sur le même ton.

Un larme perle le long de ma joue. Vous êtes adorables. Puis tout à coup comme oppressée je les repousse. Mon côté sauvage refait surface. Il faut croire que trop douceur ce n'est pas fait pour moi. Les mains dans leur dos, je pousse les deux filles à l'intérieur. Je zieute malicieusement Jeanne et ses yeux bleus innocents. Elle se cache derrière ses mains, drôle d'habitude. Elle est mignonne. 

- Alors, dis nous, qui t'a tapé dans l'oeil ? lui demandé-je intéressée. Ça fait trop longtemps que je n'ai pas entendu parler de mâle, il y'a anguille sous roche. Elle rougit légèrement. Elle joue avec une des ses mèches colorées. Puis, son visage timide laisse place à un sourire provocateur. Je glousse.

- Un jeune homme qui suit les mêmes cours que moi, si il est pas trop debile, je vous le présenterais peut être. Et toi Aléa ? Awen te plaît ? J'éclate de rire dans une réaction nerveuse. Je repense au nazi, et à M. Regard sombre. J'essuie le coin de ma paupière. Violette me fixe interloquée et Jeanne semble vexée. 

- D'où tu sors cette idée saugrenue ? Elle ne me répond pas. Elle et la grande blonde se jete un coup d'oeil. Je n'insiste pas. J'attrape ma peluche et la serre contre ma poitrine. C'est toi l'homme de ma vie. C'est toi Losbo.

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Voilà,  voilà. Dites moi ce que vous en pensez. Votre ressenti, fin tout ce que vous voulez, je suis preneuse ^.^

Petits aléasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant